samedi 24 décembre 2011

Joyeux Noël à toutes !

Joyeux Noël à toutes celles qui vont se taper tout le boulot des fêtes ! Il n'y a pas de trêve hivernale pour les ménagères.

Joyeux Noël à toutes celles qui ont couru faire les courses juchées sur des talons qui leur abîment le dos et leur mettent les pieds en feu, se gelant les miches en minijupe malgré les leggins d'hiver (qu'ils disaient).

Joyeux Noël à toutes celles qui  vont rater l'apéro, occupées qu'elles seront à fourrer la dinde (en attendant que Gérard fourre la sienne, ha ha ha ! - ouais, des fois, on est mieux dans la cuisine).

mardi 20 décembre 2011

Pourquoi elle ?

Anne Sinclair est  femme de l'année la femme qui a le plus marqué les Français, selon un sondage réalisé par l'institut CSA pour Terrafemina. Eva Joly trouve ce choix "consternant", les Nouvelles News y voient l'effet des médias.

Pourquoi Anne Sinclair ? Qu'a-t-elle fait cette année pour marquer les esprits ? Une oeuvre caritative avec son paquet de thunes ? Des interviews marquantes ? Des articles pertinents ?
Non. Elle a soutenu son mari.
Bon, s'il est vraiment innocent (ahem), c'est pas rien. A-t-elle créé un comité de soutien ? A-t-elle témoigné ? Cherché des témoins ?
Non, mais elle est restée avec lui. Elle a été "forte, "courageuse", "digne".
Ah ouais. C'est vachement marquant, ça, dis-donc.

vendredi 25 novembre 2011

Une impardonnable cruauté

Ceci n'est ni une analyse fouillée, ni une démonstration rigoureuse. Je voudrais juste que vous laissiez votre imagination vagabonder, en gardant l'esprit ouvert, et que vous vous demandiez, sans mauvaise foi, ce que vous penseriez en lisant ce journal fictif.

Imaginons.

lundi 21 novembre 2011

Tag - Portrait chinois

Avec un peu de retard, je réponds au tag de Cléophis. Il s'agit d'établir un petit portrait chinois. Et franchement, j'ai eu du mal à trouver des réponses ! ;-)
Allonzy... Si j'étais :

  • un animal, je serais une petite souris blanche. Une de celles qu'on dissèque en labo ou qu'on donne à bouffer aux serpents domestiques. Mais j'aurais de la chance, j'aurais été adoptée par un enfant qui me laisserait gambader sur son bureau pendant qu'il ferait ses devoirs.
    Et la nuit, je mettrais en place des plans pour... dominer le monde ! Ha ha ha.

jeudi 10 novembre 2011

Le dialogue lambda

C'est vrai ? Tu tiens un blog ?
- Ouaip. Je ne suis pas trop inspirée en ce moment, et je le regrette. Ca me manque.
- C'est sur quoi, ton blog ? Cuisine ? Scrapbooking ?
- C'est un blog féministe.
- ...
- Tu reprends une bière ?
- Oui, volontiers. Bon, tu sais, j'ai rien contre les féministes, je les aime bien même, tant qu'elles ne sont pas anti-hommes.
- De qui tu parles ?
- Ben, tu sais... Celles qui veulent que les femmes dominent les hommes...
- Ouais, je vois l'idée, mais tu as des noms ?
- Bah euh... Tout le monde sait ça, quoi.
- Tu sais, il y a quelques siècles, tout le monde "savait" que la Terre était plate...
- Oh, chipote pas, tu sais très bien ce que je veux dire. De toute façon, vous les féministes, vous allez trop loin.
- Ah ouais ? Refuser de se faire taper dessus, c'est aller trop loin ?

dimanche 6 novembre 2011

Ainsi soit-elle, Benoîte Groult

Je poste peu en ce moment, mais je lis pas mal.
Je me suis enfin décidée à entamer la pile de livres à lire qui prend la poussière sur mon étagère. J'ai donc ouvert, puis dévoré, Ainsi soit-elle de Benoîte Groult.

De Benoîte Groult, je ne connaissais que la fameuse citation le féminisme n'a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours. C'est simple, concis, clair et pertinent, comme ce livre.
Ainsi soit-elle est paru en 1975, en pleine vague féministe. C'est une époque que je n'ai pas connu et que je n'aurais pas aimé connaître : je suis bien contente, aujourd'hui, de profiter de ma liberté. J'avais donc posé le livre sur ma pile en me disant que ce serait bien intéressant de lire un témoignage d'un passé révolu, mais que je ferais ça un jour où je n'aurais rien de plus important à lire. Et puis finalement, le sourire de Benoîte Groult sur la couverture m'a convaincue de m'installer dans le RER avec ce petit volume.
J'ai pris une baffe monumentale.


samedi 22 octobre 2011

Un heureux événement

Vous savez que, côté cinéma, je suis un peu fleur bleue. Je suis plutôt bon public, j'aime les jolies histoires même quand elles sont un peu neuneu, un peu cliché. J'aime quand il y a un peu de provoc', quand ça mène quelque part. Un heureux événement est typiquement le genre de film qui me va bien.
J'ai lu le livre juste après la naissance de mon premier enfant. A ce moment-là, j'étais en colère d'avoir découvert certaines réalités de la maternité sans que personne ne m'aie prévenue. Forcément, le livre m'a fait du bien, je me suis sentie moins seule. Quand le film est sorti, j'ai tout de suite voulu aller le voir. Coup de chance, j'ai gagné des places grâce à Crêpe Georgette (merci encore, d'ailleurs !). J'ai donc réservé mon baby-sitter et emmené mon mari, toujours content de sortir de la maison, voir le film. J'ai même relu le bouquin la veille.

Etre parent, ou pas, c'est vivre un cheminement très personnel. On arrive devant ce film avec sa propre vision de la parentalité, avec sa propre expérience, ses propres aspirations. Et puis il y a le poids des clichés, les choses qu'on nous a appris à aimer voir, et les autres. Comment critiquer de manière objective un film qui touche à quelque chose d'aussi intime ?
On peut juger la technique cinématographique, la cohérence du scénario ou la qualité de l'adaptation, le jeu des acteurs. Ne connaissant rien à la technique, je passe mon tour. Le jeu des acteurs, en revanche, m'a conquise : on a beaucoup parlé de Louise Bourgoin, mais Pio Marmaï, Anaïs, Firmine Richard et Thierry Frémont offrent également une excellente prestation. J'ai été un peu déçue par Josiane Balasko dont la diction ne m'a pas parue naturelle, mais son regard en dit plus que sa voix.

dimanche 9 octobre 2011

Souvenirs d'étudiants

J'inaugure une nouvelle catégorie sur mon blog : l'enseignement.
J'ai déjà annoncé que j'avais pris, à la rentrée, mes fonctions d'enseignant-chercheur dans une Université de la région parisienne. J'ai parlé du changement de labo, mais pas encore de mon arrivée dans mon nouvel établissement d'enseignement.
Je manque encore de recul pour dire si je m'y sens bien ou pas. J'ai donné mon premier cours mardi, et j'ai accompagné les étudiants en sortie. Pour l'instant, je suis heureuse d'y être. Ces jeunes gens sont en situation quelque peu difficile, et ils ont 18 ans à peine. Les former, c'est tout un métier. Bien que je ne sois pas arrivée là par choix, mais parce que c'est le seul job que j'ai trouvé, je suis enthousiaste. Et je ne dis pas ça parce que certains risquent de me lire !

dimanche 2 octobre 2011

Il était une porte

C'était un bâtiment construit dans les années 60, massif, carré, fonctionnel. Il était tout en béton, pourvu dans l'entrée d'un escalier monumental donnant sur un hall résonnant. On y accédait par une porte cerclée de métal, vitrée, et très lourde. Cette porte suffisait à illustrer le principe du levier : il était absolument inutile de tenter de l'ouvrir en poussant près des gonds, il fallait pousser à l'extrémité de la porte pour qu'elle pivote lentement, difficilement, comme à regret.
J'ai haï cette porte. Pas parce qu'elle était lourde, mais parce qu'elle menait à mon lieu de travail : un laboratoire où je m'acquittais d'une tâche peu intéressante au milieu de gens que je n'aimais pas. Leur conversation se limitait au football, aux films de zombies et à la série le Trône de Fer (parce qu'il y a du cul). Leurs perpétuelles remarques machistes ont réveillé ma conscience féministe. Ils m'ont inspiré l'un des textes dont je suis la plus fière, Rien de grave. Je faisais partie d'un groupe de quelques filles en emploi précaire, au nombre variant au gré de nos congés maternité et des fins de contrat. Coquettes, silencieuses, riant volontiers aux vannes les plus cruelles, elles m'ont inspiré un texte qui me semble aujourd'hui un peu maladroit, Le silence des poupées.

mardi 27 septembre 2011

Madame ou Mademoiselle ? Live blogging sur l'ouverture de la campagne

11h30
Je commence à taper ces lignes à quelques minutes du lancement officiel de la nouvelle campagne d'Osez le Féminisme.
Personnellement, sans avoir vu la forme à part les visuels qui ont été fournis, je ne suis pas contre. 20 Minutes titre avec à-propos "Ces petits riens qui font le sexisme ordinaire" et c'est très pertinent. Devoir préciser si on est "Madame ou Mademoiselle" à EDF, son employeur, la sécu et le vétérinaire de son chat, c'est sexiste, et ça me rend dingue. On nous fait chier avec ça tous les jours, ça me fait monter la moutarde au nez petit à petit, jusqu'à ce que l'employée de banque qui refuse de me donner ma carte bancaire sous prétexte que sur le papier il y a "Mademoiselle" et je porte une alliance se fasse insulter (c'est du vécu).
Ca va avec le changement de nom au mariage, d'ailleurs. C'est discriminatoire.

dimanche 25 septembre 2011

On peut rire de tout...

... mais pas avec tout le monde, disais Desproges. Ouaip, c'est devenu un lieu commun, au point qu'on oublie à quel point c'est pertinent. Ben oui, je ne fais pas de vannes sur les Belges sur Twitter, sachant que des Belges me suivent.

Je ne pense pas être une personne qui manque d'humour. Certes, certains humoristes me laissent froide, certes, je n'ai souri qu'une fois devant l'intégrale des Bronzés, ce qui désespère mon entourage. Mais il y a pas mal de sketches, dont certains controversés, qui me font pleurer de rire. Côté cinéma, je peux vous réciter la Cité de la Peur en pétant, à condition bien sûr d'avoir prévu quelques heures auparavant l'alimentation adéquate. J'idolâtre Goscinny, Leslie Nielsen (RIP), Dany Boon et Martin Vidberg (p'tit plaisir).
Je ne pense pas non plus qu'il y aie des sujets à ne pas aborder. Franck Dubosc m'a bien fait rire (enfin, les 5 premières fois) avec son "Sandy... Cent dix kilos ?" Il caricature un macho, je me moque des phallocrates avec lui, et ça fait du bien. Je peux rire du sexisme, et j'adore rire des sexistes. Je peux aussi rire des clichés, me moquer des tics féminins ou masculins absurdes, même si des fois je partage ces travers.

mercredi 21 septembre 2011

Le tabac, c'est tabou...

... on en viendra tous à bout !

Je suis une ex-fumeuse. A en croire la nouvelle campagne :



avant, j'étais moche, seule et triste, mais depuis que j'ai arrêté, je suis belle, désirable, au point de trouver quelqu'un qui voudra bien m'engrosser. Et puis après, l'accouchement, c'est comme qui rigole, hein.

C'est Don Draper, la clope à la main, qui l'a faite, cette pub ?
C'est un type qui pense que l'important, pour une femme, c'est d'être belle, de se trouver un mec, et de faire des mômes ?
C'est un type qui n'a jamais arrêté de fumer, en tout cas.

lundi 19 septembre 2011

Faute morale ???

Je ne m'attendais pas à ce que DSK nous dise "ben ouais, j'ai violé Diallo, je me suis bien marré, j'ai échappé à la justice, et je vous ai bien niqués". Evidemment qu'il allait tout nier au 20h. Evidemment que ça allait être glauque, indécent, voire insupportable à écouter et à regarder pour les plus sensibles d'entre nous. D'ailleurs, j'ai vite zappé sur Hell's Kitchen (quand Gordon Ramsay balance la sauce à la figure de ses cuistots, il assume, au moins).
Je m'attendais à ce que DSK nie tout en bloc avec un regard de cocker pour apitoyer ceux qui le croient innocent, victime d'un complot, injustement menotté et retenu dans une prison sordide pendant que ses accusatrices se bourraient la gueule au champagne avec les politiciens français bien contents de le voir hors course. Mais ça... non, je n'aurais pas imaginé qu'il nous sortirait des excuses pour une "faute morale", même si son ballet au FMI avant son départ de New York aurait dû me mettre la puce à l'oreille.

jeudi 8 septembre 2011

Les harpies

On les appelle des fois les féministes radicales. Des fois, les féministes victimaires (ça fait toujours savant, les néologisme). Ou plus simplement, les féministes extrémistes. Pour certaines personnes, par ignorance ou par pure mauvaise foi, elles sont les féministes, tout simplement.
Ce sont des castratrices. Elles voudraient dominer les hommes. Elles voudraient les priver de leurs enfants. Elles les voient tous comme des monstres. Elles ne perdent jamais une occasion de salir les hommes. DSK serait leur dernière victime : bafouant la présomption d'innocence, elles auraient profité de la situation pour lui faire expier une faute incombant, dans leur délire, à l'ensemble des hommes. Mères indignes, elles élèvent leurs enfants dans la haine et la peur, ou au contraire dans un amour étouffant.
On les compare aux Harpies, car elles harcèlent les hommes, ou les Érinyes, parce qu'elles cherchent avec acharnement la vengeance. Elles trimballent, scotché à leurs godasses, tout le bestiaire monstrueux des Grecs, de la Gorgone au regard pétrifiant à Lamia la dévoreuse d'enfants. Elles sont la fureur à face humaine, elles sont l'allégorie. On les craint, on les montre du doigt. On dit aux petites filles : voilà à quoi tu ressembleras si tu sors du rang.

vendredi 2 septembre 2011

Ces petites femmes


La colère gronde sur le net : la mode tente de faire de nos petites filles des objets sexuels. Sans aucune ironie ni arrière-pensée, je dois dire que ça me bouleverse et ça m'écoeure. Je ne comprends même pas que ce soit possible.
La colère passée, je me suis demandée pourquoi la nausée  subsistait après avoir constaté l'indignation quasi générale soulevée par ces images. J'aurais dû être contente, être un peu calmée. Avoir retwitté les articles qui dévoilent le scandale pour contribuer à faire prendre conscience à tout le monde aurait dû me soulager. Mais non. Alors il faut que je vous raconte ce qui me passe par la tête.

Présenter les enfants comme des objets sexuels, c'est une horreur. Ca donne du grain à moudre aux pédophiles, ce qui est un argument suffisant pour coller des baffes aux (ir)responsables de ce désastre. Mais la question qui va inévitablement venir est : à partir de quel âge la représentation d'un être humain de sexe féminin passe de monstrueuse à normale, voire esthétique, artistique ? Par quelle magie la sexualisation des corps exhibés passe-t-elle, selon l'âge de la personne, d'ignoble à anodine ?

mardi 23 août 2011

Ce qu'on m'a appris sur les hommes

Il parait que les filles, quand elles sont entre elles, sont "pires que les hommes". Les filles entre elles, ça fait un peu fantasmer les hommes, ça les dégoûte un peu aussi. Plus vulgaires, plus directes, leurs discours seraient plus francs, plus intimes. Libérées du désir de plaire, elles se lâcheraient.
Je n'ai jamais été dans ce genre de discussions. Les rares fois où j'ai eu des échos sur la sexualité de mes connaissances, c'était plutôt des plaintes gênées. En outre, jamais je n'ai pu dire de gros mots sans soulever l'indignation. Je n'ai jamais partagé de moments intimes, câlins, ou coquins avec mes copines. Par contre, je me suis souvent trouvé dans des discussions où les femmes se plaignaient des hommes.
Messieurs qui rêvez de discussions débridées où nous célèbrerions vos performances sexuelles, déchantez. Voilà ce que j'ai entendu, voilà comment on vous voit.

jeudi 18 août 2011

Les films incorrects

Voilà que je suis tagguée pour la deuxième fois, par Olympe. Continuez, j'adore, ça me donne l'impression que je compte, dans la blogosphère !

Cette fois, il s'agit de donner trois films qui vont à l'encontre de mes convictions mais que j'aime bien quand même. C'est du moins comme ça que j'interprète la chose...

Même si ce n'est pas difficile de trouver des films sexistes, ma culture ciné est vachement réduite ; elle est composée majoritairement de films pour enfants. Je ne vais pas reparler des films que j'ai déjà cités sur le blog (La Belle et la Bête, Ratatouille, La Princesse et la Grenouille). Je ne vais pas faire semblant de connaître des films confidentiels, alors faut assumer : ma réponse au tag sera spécial Disney et Pixar. Après tout, c'est ce qui contribue à formatter les mômes. Je tente aussi de rester sur les films relativement récents, puisqu'on peut toujours dire des films plus anciens que c'est "d'un autre âge". Exit donc Cendrillon et Blanche-Neige qui seraient tous de même des bons clients.

mercredi 17 août 2011

Voyage au Vietnam - 5. Expériences gustatives


Lien vers la première partie.
Lien vers la deuxième partie.
Lien vers la troisième partie.
Lien vers la quatrième partie.

Nous sommes arrivés à Hanoi dimanche 7 août en milieu d'après-midi. Mon Hobbit a été ravi de retrouver Viet à l'aéroport. Nous aussi d'ailleurs.
Viet nous avait réservé deux surprises. Mamie lui avait téléphoné pour lui demander d'organiser un repas au cours duquel nous mangerions du serpent : mon mari et Tonton avaient parlé plusieurs fois d'en manger à l'occasion. Le repas avait été prévu pour le soir même. La seconde surprise concernait notre dernier jour à Hanoi : Viet nous a proposé de venir chez lui, d'y manger un tiet canh (plat que je ne connaissais pas mais dont j'avais beaucoup entendu parler) et de là, d'aller visiter la baie d'Halong terrestre qui était tout près. Ca ne se refuse pas !

mardi 16 août 2011

Voyage au Vietnam - 4. Hué et Hoi An


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Lien vers la deuxième partie.
Lien vers la troisième partie.


Nous sommes arrivés à Hué vers 21h. Les enfants étaient épuisés.
Viet ne nous avait pas accompagnés pour nous éviter d'avoir à ajouter son billet d'avion aux frais que nous lui devions. Il nous a confiés à un de ses collègues, M. Dung (prononcez "Zung"), qui nous attendait à la sortie de l'aéroport.
M. Dung nous a conduits sur le parking à la recherche du minibus qui devait nous transporter à l'hôtel. Hélas, le véhicule était introuvable : il avait été victime d'une crevaison. La situation s'est arrangée rapidement, mais le temps nous a paru long, sur le parking d'une ville inconnue avec les enfants au bout de leurs forces. Je crois que M. Dung a eu peur de nous faire mauvaise impression, mais nous ne lui en avons bien sûr pas voulu pour ce contretemps absolument impossible à prévoir !
L'hôtel où nous avons dormi à Hué était vraiment superbe. C'était la première fois que je n'avais rien à redire. Même la salle de bains était nickel. Seule ombre au tableau : nous sommes arrivés tard pour partir tôt le lendemain et nous n'avons pas eu le temps d'en profiter !

dimanche 14 août 2011

Voyage au Vietnam - 3. Halong

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Lien vers la deuxième partie.

Après une journée tranquille à Hanoi, nous avons repris la route, le matin du mardi 2 août, pour le village où ma Mamie est née et où vit encore un de ses frères. De là, nous devions rejoindre Hai Phong, puis la baie d'Halong.

Viet nous a embarqués dans un minibus en direction du village. Nous avons passé deux heures sur la route, deux heures où j'ai laissé mon excitation monter. J'allais rencontrer mon grand-oncle, sans doute une partie de sa famille, et peut-être voir les tombes de mes ancêtres. Ce dernier point me motivait moins que les autres, les cimetières, c'est pas mon truc, mais le reste de la famille avait l'air de trouver ça super important, alors...

samedi 13 août 2011

Voyage au Vietnam - 2. Sapa

Voici la suite durécit de mon voyage au Vietnam. Pour la première partie, c'est * ici * !

Nous sommes partis jeudi 28 juillet au soir pour Sapa, au nord du Vietnam. Il s'agissait de prendre un train de nuit pour Lao Cai, une ville frontalière, puis un bus pour Sapa, par une route de montagne au milieu des rizières. Le lendemain, nous devions reprendre le bus, cette fois pour Bac Ha, où s'installe un très grand marché. Le dimanche soir, nous devions reprendre le train de nuit de Lao Cai à Hanoi. La bonne nouvelle, c'est que Sapa étant en altitude, il y ferait plus frais qu'à Hanoi. Mamie est restée à Hanoi, pour ne pas être fatiguée par l'excursion. Ses amis ont bien pris soin d'elle ; je sais qu'ils sonnent régulièrement à sa porte avec des victuailles diverses et de quoi faire du thé, veillant à ce qu'elle mange et boive bien.

jeudi 11 août 2011

Voyage au Vietnam - 1. Hanoi

Me voilà de retour de mon voyage au Vietnam et, comme promis, voilà le récit.

Nous sommes partis en famille, à 10.
Il y avait d'abord Mamie. Ma grand-mère adorée est née au Vietnam il y a bientôt 80 ans. Après une enfance et une jeunesse mouvementée, elle a épousé mon grand-père, un militaire français, et l'a suivi en France après la débâcle de Dien Bien Phu. Mon grand-père n'est maintenant plus de ce monde. Mamie a mis au monde 6 enfants, et elle a maintenant 11 petit-enfants et 4 arrière-petits-enfants. Elle veille sur sa smala comme une louve tendre et protectrice. Il est impossible de ne pas l'aimer ! Elle retourne au Vietnam régulièrement et elle a des copains à Hanoi comme dans la ville où elle est née.
Il y avait aussi Tonton et Tata. Tata est la dernière fille de Mamie, la soeur de ma mère. Elle est une mère de famille attentive qui adore les petits, et elle est très attachée à ses racines vietnamiennes. Tonton est un pater familias alliant d'excellentes qualités sportives à un esprit brillant. C'était leur quatrième voyage au Vietnam et c'est eux qui l'avaient organisé.
Les 3 filles de Tonton et Tata, mes cousines germaines si vous avez bien suivi, étaient aussi du voyage. Ces adorables petites filles ont de 5 à 11 ans, et je les aime de tout mon coeur.
Tonton a emmené son petit frère Sam, un artiste à l'humour décapant. Nous le connaissons depuis quelque temps déjà et nous étions ravis de le voir se joindre à nous.
Nous n'avons pas emmené le Lutin, pour lui éviter un voyage long et éprouvant dont il ne garderait pas vraiment de souvenir : nous l'avons laissé chez mes parents. Ceux-ci étaient allés au Vietnam quelques années auparavant et en avaient gardé un souvenir ému. Nous n'étions donc que 3, Chéri, Hobbit et moi. J'ai violemment étouffé ma peine en laissant mon bébé pour deux longues semaines et je suis partie, comme anesthésiée.

lundi 25 juillet 2011

Tag de l'aéroport

Je viens d'être tagguée par Euterpe. Je vais tenter de répondre depuis mon téléphone. Je suis en effet à l'aéroport, en partance pour Hanoi. J'emmène le meilleur guide : ma grand-mère qui est née au Vietnam. J'y rencontrerai d'ailleurs son frère! :-)
Je dois donc donner 7 bonheurs, un par jour de la semaine. Alors...

Lundi. J'arrive enfin à débugger mon programme. Victoire de la femme sur la machine. Satisfaction du travail accompli. Paix en voyant régner la logique et l'ordre.

Mardi. Je fais des lasagnes et c'est très bon. Hobbit a les yeux qui brillent.

Mercredi. J'obtiens enfin de mon mari qu'il accepte de regarder un film que j'adore, les Liaison Dangereuses (Frears). Il adore. C'est génial de le voir vibrer. Il faut que je relise le livre.

Jeudi. Incroyable show de catch! Enfin du changement à la WWE...

Vendredi. C'est les vacances! 4 semaines sans entendre parler du Trône de Fer est des filles à poil dedans...

Samedi. Je dépose bébé chez mes parents. La séparation est dure, mais Papa me console d'un délicieux rôti dont il a le secret. Je m'offre des livres avec MES sous que J'ai gagnés.

Dimanche. Je réalise que je vais enfin voir la terre de mes ancêtres. Le Vietnam, enfin. Toute ma vie ma Mamie chérie m'en a parlé.

Voilà ce qui me vient à l'esprit depuis la salle d'embarquement. Je vous raconterai le voyage, promis! Je twitterai peut-être un peu...
A dans 2semaines! Bises.

vendredi 22 juillet 2011

Deux frères

Je suis fille unique.
C'est pas un drame, mais des fois, je me sens un peu seule. J'aurais bien aimé avoir un grand frère ou une grande soeur pour me guider. Un petit frère ou une petite soeur, curieusement, ça ne m'a jamais attiré, mais j'aurais certainement appris à l'aimer. Maintenant que je suis adulte, des fois, je me dis que j'aimerais bien avoir quelqu'un qui aurait grandi avec moi, qui aurait reçu une éducation proche de la mienne, et à qui je pourrais écrire. Je posterais des conneries sur son mur Facebook avec plein de "lol" et de ";-)" dedans (ouais, je suis lourde, sur Facebook), je lui enverrais des diaporamas à la con sur sa boîte mail pro... On échangerait des photos de nos enfants, on leur réserverait une pièce pour qu'ils jouent ensemble pendant les longs dîners de famille. On les regarderait jouer en nous souvenant de notre propre enfance, en échangeant un clin d'oeil complice et ému. Je lui poserais plein de questions sur son job, j'apprendrais plein de choses que je pourrais ressortir fièrement au boulot à la machine à café.
Enfin, c'est comme ça, je ne suis pas malheureuse et la situation a ses avantages. J'ai eu Papa et Maman pour moi toute seule. Et puis, peut-être qu'on s'entendrait pas, peut-être que je me serais retrouvée avec un beau-frère ou une belle-soeur débile.

Les frères et soeurs, pour moi, c'est une grande inconnue. J'ai beau observer les fratries, je n'arrive pas à établir une vision des frères et soeurs qui ne soit ni stéréotypée, ni fantasmée. Et puis les parents, comment ils s'organisent avec deux gosses ou plus en même temps ? Je n'ai jamais vu les miens faire, je n'ai pas de modèle. Je suis dans le flou total.
Je n'ai réalisé que j'étais un peu perdue que pendant ma seconde grossesse. Je me suis lancée dans la conception du lutin sans réfléchir, parce que moi, si je réfléchis, je ne me lance jamais. Et là, terrassée par des nausées incessantes et un épuisement total, j'ai réalisé que je ne savais absolument pas à quoi m'attendre. J'ai paniqué. Est-ce que j'arriverais à gérer les deux enfants en même temps ? Est-ce que je saurai faire cesser les inévitables chamailleries, les jalousies ? Est-ce que je saurai comprendre ce qui leur passe par la tête quand ils sont ensemble ? Et surtout, est-ce qu'ils vont s'aimer ?
On me disait que, forcément, il y aurait des jalousies, des bagarres. Qu'il ne fallait pas m'en faire, que c'était normal. Normal ou pas, l'idée de les voir se déchirer me brisait le coeur.

Mon hobbit réclamait depuis des mois un petit frère. Nous n'avons pas voulu lui annoncer ma grossesse dès le début, de peur qu'il soit déçu en cas de fausse couche. Par contre, nous souhaitions lui permettre de profiter de ma grossesse : assister aux échographies, sentir bébé bouger, lui parler... S'il le souhaitait, évidemment, sinon, on ne l'aurait pas embêté avec tout ça.
Le matin de la première échographie, nous lui avons annoncé que j'avais "un bébé dans le ventre" et qu'on allait le voir en photo dans la journée. Il savait parfaitement que les enfants grandissent dans le ventre des mamans : un de ses copains, chez sa nounou, avait eu un petit frère l'année précédente, et il avait vu grossir la mère qui a fini par venir avec le bébé dans les bras. Il a compris tout de suite ce qu'on lui expliquait (je vous ai dit qu'il était malin !). Dans les premières secondes, il n'a manifesté ni joie, ni contrariété. Il est resté les bras ballants, étonné, perdu. J'ai eu peur, et je lui ai dit la première chose qui me venait à l'esprit :" Tu veux faire un bisou au bébé ?". Son visage s'est éclairé, et, fou de joie, il s'est jeté des mes bras, plaquant un énorme baiser sur mon ventre encore plat.
Il est venu à toutes les échographies, malgré un panneau de l'hôpital qui interdisait la présence des moins de 8 ans. Les praticiens l'ont toujours fait entrer quand même et lui ont montré celui qu'il appelait déjà "MON bébé". Avec sérieux, il a écouté les conseils de la famille : faire des gestes doux avec le bébé, bien se laver les mains, ne pas lui prêter ses jouets de grand. Il nous a aidé à aménager la chambre, à acheter ce qui nous manquait ; il a fouillé dans ses affaires pour retrouver ses jouets de bébé qu'il a presque tous rangés lui-même dans la chambre de son frère à venir (je lui avait expliqué qu'il aurait toujours le droit de jouer avec, quand même). Avec tendresse, il a pris soin de moi, sans qu'on lui demande rien. Nous avons discuté du prénom tous ensemble et avons, tous les trois, craqué sur le même. Un vrai rêve.
Parallèlement, c'est à cette époque qu'il a commencé à se sentir mal à l'école. La maîtresse était inflexible : l'arrivée imminente du bébé le dérangeait forcément. Pourtant, il était si fier, si heureux, si pressé de voir bébé ! Je ne l'ai pas écoutée, je connaissais mon gamin, quand même. Je m'effrayais de cette prise en charge inadaptée du problème.

Le 1er mars dernier, mon lutin est venu au monde. Fils de deux adeptes du smartphone, bébé a été photographié dès ses première minutes de vie, et ces photos ont été envoyées à mon père, qui gardait le hobbit. On m'a raconté la voix attendrie de mon bonhomme lorsqu'il répétait le prénom du bébé, son sourire, son impatience en attendant les heures de visite.
Il est entré dans ma chambre pendant que je donnais le biberon. Il n'a rien dit, lui qui est plutôt bavard. Il a regardé le bébé, puis s'est jeté sur les sacs que mon père transportait pour en sortir les cadeaux prévus. Il nous a couverts de présents, simplement. J'ai compris qu'il était embarrassé, qu'il ne savait pas comment faire connaissance avec son petit frère. Alors je lui ai dit qu'il pouvait l'embrasser, le caresser, le toucher, lui parler. Il l'a embrassé tout doucement, en faisant attention (lui qui est un vrai bolide imprudent, un briseur de vases impénitent). Et puis il s'est ennuyé, et il a demandé à partir. Mes parents l'ont emmené : avoir un petit frère, c'est pas être forcé à rester dans des endroits où on s'ennuie.
Nous sommes rentrés à la maison. Mes garçons ont appris à se connaître. Mon hobbit se précipitait pour redonner au bébé sa tototte quand il la lâchait. Il lui disait "ne t'inquiète pas, bébé, je suis là, je serai toujours avec toi". Il a appris à imiter nos gestes, notre ton. Nous l'avons encouragé, lui avons montré que son petit frère l'aimait : ses premiers areu, ses premiers sourires ont été pour lui, et bébé le regarde avec admiration. Nous avons veillé à ne pas trop le responsabiliser non plus : à chaque fois qu'on lui demande un coup de main, nous lui rappelons qu'il n'était pas obligé de le faire. Il s'est senti libre de refuser et ne s'en est pas privé.
Et pendant ce temps, à l'école, c'était toujours l'enfer. Il ne voulait plus y aller, il se roulait par terre de colère, se cachait derrière les arbres... La faute du bébé, bien sûr ! Mais quand j'ai repris le travail, ça s'est calmé, comme par magie, du jour au lendemein. Ce n'était pas l'arrivée du bébé, en tout cas pas directement, qui modifiait son comportement : il voulait rester à la maison avec moi ! Le diagnostic de précocité a suivi, la maîtresse a fini par s'adapter à lui, tout en continuant à penser que l'arrivée du Lutin avait servi de catalyseur. Elle est têtue...

Je ne nie pas qu'il aie pu se poser des questions. Il m'a demandé une fois si je l'aimais toujours autant, et je l'ai rassuré. Il a eu l'air convaincu et m'a dit, quelques jours plus tard "on est tes fils, tu nous aimes tous les deux".
Nous avons reçu en cadeau des livres pour enfant où le petit héros voyait arriver un petit frère ou une petite soeur. Nos généreux donateurs ont voulu aider mon hobbit à passer le cap. Partant du principe que la naissance d'un bébé est un bouleversement et que ça lui a forcément fait quelque chose, j'ai été très contente de recevoir ces livres dont je comptais me servir pour lancer un dialogue. Alors que je lui en lisait un, Hobbit m'a demandé :
"Maman, c'est quoi, être jaloux ?
- C'est vouloir quelque chose qu'un autre a. Là, Hugo voudrait que sa maman passe plus de temps avec lui, vu qu'elle s'occupe beaucoup du bébé."
La réponse a été rapide, spontanée, scandalisée : "Mais il est BETE !"

Aujourd'hui, le lutin apprend à jouer sous le regard ému, attendri et fier de son grand frère. Je lui explique comment fonctionnent les bébés, je lui dis qu'il apprend peu à peu à se servir de ses mains, de ses pieds... Hobbit m'a un jour sauté au cou en hurlant de joie : "Maman ! Il a réussi à attrapper son doudou !" Grand frère fait d'immense câlins à son bébé, et râle quand bébé lui bave sur les joues : "c'est pas comme ça, les bisous !". Quand on rencontre quelqu'un, il lui présente toujours lui-même son petit frère, avec solennité : "Ca, c'est mon petit frère, il s'appelle Lutin". Il rayonne de fierté quand on lui dit que bébé est costaud, mais quand on dit qu'il est mignon il hausse les épaules : "ben oui, hein, il est beau, mon petit frère". C'est tellement évident. ;-)

Oui, l'arrivée du bébé a été un bouleversement pour mon bonhomme. Je ne savais pas à quoi m'attendre, et tout le monde m'a annoncé de la jalousie, de la violence, de la colère. J'avais peur. Finalement, ce que j'ai vu, c'est la naissance d'un amour immense, d'une complicité attendrissante qui m'étonne et me charme.
Je ne sais pas ce que ça donnera plus tard. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, tout ne sera pas parfait. Leurs rapports futurs ne seront sans doute pas aussi beaux que ceux dont je rêve, mais quand même, ça promet. C'est la preuve, s'il en fallait encore une, qu'il ne faut pas croire les clichés.


PS : je pars en vacances dans quelques jours, je tenterai de passer pour répondre aux commentaires, s'il y en a, mais je ne vous promets rien ! :-)

vendredi 15 juillet 2011

L'Amour en Plus

Je n'ai jamais cru en l'instinct maternel, même avant d'avoir mes enfants. Cet instinct ressemble plus à un fantasme de pouvoirs surnaturels qu'à une caractéristique aux causes physiologiques établies. A la naissance de mes enfants, je n'ai pas gagné de capacités extrasensorielles. Si, quelquefois, j'ai réagi plus vite que mon mari, c'était clairement par habitude des poupons et des discussions sur les bébés avec les mamans. Je n'avais donc aucun doute quant à l'inexistence de l'instinct maternel quand j'ai ouvert L'Amour en plus d'Elisabeth Badinter. Je cherchais des arguments et des faits pour casser les machos qui sous-entendent toujours que mon intérêt pour mes enfants est instinctif (pas besoin d'instinct pour aimer mes merveilles !). Et puis j'étais curieuse de lire Badinter ; je ne sais pas à quoi ressemblent ses autres livres même si j'en ai beaucoup entendu parler (pas en bien !), mais celui-ci, je l'ai bien aimé.
Badinter ne parle pas d'instinct maternel, mais d'amour, cet amour absolu, naturel, de la mère pour son enfant. S'il est naturel, s'il apparaît automatiquement dès la naissance de l'enfant, il a dû se manifester chez toutes les mères, tout au long de l'histoire. Et s'il est absolu, toutes les mères ont dû se sacrifier pour le bien-être et la sécurité de leur enfant.

La première partie de l'ouvrage démontre, chiffres et témoignages d'époque à l'appui, que sous l'Ancien Régime les mères ne se sont pas sacrifiées pour leurs petits. Peu désireuses de pouponner (dans cette société, les enfants font peur, ils sont méprisés, traités comme des jouets), elles les ont massivement abandonnés à des nourrices chez qui ils étaient en grand danger de mort, et en toute connaissance de cause. Les jeunes survivants étaient, selon les moyens des parents, éduqués par des précepteurs, des gouvernantes, des collèges, des couvents, mais rarement par leurs parents, et donc pas par leurs mères.
Ceci ne veut pas dire que l'amour maternel n'existe pas, mais qu'il n'est pas absolu. Ceci étant, on pourrait croire que l'amour maternel a été étouffé sous l'Ancien Régime : l'abandon étant la norme sociale, les conditions n'étaient pas propices à la naissance de sentiments, quelqu'ils soient.

La seconde partie de l'ouvrage montre comment les hommes politiques de la fin de l'Ancien Régime ont réalisé la situation dramatique des enfants mis en nourrice. Pour diminuer la mortalité infantile, il était clair que les enfants devaient rester auprès de leurs parents. On a donc choisi de responsabiliser les mères, et une grande campagne de sensibilisation a été menée. L'amour maternel a été érigé en valeur féminine par excellence. Les philosophes du siècle des Lumières, Rousseau en tête, a promis aux "bonnes mères" des joies inégalées, et une catastrophe familiale pour les autres.
Si l'amour maternel est naturel et naît automatiquement quand la mère tient son nourrisson dans les bras, si l'on n'arrache pas les nourrissons aux bras de leurs mères, l'amour devrait triompher. Il ne devrait pas avoir besoin d'être encouragé, valorisé ; les mères ne devraient pas avoir besoin de manuel, ni de modèles. S'il est naturel d'aimer son enfant à la folie et de tout sacrifier pour lui, pourquoi ce penchant a-t-il dû être autant encouragé ? Pourquoi le résultat n'a-t-il pas été immédiat ?

La troisième partie expose comment les conseils de Rousseau et les théories de Freud ont permis de mettre en place une image de la mère idéale et de culpabiliser toutes celles qui ne collaient pas parfaitement au modèle.
Pour Rousseau et ses successeurs, la Nature, qui est belle et parfaite (les virus, les bactéries, les ouragans, c'est top), a donné à la femme toutes les ressources pour être une bonne mère. Tourner le dos à son destin de mère, c'est tourner le dos à sa nature, c'est être un monstre. Et pour ne pas tenter la Femme de tourner le dos à sa Nature, on lui donne une éducation spécifique, lui du raisonnement, des sciences, on lui donne le goût du sacrifice...  C'est à peine contradictoire. Si l'amour maternel est naturel, il n'y a pas besoin de l'encourager par des moyens lourds comme l'éducation donnée à Sophie ni de menaces les mères comme le fait Ida Sée qui promet aux femmes qui travaillent que leur famille sera détruite, parce qu'elles ne peuvent pas faire cuire la soupe à petit feu !
On en vient à Freud. Et là, arg. La "mauvaise mère" n'est plus seulement dénaturée, elle est malade. Contagieuse, si elle ne se plie pas à la psychanalyse, ses enfants seront malades aussi. La description de la psychologie féminine fait vraiment froid dans le dos.

L'ouvrage se termine sur des constatations sur l'évolution de la famille dans les années 70. Les choses changeaient, les pères commençaient à s'impliquer dans les tâches familiales, les mères à  s'émanciper...


Depuis l'Ancien Régime, la philosophie et la psychanalyse se sont succédés pour inciter les femmes à se complaire dans un rôle de mères-courage. Et aujourd'hui ? Ces discours forment une trame diffuse dans nos esprits, ils nous influencent toujours, mais ils sont tempérés par notre désir de travailler, de produire, d'être des individus productifs à part entière. Sommes-nous libérées ? Je ne crois pas. Je crains que nous ne tombions sous un nouveau joug : celui de la biologie. Le lait maternel est bien meilleur pour l'enfant, mais culpabiliser celles qui ne peuvent ou ne veulent pas allaiter, parce qu'elles privent leurs enfants de ce lait est un abus. Porter son enfant est naturel, imposer* aux femmes de l'avoir tout le temps dans les bras, handicapant leur mobilité, ne l'est pas. Je n'ai pas le sentiment que la pression exercée sur les mères soit immense, mais je crois qu'il faut rester vigilants pour qu'elle ne le devienne jamais.
Comprenons-nous bien : tout n'est pas à jeter dans la philosophie rousseauiste, tout n'est pas à jeter dans la psychanalyse, tout n'est pas à jeter dans la biologie. Dans ces trois cas, des vérités ont été mises à jour et un réel progrès humain en est ressorti. Néanmoins, les idées ressortant de ces disciplines ont été utilisées par certains spécialistes pour enfermer les femmes dans leur rôle de mère.
Qu'une mère aime ses enfants, c'est bien normal. Etre forcée à les aimer jusqu'à s'oublier ne l'est pas : comment un enfant peut-il être épanoui avec une mère épuisée ? Se voir nier un quelconque autre rôle ne l'est pas. Nier le rôle du père ne l'est pas. En revanche, allaiter ou porter son enfant si on le souhaite, quand on le souhaite,  comme on le souhaite, en étant correctement informés, sans encourir de jugement, en collaboration étroite avec le père qui supporte 50% de l'effort, dans le respect, là, j'aurais rien à redire.

Assez de mères courage ! Vivent les parents bonheur ! Les enfants ont tout à y gagner...

* Attention à la signification du mot "imposer". Personne n'a la baïonnette dans le dos, mais tout le monde est soumis à des images idéalisées, imposées, qui orientent nos choix.


Edit : Ma copine Working-Mama vient de sortir l'article dont elle nous parlait dans les commentaires : Mais c'est quoi, l'instinct maternel ? Un article très chouette !


Illustrations :
La couverture de L'Amour en plus d'Elisabeth Badinter, paru au Livre de Poche en 1980.
Anne d'Autriche avec le Dauphin et la reine Marie-Thérèse, auteur inconnu, 1662.
Firmin Baes, Doux rêves, date inconnue.
Pierre-Auguste Renoir, La jeune mère, 1898.
Une lionne et ses petits (source)

mercredi 13 juillet 2011

Ces choses que je n'aurai jamais à dire...

Je n'ai que des (adorables) garçons. Comme je ne souhaite pas me reproduire de nouveau (et je vous préviens, quand on remet en question mon choix qui est mûr et réfléchi, ça m'éneeeeerve !),  normalement, je n'aurai jamais de fille. Et je n'aurai jamais à dire des choses du genre :

"Mais bien sûr que tu peux jouer avec le garage de ton frère !"
"J'aimerais trouver une robe qui ne soit pas rose, pour changer..."
"Il t'a dit "t'es qu'une fille" ? C'est pas une insulte !"
"Oui, Barbie princesse a une chouette robe, mais tu es sûre que tu ne préfères pas Barbie pédiatre ? Elle a un job, elle, au moins..."
"Pourquoi tu appelles ton frère pour déplanter l'ordinateur ? Tu ne peux pas le faire toi-même ?"
"Hé ouais, ça fait mal au bide, et ça tache... Bienvenue dans la vraie vie des femmes, ma grande ! Causons protections hygiéniques, maintenant..."
"Mais il est con ce conseiller d'orientation ! Si tu veux faire des sciences, tu peux ! Et ne me reparle pas de leurs élucubrations sur le cerveau..."
"Si tu veux apprendre à te maquiller, c'est pas moi qui vais pouvoir t'aider, hein."
"Tiens, je te prête mon épilateur. Respire bien profondément..."
"Mais non, t'es pas grosse ! Mange !"
"Même si ton copain a envie, si toi tu veux pas, tu veux pas, et il n'a qu'à aller se palucher tout seul. T'as pas à lui servir de dégorgeoir à foutre hein."
"Mais si, tu en es capable."
"Sortir toute seule le soir ? En théorie, tu devrais avoir le droit. En pratique, aucun effort n'est fait par l'Etat et la collectivité pour veiller sur ton intégrité physique. Donc il va falloir trouver un gentil couillon pour t'accompagner... Désolée."
"N'écoute pas ces crétins qui ne jurent que par Freud et le porno à deux balles. C'est le clitoris qui compte !"
"Non mais même si tu t'habilles comme un sac, il y aura toujours des types louches pour te suivre, t'aborder ou t'insulter dans la rue. C'est pas de ta faute. Sors, si tu en as envie, ne les laisse pas t'enfermer à la maison."
"Voilà le numéro d'une association d'aide aux femmes victimes de viol, pour ta copine. Rassure-moi, c'est bien d'une copine, qu'on parle ?..."
"Sois gourmande, quand tu négocieras ton salaire. Tu le mérites."
"On ne te donne pas la main de notre fille, parce que c'est à elle de choisir. Et si tu la traites mal, je t'éclate. Ah, et bienvenue dans la famille, quand même."
"N'arrête pas de bosser ! J'ai horreur de devoir dire ça, mais tu feras quoi, s'il te quitte ?"
"Mais si, tu vas l'aimer, ton bébé. Laisse-toi le temps de faire connaissance. L'instinct maternel ? C'te blague !"
"Nan mais forcément, si tu passes ton temps à sourire bêtement en réunion au lieu de causer, ils ne vont jamais te trouver crédible !"
"Mais vous l'avez fait à deux, ce môme, il peut s'en occuper, aussi !"
"Un type moins compétent que toi est mieux payé que toi ? Je vais crever les pneus de ton patron."
"Si vous aimez mon risotto, je vous donnerai la recette, cher gendre. Vous n'aurez pas besoin de demander à ma fille de vous le faire."

Je ne pense pas que ça me manquera.

Il y aurait certainement beaucoup de joies, aussi. Avec les garçons , j'aurai certainement des phrases pas marrantes à prononcer, et des idées reçues à combattre. Mais laissez-moi m'aveugler un peu. Je ne veux pas avoir de regrets.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que comme belle-mère, je serai infecte.

vendredi 1 juillet 2011

Lucrèce et Catherine M.

Catherine Millet a encore frappé.
Dans une interview publiée sur Rue89, elle dit : "Je risque de choquer, mais je ne comprends pas les femmes qui se disent traumatisées, sévèrement traumatisées par un viol. Une agression, c'est toujours traumatisant, bien sûr si le viol s'est fait avec violence, si vous risquez de perdre votre intégrité physique. Mais s'il n'y a pas eu ce genre d'agression, de menaces avec une arme, de coups, c'est un traumatisme qu'on peut surpasser comme n'importe quelle violence ordinaire." Cette sortie a provoqué avec justesse des réactions choquées de Sandrine Goldschmidt et de Maïa Mazaurette.

Catherine Millet n'est pas la seule à soutenir idée d'un viol non traumatisant et dont les conséquences seraient exagérées par la société. Marcela Iacub nous a gratifiés d'une réflexion du même tonneau : "Marcela Iacub reconnaît que le viol, atteinte majeure au consentement, doit être sanctionné. Mais elle affirme qu'il faut sortir du scénario supposé de la «mort psychique» de la femme violée. Non, dit-elle, c'est une pure supputation/construction des enquêteurs, des juges et experts «psy» pour justifier la sévérité du châtiment. Cette vie intérieure qui serait meurtrie n'est qu'une fiction à balayer."
Au Etats-Unis, FBI ne compte les viols que s'ils concernent une pénétration vaginale commise avec violence : c'est le concept de forcible rape dont j'ai déjà parlé par ailleurs.
Dans le monde entier, celles qui n'ont pas été tabassées avant le viol sont d'office discréditées : c'est le cas de victimes présumées de Julian Assange et de DSK. Si elles n'ont pas été violentées, de quoi se plaignent-elles ?
Le viol en lui-même n'est pas considéré comme grave, puisque c'est un sujet de fantasme. Sans violence préalable, c'est considéré comme embêtant, mais pas dramatique. Pas de film, ni d'épisode de série policière, ni de fait divers suscitant l'émotion, où la victime d'un viol n'a pas été torturée et/ou tuée. La Kika d'Almodovar est moins ébranlée par son viol que par la diffusion des images. On rentre dans une femme comme dans un moulin ouvert aux quatre vents, il n'y a pas de quoi foutter un chat, mais si on frappe cette petite chose fragile, là, on trouve du monde pour la plaindre.

Catherine Millet et Marcela Iacub se présentent comme défenseures d'une vision moderne de la sexualité, libérée du carcan des préjugés anciens. Mais en vérité, cette vision d'un viol non traumatisant, d'un corps féminin dans lequel on pénètre comme dans un moulin sans dommages est terriblement archaïque.
La Rome Antique nous a laissé l'histoire de Lucrèce. Cette dame de la famille royale, épouse de Collatin, a été violée par Sextus Tarquin, le fils du dernier roi de Rome, Tarquin le Superbe, connu pour être un tyran immoral. D'après Tite-Live, Sextus Tarquin et Collatin étaient ensemble à la guerre, et ont participé à une soirée  avec leur bande de potes vraisemblablement ronds comme des queues de pelle. Ils ont fini par lancer un pari pour savoir qui c'est qu'avait la plus chouette des épouses. Ils sont rentrés en douce pour voir ce qu'elles faisaient : toutes étaient au palais pour participer à un "repas somptueux" (elles étaient bourrées, quoi), sauf Lucrèce qui se tenait à carreau, "occupée, au fond du palais, à filer de la laine, et veillant, au milieu de ses femmes, bien avant dans la nuit". Collatin a donc gagné le pari, pendant que Sextus pétait une durite : "S. Tarquin conçut l'odieux désir da posséder Lucrèce, fût-ce au prix d'un infâme viol. Outre la beauté de cette femme, une réputation de vertu si éprouvée piquait sa vanité." Il revient quelques jours plus tard voir Lucrèce, en pleine nuit, et la menace de son épée. "Tandis qu'éveillée en sursaut et muette d'épouvante, Lucrèce, sans défense, voit la mort suspendue sur sa tête, Tarquin lui déclare son amour; il la presse, il la menace et la conjure tour à tour, et n'oublie rien de ce qui peut agir sur le coeur d'une femme. Mais, voyant qu'elle s'affermit dans sa résistance, que la crainte même de la mort ne peut la fléchir, il tente de l'effrayer sur sa réputation. Il affirme qu'après l'avoir tuée, il placera près de son corps le corps nu d'un esclave égorgé, afin de faire croire qu'elle aurait été poignardée dans la consommation d'un ignoble adultère. Vaincue par cette crainte, l'inflexible chasteté de Lucrèce cède à la brutalité de Tarquin, et celui-ci part ensuite, tout fier de son triomphe sur l'honneur d'une femme."
Lucrèce fait alors revenir son père et son mari de la guerre pour tout leur raconter : "À l'aspect des siens, elle pleure; et son mari, lui demandant si tout va bien : "Non, répond-elle; car, quel bien reste-t-il à une femme qui a perdu l'honneur ? Collatin, les traces d'un étranger sont encore dans ton lit. Cependant le corps seul a été souillé; le coeur est toujours pur, et ma mort le prouvera. Mais vous, jurez-moi que l'adultère ne sera pas impuni. C'est Sextus Tarquin, c'est lui qui, cachant un ennemi sous les dehors d'un hôte, est venu la nuit dernière ravir, les armes à la main, un plaisir qui doit lui coûter aussi cher qu'à moi-même, si vous êtes des hommes." " Les tentatives de sa famille pour la consoler restent vaines : "Pour moi, si je m'absous du crime, je ne m'exempte pas de la peine. Désormais que nulle femme, survivant à sa honte, n'ose invoquer l'exemple de Lucrèce !" Et Lucrèce se suicide. Cet acte met le feu aux poudres et Rome se révolte contre les Tarquin. La République est proclamée peu après.
Sextus Tarquin ne prend pas Lucrèce par la force : il la persuade de se laisser violer. L'épée était juste là pour l'empêcher de hurler. La souffrance physique de Lucrèce n'est à aucun moment évoquée. C'est sa souffrance psychologique qui la mène au suicide : la honte d'avoir cédé, la souillure de son honneur. En ravissant son honneur, Sextus Tarquin a détruit la possibilité pour Collatin d'avoir avec Lucrèce un enfant dont on ne pourrait contester la paternité : c'est donc sa maternité potentielle qui a été écrasée. Lucrèce est une maison dans laquelle on est entré par tromperie, sans même péter la porte. Lucrèce, en femme romaine vertueuse, se considérait comme un objet, une mère en devenir, vecteur de la descendance légitime de son mari. Un objet brisé, inutile, on le jette. De plus, elle a cédé, non pas contre la violence qui aurait rendu son viol vraiment grave, mais contre la persuasion. Elle n'a pas veillé convenablement sur son honneur, ce qui appelle, encore aujourd'hui, un châtiment.

On peut, et on doit, s'insurger contre la dimension honteuse du viol. Il faut débarrasser les victimes de leur culpabilité. Lucrèce aurait dû crier sa rage, soulever Rome elle-même, au lieu de se châtier. Mais nier cette honte ne doit pas, par extension, nier le traumatisme infligé aux personnes violées. La légende de Lucrèce et la vision de Catherine Millet sont de la même nature.


Illustrations :
Capture d'écran de Kika, de Pedro Almodovar
Tarquin et Lucrèce, Almeida Junior, 1874
Lucrèce, Véronèse, 1580.

jeudi 23 juin 2011

Osez le clitoris et ses représentations crues !

Toute à mon billet d'hier, j'ai repoussé la rédaction de mon billet sur la campagne d'Osez le Féminisme, intitulée Osez le Clitoris.
J'attendais cette campagne avec impatience. Le silence autour du clitoris, sa fonction, sa forme, et sa position, me hérisse. Je me demandais quelle forme l'association allait donner à cette campagne. Je suis fanatique du site Vie de Meuf, j'ai soutenu avec enthousiasme la campagne contre le viol, j'ai été plus critique quant à la campagne sur l'avortement.

J'ai l'impression que tout le monde est à peu près d'accord sur le fond (sauf que certains trouvent qu'il y a des sujets plus urgents à traiter), mais la forme fait furieusement débat, surtout l'affiche.
Hélo, Emelire et Patric Jean relaient la campagne avec enthousiasme et c'est sûrement cette voie que j'aurais empruntée si je n'avais pas lu de nombreuses critiques qui m'ont fait hésiter.
Sandrine relaie la campagne en émettant des réserves quant à l'affiche. Elle défend le fond de la campagne dans un autre billet. Olympe, elle aussi, est peu enthousiaste sur la forme de la campagne. L'article de Maïa Mazaurette est dans la même veine (avec ce style toujours génial qui fait le succès du blog).
D'autres, comme Anaïs, Sophie Gourion et Circé, sont franchement hostiles, sur le fond et sur la forme.


Parlons d'abord du fond. L'association semble être tombée dans tous les pièges de la communication féministe.
Le problème du clitoris prend de nombreuses formes, à plusieurs degrés : simplement ignoré par un manque d'éducation sexuelle, évité par ceux qui refusent aux femmes le droit au plaisir, mutilé par ceux qui cherchent à détruire les femmes. Peut-on tout mettre dans le même panier ? Peut-être que oui, si l'on considère que tous ces effets ont la même cause, le patriarcat. Mais dans ce cas, la communication autour du sujet doit être l'objet de sévères précautions, ne serait-ce que par respect envers les victimes de mutilations génitales dont les douleurs ne peuvent être mises sur le même plan que la frustration des femmes à la recherche d'un point G au fond du vagin. L'articulation entre les manifestations du sexisme à plusieurs degrés n'a pas été bien gérée, visiblement, vu qu'on lit "il n'y a pas plus important que ça ?".
Autre sujet casse-gueule : dénoncer les discriminations et les violences subies par les femmes sans tomber dans la victimisation, sans paraître misandre. Pour les critiques les plus virulentes de la campagne, là, c'est loupé. Je n'ai pas eu ce ressenti, sans doute parce que j'ai pris les textes du site comme ayant une valeur statistique. Vu le nombre de personnes qui dénoncent ce travers d'OLF, il aurait fallu travailler ce point de la communication.
A propos de statistiques, tout baser sur une enquête faite auprès des internautes est très cavalier. Des études ont été faites depuis des années, et j'ai pas vraiment l'impression que les chiffres d'OLF soient du même ordre de grandeur.
Je suis franchement gênée de voir, sur le site, que la masturbation est tant mise en avant. Je suis persuadée que l'onanisme permet de mieux connaître son corps et qu'il n'y a pas de raison de réfréner ces activités. Mais la véritable urgence, en matière de sexualité, me parait être reconnaitre le rôle du clitoris dans les rapports hétérosexuels, pour relativiser le pilonnage qui est la norme dans la pornographie. La campagne donne plus l'impression d'une promotion de la masturbation féminine dans tout ce que la chose a d'organique, que d'une campagne informative, qui éviterait les injonctions, sur la sexualité féminine. Je n'ai pas peur d'avoir les doigts qui puent, mais ma sexualité ne se résume pas à ça !


Maintenant, passons à la forme, en particulier à l'affiche.
L'affiche est choquante, et c'est sans doute le but. Il faut attirer l'oeil, faire le buzz, pour que les gens aillent voir le site qui contient des infos utiles. Il n'y a pas de mal à faire le buzz, si c'est pour la bonne cause. A moins de voir OLF comme un moyen pour le PS de gagner des voix... On ne peut pas accuser l'association sans preuve, même si ça semble fort probable. Si c'est le cas, j'aimerais qu'OLF l'assume : il n'y a pas de mal à avoir une opinion politique ni à militer !
On a reproché à l'affiche l'absence de visage : on a suffisamment de femmes décapitées et deshumanisées dans les pubs, pas besoin que les féministes en rajoutent. Ceci dit, pour une campagne sur le clito, ça me parait normal qu'on insiste dessus.
Peut-être que certaines personnes (je ne vise personne en particulier, j'imagine ce que peut penser le macho lambda) sont choquées de voir une affiche présentant Lafâme sous un jour peu flatteur : une femme c'est beau, faut pas montrer ce qui n'est pas charmant chez elle.
Je crois, en fait, que la réaction de chaque femme face à cette affiche est conditionnée par le rapport qu'elle entretient avec son corps. Pour des raisons qui me sont propres et que je ne développerai pas, j'apprécie l'exhibition de la partie cachée du clitoris. Je ne me permettrais pas de chercher les raisons personnelles qui ont poussé les blogueuses à encenser ou critiquer la campagne, et encore moins de porter un jugement. J'émets simplement une hypothèse pour expliquer la disparité d'opinions.
Finalement, j'en viens à penser que personne n'a tort ou raison sur cette affiche.  Chacun a un ressenti différent lié à sa propre expérience, à sa propre façon de considérer le corps féminin. Ce ressenti peut être influencé par l'extérieur, mais aussi très personnel. Cette constatation pourrait sans doute être faite pour la plupart des sujets qui divisent les féministes.


Illustrations :
L'affiche de la campagne
Détail de l'extase de Sainte Thérèse, par le Bernin.

mercredi 22 juin 2011

"Un long processus qui peut être douloureux"

Il y a une semaine, une interview de Laurence Bachmann a été publiée sous le titre "on ne naît pas féministe, on le devient". Rares sont les personnes qui ont pu recevoir une éducation suffisamment peu genrée pour n'avoir pas intégré l'identité qu'on impose communément aux gens de leur sexe. La plupart des féministes ont ainsi dû rejeter leurs certitudes et leur éducation pour accepter le genre comme un fait. Laurence Bachmann s'est donc demandé : "Qu’est-ce qui fait que certaines femmes développent un regard critique sur les rapports sociaux de sexe?" Le verdict est sans appel : "Toutes avaient également vécu une situation discriminante durant leur vie." Elle souligne cependant une différence notable entre les féministes : "Quelques femmes, filles de féministes, sont des héritières; elles bénéficient déjà de mots pour parler de la domination masculine. Pour les autres, c’est un long processus qui peut être douloureux."

J'ai la chance d'être une fille de féministe. Même si elle ne connaissait pas le vocabulaire dont parle Laurence Bachmann, ma mère m'a transmis des idées qui m'ont permis d'aborder facilement le féminisme. Lorsque j'ai rencontré une situation discriminante, j'ai eu, grâce à elle, le réflexe de questionner la société qui permettait cette discrimination au lieu de m'enfermer dans la culpabilité. C'est la chance qui m'a permis de trouver les mots : mon chéri, que je venais de rencontrer (c'était en 2000/2001, le Fouquet's interdisait son restaurant aux femmes non accompagnées par un mâle), m'a appelée affectueusement sa "petite Chienne de Garde". Je ne connaissais l'association que de nom, je me suis donc renseignée sur elles, sur leur message, sur leurs idées. Le reste a suivi ; d'Isabelle Alonso je suis passée à Simone de Beauvoir et je n'ai jamais arrêté de me passionner pour le féminisme. Grâce à ma mère qui m'a donné l'habitude de remettre en question les idées et valeurs communes de la société, l'évolution n'a pas été douloureuse.

J'ai donc longtemps ignoré à quel point il peut être douloureux de remettre en question ses croyances pour comprendre et accepter l'idée du genre. Au contraire, je ressentais un certains mépris pour les personnes qui refusent de réfléchir à ces questions quand on leur présente des faits. Jusqu'à ce que je rencontre D.
D. est un homme mûr, père de trois filles, avec lequel j'ai travaillé. C'est un homme curieux et qui possède une certaine culture (malheureusement incomplète, ce qui le conduit à proférer des énormités qui le font passer pour un imbécile) qu'il tente d'étendre par ses lectures. Il est aussi très gentil, aimant et très compréhensif ; il ne peut pas s'empêcher de prendre soin des autres et d'être protecteur avec ceux qui lui paraissent affaiblis (le chercheur en dépression, la stagiaire enceinte et stressée...). On peut compter sur lui, et s'il promet quelque chose, on peut être sûrs qu'il s'y tiendra. Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes lui paraissent impensables, il ne comprend pas que ça existe ; il ne tolèrerait en aucun cas qu'on discrimine une femme enceinte. Il est en revanche très peu sûr de lui, très timide, et naïf dans sa vision de la société. Ses filles, qui ont entre 5 et 10 ans, sont la prunelle de ses yeux. Il ne sacrifie pas le temps passé avec elles pour son travail, et il se démène pour leur offrir tout ce dont elles ont besoin. Quand il parle d'elles, il a des étincelles dans les yeux. Son air hésitant et sa gentillesse le font passer pour un imbécile heureux, mais la tendresse dont il peut faire preuve m'a faite fondre ; sa capacité d'empathie a emporté mon respect.
Je développe peu mes idées féministes au boulot, une partie de l'équipe étant très peu réceptive avec des tendances agressives. Avec D., je n'ai pas peur de parler. Un jour il m'a dit, avec naturel, dans une discussion sur les clubs de jeux (échecs, cartes...) où, selon lui (et je pense qu'il a raison), il y a peu de filles : "les filles sont naturellement plus sérieuses que les garçons". Je n'ai pas pu le laisser croire cela. J'ai parlé du genre, de l'éducation, des jouets qu'on impose aux filles... J'ai parlé des gender studies, des études peu médiatisées mais solides qui soutiennent ces théories... Un de nos collègues, qui nous écoutait, a trouvé ma démonstration convaincante (ce qui m'a fait vachement plaisir, vu qu'à l'oral je suis beaucoup moins sûre de moi qu'à l'écrit...). Mais D. s'est buté, son visage d'habitude si avenant s'est fermé. Il répétait "tu as peut-être raison, mais je crois qu'il y a un truc naturel quand même". J'ai fini par comprendre ce qui le tracassait : il pensait à ses filles. Si le sérieux des filles n'est pas naturel, cela signifie que les filles chéries de D. ont été conditionnées pour l'être, par l'éducation. D. se sent responsable de tout se qui touche à ses filles, et dans sa vision manichéenne des choses, accepter la notion de genre revenait à admettre qu'il avait lobotomisé ses trois petits anges. Son amour passionné le rendant hypersensible et lui faisant perdre tout sens de la mesure, j'aurais tout aussi bien pu l'accuser d'avoir castré mentalement les petites, ou d'avoir arraché sauvagement à leur esprit l'amour du jeu, et pas là même leur innocence. J'ai tenté de corriger le tir en lui explicant que les coupables étaient la société, les pubs, l'école, et pas forcément les parents (il a toujours cru bien faire !)... Trop tard. Pour un homme aussi investi physiquement et émotionnellement dans l'éducation des ses filles, l'idée était insupportable.
Il a coupé court à la conversation et il a regagné son bureau. Peu de temps après, je partais en congé maternité et quand je suis revenue, il avait été muté. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en reparler. J'aurais aimé trouver les mots pour le convaincre sans le blesser. Est-ce seulement possible ?


Il y a tant d'obstacles à surmonter pour s'assumer en tant que féministe, surtout si l'on a grandi et vécu en croyant  fermement à une société bipolaire, voire même en trouvant que c'est cool qu'il y aie des hommes forts et des femmes belles.

Se déclarer féministe implique de prendre le risque d'être sévèrement jugée par l'entourage. Pour une femme, on sera vue comme une personne aigrie, une hystérique, qui voit le mal partout, une emmerdeuse, pas féminine, moche, pas épilée... Pour un homme, les stéréotypes manquent, mais j'imagine que le mot "tapette" doit planer.

Plus difficile encore, il faut remettre en cause ses croyances. On perd ses repères. Il faut cesser de mettre les gens dans des cases, et considérer chaque personne comme un individu et non plus comme un homme ou une femme. Les possibilités se démultiplient à l'infini. Les qualificatifs perdent leur sens et la perception du monde se modifie.  Les statues tombent avec fracas de leur piédestal : Maman n'est plus une sainte, Papa n'est plus le plus fort, Chérie n'est plus la plus douce, Chéri n'est plus le plus solide. On ne peut plus avoir confiance en rien, même le langage est miné. La télé, les pubs, les livres, les oeuvres d'art, tout ce qu'on trouvait drôle et beau est contaminé par le sexisme.
Perdre ses repères permet d'en trouver d'autres. Les repères féministes (le vocabulaire, la philosophie...) sont finalement sécurisants, et offrent une sensation de fierté. On se sent clairvoyant. Mais la colère et l'indignation remplacent vite la peur. Le sexisme est partout, les enfants innocents sont formattés, des femmes sont violentées. Chacun est lésé par ce système, mais tout le monde tient à le sauvegarder.


Ce qui est le plus dur, c'est de devoir changer la manière dont on se voit.
Une femme devra cesser de se considérer comme une princesse ou comme une mère sanctifiée par les soins qu'elle prodigue à sa progéniture. Elle prendra conscience de ses possibilités multiples, certes, mais aussi de tout ce qui la freine, et de la petite voix insidieuse qui sussure aux femmes qui prennent des responsabilités "tu n'en est pas capable, tu n'y arriveras pas...". Elle est parfaitement capable de lire une carte et de brancher seule un ordinateur : elle n'aura plus d'excuses pour ne pas le faire, ne pas réfléchir, ne pas apprendre. Elle réalisera qu'elle n'est pas naturellement douce et gentille et devra admettre qu'elle est un peu méchante, comme tout le monde, qu'elle pourrait faire souffrir ses enfants car il n'existe pas d'instinct maternel pour l'en empêcher par magie. Un homme réalisera qu'il n'est pas naturellement plus solide psychologiquement, qu'il est en danger de craquer autant qu'une gonzesse.
A chaque fois qu'un homme ou une femme féministe entreprendra une activité convenant à son genre, il ou elle se demandera si son choix est influencé ou non. Fini la tranquilité d'esprit ! Il faut s'examiner sans mauvaise foi pour détecter les comportements stéréotypés, et, si l'on choisit de rejeter certains d'entre eux, lutter contre soi-même. Une femme devra lutter pour cesser de se mettre en retrait, un homme devra lutter pour cesser de se mettre en avant.
Se remettre en question, c'est aussi assumer sa responsabilité dans la reproduction des stéréotypes. Il est facile de se considérer comme une victime du système, il est aisé de dire : "j'ai été discriminé-e parce que la société est sexiste, j'ai été privé-e de certaines activités par mon entourage". Mais il peut être insupportable de penser qu'on a discriminé les autres, qu'on a privé des être innocents qu'on aime de certaines activités.


La liberté est précieuse.
Mais être libre de choisir entre une myriade de voies, c'est aussi devoir les identifier toutes, les soupeser, prendre la responsabilité de s'engager dans l'une d'elles en entraînant sa famille dans son sillage, oser user de sa liberté et assumer ses choix.
La liberté est précieuse, mais chère.

samedi 18 juin 2011

Féministe et féminine...


... est-ce possible ?

Parce que, c'est bien connu, toutes les féministes sont des femmes qui s'habillent comme des sacs, ne s'épilent pas, ne se maquillent pas et qui pètent au lit. En plus, elles veulent que tout le monde se ressemble, que tous les hommes et toutes les femmes s'habillent pareil, tous en pantalon pas beau. Elles nient les différences hommes/femmes et veulent tout uniformiser. Elles veulent faire comme les hommes, annihiler tout ce qu'il y a de féminin. Elles veulent pendre Valérie Damidot par les pieds pour avoir peint des chambres de petite fille en rose.

Comme d'habitude, lorsque ces attaques contre les féministes sont prononcées, on ne cite pas de noms ni d'exemples. Serait-ce que ces féministes n'existent pas ? Serait-ce que le message du féminisme est méconnu ?

C'est quoi, les différences hommes/femme ? Une construction sociale, pour l'essentiel. A part une force physique en moyenne différente et la différence de forme et de fonction des organes génitaux (nous, on a un clitoris, nananèreuh !), tout nous est imposé par l'éducation.
En disant cela, on ne nie pas l'existence des différences hommes/femmes, on nie qu'elles soient naturelles. Nous clamons notre liberté : notre nature ne nous impose pas d'être féminines ou pas, selon notre envie, et nous refusons d'être jugées ou punies pour avoir adopté un comportement qui n'est pas féminin. C'est pareil pour les mecs : pas besoin d'être viril, vous pouvez passer la serpillière en tutu si ça vous chante, personne n'a le droit de vous en empêcher.

D'où vient ce fantasme sur l'uniformisation que les féministes voudraient imposer ? 
Les militants anti-racistes veulent-il peindre tout le monde en blanc, noir ou à carreaux ? Les militants contre l'antisémitisme veulent-ils circoncire tout le monde ou faire repousser les prépuces ? Les militants anti-homophobie veulent-ils créer un monde bisexuel ?
Nous ne voulons pas l'uniformisation, nous voulons au contraire détruire l'uniformité du modèle binaire féminin/masculin (merci à Euterpe pour la formulation dans les commentaires de mon billet précédent).
Il y a du bon et du mauvais dans ce que nous regroupons artificiellement dans les cases "féminin" et "masculin". Pourquoi ne pourrions-nous pas prendre ce qui nous plait dans les deux cases ? Il n'a jamais été question d'atomiser une case au profit de l'autre, mais de faire sauter la séparation entre les cases pour permettre la circulation dans un grand espace où tout le monde trouverait sa place.

Je suis féministe, et quand j'ai envie, je suis féminine. Il m'arrive de me comporter en "vraie femme", quelquefois en cédant à la pression extérieure, quelquefois parce que j'en ai envie. Tous mes centres d'intérêts ne sont pas virils.
J'adore porter des jupes longues, juste pour le plaisir de sentir danser les volants autour de mes chevilles. Quand je ne suis pas en jupe, je porte des pantalons moulants et des chemisiers qui mettent en valeur ma silhouette. Je ne m'habille pas comme un sac. Je tiens en outre à mes cheveux longs.
J'aime plaire, séduire, être courtisée. Tant que c'est respectueux !
J'aime materner mes étudiants, quand j'en parle, je les appelle "mes petits".
J'ai découvert il y a peu que j'adorais cuisiner. Peut-être que c'est en voyant Ratatouille pour la 600ème fois que j'ai eu un déclic. Je cuisine toujours en grande quantité, faudrait pas que mes hommes aient faim ! Je fais même mes yaourts.
En revanche, je ne me maquille pas, je ne porte pas de talons, et j'ai un langage de camionneur. Je n'ai jamais eu peur de faire le premier pas pour draguer.

Je ne dis pas qu'il faut que tout le monde fasse comme moi (j'ai parlé de moi parce que je suis la féministe que je connais le mieux), je dis qu'il faut que tout le monde fasse comme il le sent. Homme ou femme, chacun doit être libre d'adopter un comportement féminin ou masculin quand il en a envie, sans subir de pression (surtout si cette pression est exercée à un âge tendre), sans être puni pour avoir affiché un comportement correspondant trop ou pas assez au comportement attendu pour son sexe (c'est ce qui ressort du phénomène des slutwalks).
Et pour pouvoir choisir librement, il faut se servir de sa tête pour repérer les stéréotypes, comprendre d'où ils viennent et ce qu'ils signifient, identifier les mécanismes utilisés pour imposer les stéréotypes, remettre en question ses croyances, douter de soi. et affronter le regard des autres. C'est dur, ça fait peur, ça fait mal, mais la liberté est à ce prix.


Illustrations :
Capture d'un match de catch entre la fantastique Awesome Kong et Gail Kim à la TNA.
Portrait d'Emilie du Châtelet (1706-1749) par Maurice Quentin de la Tour. Une femme exerçant des activités masculines, ce qui ne l'empêchait pas de porter des p*tains de chouettes robes.


Edit au 20/06/2011 : l'article que Gabrielle nous avait promis dans les commentaires vient d'être publié !

jeudi 16 juin 2011

Petit Bateau pour grand naufrage

J'ai commencé au moins trois fois un billet sur le buzz Petit Bateau, j'ai supprimé ma production à chaque fois. Ce qui me touche, dans cette affaire, ce n'est pas le fond (des vêtements genrés, il y en a depuis longtemps) mais le fait que la plupart des réactions que j'ai vues prouvent que leurs auteurs ne voient pas où est le problème. J'ai donc voulu l'expliquer, mais j'ai trouvé que ma production était de piètre qualité et enfonçait des portes ouvertes.

Je réessaye aujourd'hui pour répondre à ce billet qui est construit, réfléchi, et sans noms d'oiseaux (ça nous change !) : l'auteure mérite une réponse construite, réfléchie, et argumentée. Promis, je n'utiliserai pas de noms d'oiseaux non plus !
J'aime ce texte car il reprend posément pas mal d'idées qui me semblent partagées par une bonne partie de nos concitoyens. Je vais répondre point par point à ce qui me parait être les phrases-clé. Evidemment, c'est mon opinion que j'exprime, ma vision du féminisme qui peut être contestée (ne vous gênez pas dans les commentaires). Je ne suis malheureusement pas sociologue  ni philosophe et j'emploie peut-être mal certains termes.

Allez, c'est parti.

"...quand je vois que certaines essayent de mettre du féminisme partout, même concernant les plus anodins des sujets, ça me gonfle."
Hélas, le féminisme dénonce un système sexiste et patriarcal. C'est-à-dire que le sexisme vient se nicher partout et que rien n'est anodin. Tout est lié : les mots qu'on utilise, les vêtements et les jouets des enfants, jusqu'aux violences sexistes les plus sévères. Les détails sexistes ont de grands effets. Il faut donc réfléchir à tout ce qu'on dit ou fait, tout remettre en cause. C'est chiant, fatigant, stressant, mais on a la satisfaction de fouler aux pieds les oeillères que notre éducation nous a greffées (et il y a quelques autres avantages...).

"des féministes [...] ressortent des études du CNRS sur l'influence que les images sexistes peuvent avoir sur les nourrissons... etc..."
Oui, des études (qui n'émanent pas que du CNRS : c'est un phénomène mondialement connu) prouvent que les nourrissons sont influencés par le comportement des adultes. Quand on les habille "en garçon" ou "en fille", le comportement des adultes envers les enfants change, et les enfants le ressentent. Ils apprennent vite à adopter des comportements suscitant notre approbation : une fille adoptera un comportement "de fille" et une garçon "de garçon". C'est un fait qu'il me parait important de rappeler. Citer des études permet, en outre, de montrer qu'il ne s'agit pas d'une opinion ni d'une marotte de vieille peau mal épilée, mais d'une vision étayée de la société basée sur une théorie mûre et éprouvée (n'en déplaise à Christine Boutin).

" Franchement... les associations féministes n'ont pas des causes plus importantes à défendre?"
Si, mais les associations s'en occupent aussi, ne vous inquiétez pas. C'est pas parce que les médias n'en parlent jamais que rien n'est fait (par exemple, tout récemment, une campagne a été lancée contre le viol conjugal). Mais dénoncer les pires violences (en France comme à l'étranger) n'est pas contradictoire avec dénoncer les outils utilisés pour reproduire le système qui permet ces violences.
Ici, l'outil, c'est le vêtement. Il a été prouvé que les jeunes gens reproduisent les stéréotypes, ça s'appelle l'effet Pygmalion.

"Que je sache, c'est une marque qui propose des vêtements sexués, comme plein d'autres.  "
Oui, c'est pour ça que personnellement je n'ai pas gueulé. Je suis blasée par ce que je vois dans les magasins et les boutiques en ligne (chez Vert Baudet par exemple : le pyjama fille, garçon, et bébé à venir dont le sexe n'est pas encore connu). Je n'ai pas été étonnée de l'existence de ces bodies, mis à part le fait qu'ils ont des manches longues, ce qui n'est pas des plus confortable en été.
Je crois que Petit Bateau a payé pour les autres. Ca s'est vu (il faut dire que le modèle est particulièrement gratiné) et la réaction a été épidermique. Le fait que ça touche les bébés a aussi ajouté à l'émotion. Une action réfléchie touchant toutes les marques (et pourquoi pas touchant aussi les jouets et la littérature enfantine...) serait plus logique. Mais aurait-elle été relayée par les médias ?

"On est en démocratie, on n'est pas obligé d'acheter si on n'aime pas!"
Je n'aime pas la clope, je n'en achète pas, mais je dénonce ses effets. Je n'aime pas ces bodies, je ne les achète pas, mais je dénonce leurs effets.

"Parce qu'on est dans un pays libre, les filles peuvent être des "garçons manqués", les garçons "efféminés". C'est cool.
Mais l'inverse est encore possible!"
Etre une garçon manqué ou un garçon efféminé, c'est quand même mal vu. J'ai le souvenir d'un camarade d'école qui faisait de la danse classique, il a pris cher.
Nous ne sommes pas libres d'être ce que nous voulons être : on nous impose des codes, et si nous sortons des clous, nous le payons. Voilà ce que le féminisme dénonce. A cela s'ajoute le contenu des codes : les qualificatifs attachés au féminin ne sont pas des plus flatteurs.

" C'est quoi le but? qu'on finisse tous en uniforme, et que les bébés soient tous en body gris unisexe à col Mao? Qu'on leur rase tous le crâne jusqu'à leurs 18 ans pour masquer leurs différences de sexe?"
Justement non. Le but est d'être libres de choisir d'adopter un comportement sans influence extérieure et sans encourir de jugement. Que les garçons comme les filles puissent porter des jupes ou des pantalons si ça leur chante, par exemple, et que personne ne puisse les juger. Personnellement, je porte des jupes, et je ne me maquille pas malgré une pression extérieure pesante (à ce sujet, j'ai écrit un billet  tout récemment et le fond de ma pensée a été donné dans les commentaires).
Ceci dit j'aime beaucoup les cols Mao.

"Moi je préfère que les féministes luttent CONTRE l'uniformisation... et tant pis si cette liberté a pour conséquence de laisser libre-champs à la création de fringues un peu nunuches à fleu-fleurs! Cet excès-là vaut mieux que l'inverse, non?"
Si les fringues à fleu-fleurs sont disponibles pour les deux sexes, il n'y a pas de problème (sauf que mon mari et moi aurions du mal à nous fringuer, on préfère les têtes de mort, vous voyez...).

"On va leur retirer la garde de leurs enfants pour cause d'éducation sexiste? Les envoyer en camp de rééducation de parents, les forcer à recourir à un coach en choix de garde-robe pour bébé féministement correcte?"
Faudrait pas exagérer. Nous demandons que les fabricants et les parents pensent aux conséquences de leurs actes en leur fournissant des informations qu'ils n'ont pas forcément. Forcer les gens à penser, c'est si méchant que ça ?

"Je suis sincèrement choquée par les jouets idiots provoquant une sexualisation précoce des enfants (comme les barres de pole-dance pour petites filles, ou les concours de mini-pouffes)... mais franchement, ces bodies, à côté, me paraissent bien inoffensifs."
Je suis d'accord. Mais les accessoires de mini-pouffe ont aussi fait gueuler. Les médias, encore une fois, en ont peu parlé. Je soupçonne que les journalistes aient relayé le buzz pour faire passer les féministes pour des gourdes qui luttent pour des points de détails. C'est faux : nous luttons contre les détails dont nous soulignons l'importance (faits à l'appui : les fameuses études sont là pour ça) ainsi que contre les choses graves. Mais dans ce dernier cas, c'est bizarre, les médias ne disent pas grand-chose...
Oui, j'accuse beaucoup les médias. Ils sont responsables à la fois d'une représentation sexiste des femmes mais aussi d'une vision caricaturale du féminisme.

"J'ai pour projet de mettre ma fille à la danse classique et mon fils au tennis... (je sais c'est furieusement tradi). Est-ce que je mérite moins d'être féministe?"
Ca dépend, le choix de la discipline leur a-t-il été imposé par l'extérieur ? Votre fille sait-elle qu'elle a le droit de faire du tennis ? Votre garçon sait-il qu'il a le droit de faire de la danse ? Si c'est un choix libre, je ne vois pas où est le problème. Sinon, je ne vous jetterais pas la pierre, d'une part parce que je n'ai pas à juger des choix d'une autre famille, d'autre part parce que ce n'est pas facile de pousser ses enfants à transgresser les règles sociales non écrites, pour les voir subir brimades et moqueries de la part de leurs camarades.

"Si on foutait un peu la paix aux gens, aussi?"
Tout à fait d'accord. J'aimerais que Petit Bateau nous foute la paix au lieu de m'imposer ainsi qu'à mes enfants des qualificatifs sexués.
Parce que les caractéristiques sexuées ne sont pas, pour le plupart, naturelles. Elles sont imposées par l'éducation à travers des outils comme ces bodies. Et au nom de ces caractéristiques, des femmes sont moins payées, frappées, violées, tuées. Le sexisme tue.

" Ah! et puis, ma fille, il y a quelques jours, m'a demandé un jouet aspirateur... "pour faire comme papa" (ben oui).
Enigme: Dois-je refuser, sous prétexte qu'une petite fille ne doit pas être éduquée de manière sexiste? Pourrais-je, en revanche, l'offrir à mon fils, sous les "houra" des féministes, applaudissant à la vue de mon éducation correspondant si bien aux nouveaux codes stricts du féministement correct?"
Si vous leur offrez à chacun un jouet qui leur fait plaisir, en leur transmettant par ailleurs une vision égalitaire de la société, là je dirai hourra. Si votre fille veut un aspirateur, pourquoi pas, à condition de lui expliquer qu'elle n'est pas obligée de le passer parce qu'elle n'a pas de pénis (l'exemple de son papa devrait suffire, de toute façon).

"C'est ridicule... un peu comme celles qui s'acharnent à vouloir féminiser tous les mots, auteure, ingénieure, basketteure... en confondant "genre" (grammaire) et "sexe" (vraie vie). On peut être féministe et se présenter comme "écrivain", non?"
Je ne suis pas certaine qu'il y aie consensus sur la question chez les féministes. Il me semble que la plupart d'entre nous (moi incluse) soit pour la féminisation des noms de métiers pour que les enfants n'acquièrent pas une vision sexuée de ces métiers. Par exemple, mon fils aîné a reçu un camion Playm*bil à Noël, avec deux p'tits pompiers dedans : un homme et une femme. Il m'a demandé ce que la femme faisait là, si elle aidait le pompier. Je lui ai répondu que non, elle était pompier. Il m'a alors demandé comment on disait : pompière, pompiette ? Ca lui a vraiment posé problème. J'ai beau dire, Mme Pompier a fini sur le siège passager et ne tient jamais la lance à incendie. Les mots sont importants ! Ils sont le reflet de notre pensée et cette pensée est forgée sur les mots. C'est un cercle vicieux qu'il faut bien briser à un moment ou à un autre.
Par ailleurs, le "genre" n'est pas qu'une notion grammaticale. Il s'agit aussi d'une notion sociologique (voir et surtout là). Peut-être qu'en apprendre plus sur le sujet (si ce n'est fait) vous permettrait de mieux comprendre pourquoi nous trouvons que ces notions sont importantes. Cette notion est au coeur du féminisme dit "de troisième vague".

"Il y a tellement de luttes féministes plus importantes! Il faudrait mieux hiérarchiser les problèmes."
Il faudrait surtout que le grand public soit au courant de ce qui se passe réellement dans les milieux féministes... Vous verriez que les grands problèmes sont aussi combattus que la myriade de détails qui les causent.

" Je suis -très- féministe, mais....
... ce ne sont pas des mouvements comme ceux-ci qui vont me donner envie d'adhérer à une quelconque association féministe."
Ce mouvement anti-Petit Bateau ne me semble pas être le fait s'associations, mais d'individus.

Je serais curieuse de savoir ce que c'est, pour vous, être féministe. Etre pour la parité ? L'égalité des salaires ? Lutter contre les violences conjugales ? C'est tout cela, bien sûr, mais c'est aussi, à mon sens, être conscient des questions de genre, remettre perpétuellement en question ses croyances et ses habitudes et lutter pour faire cesser la reproduction du système sexiste.
Si on emmerde le monde, il y a une raison... On a mieux à foutre de notre temps que troller la page Facebook de Petit Bateau !


Edit : Je rappelle que les commentaires de ce blog sont impitoyablement modérés. Je suis ouverte à la contradiction, à condition qu'elle soit argumentée et exprimée posément. Un commentaire du type "Beuarf c'est ridicule", par exemple, sera rejeté par la modération.