vendredi 16 octobre 2009

Souvenirs de fan


J'avais à peu près deux ans quand Thriller est sorti. Mes parents ont acheté l'album sans trop hésiter et ma mère, une danseuse immobilisée par le handicap, le passait d'autant plus souvent qu'il me faisait sautiller sur mes petites jambes. Je me revois affalée sur un fauteuil de velours, contemplant avec étonnement le jeune homme s'étalant sur la pochette du disque, ces énormes pochettes cartonnées que j'avais tant de peine à tenir dans mes petites mains. Avec son bébé tigre sur la jambe, il me paraissait un peu fou (mes livres d'enfant m'avaient appris à redouter l'animal) et terriblement élégant.
Michael Jackson est le premier artiste dont j'ai reconnu le visage, puis le nom. Thriller est la première chanson que j'ai identifiée entre toutes les autres à la radio, et la première que j'ai fredonnée (pas chantée, Dora n'existait pas encore pour apprendre l'anglais aux enfants). Je n'ai jamais mesuré le succès de Thriller, je l'aimais tant qu'il me paraissait absolument normal de l'entendre tous les jours à la radio. Cette musique faisait partie de ma vie comme le centre commercial derrière chez moi, les tours multicolores de mon quartier et les Pierrot de mon papier peint.
Je ne connaissais pas non plus les scandales qui commençaient à poindre. La chirurgie esthétique, les caissons à oxygène et les folles dépenses ne retentissaient dans les média que lorsque j'étais couchée ou perdue dans un livre. Rien ne semblait souiller l'ange de blanc vêtu et son jeune tigre.
Bad est sorti sans que mes parents achètent l'album. Des amis leur avaient dit qu'il était nul et ils les avaient cru... J'ai d'autant plus de regrets que Bad comprend quelques chansons que j'adore aujourd'hui.


C'est Dangerous qui a fait de moi une vraie fan. J'étais une pré-ado pur jus, acnéique, renfermée, suivant la mode pour ne pas avoir à identifier mes propres goûts. Cet album, qui fut d'ailleurs le premier CD qui entra chez nous, devint rapidement un objet d'adoration, au point d'apprendre par cœur la majorité des paroles (je commençais à peine l'anglais), d'examiner à la loupe la pochette pour identifier la myriade de dessins et extrapoler leur signification à partir des innombrables articles qui remplissaient les colonnes de mon journal télé. Le journal de Mickey que je lisais assidûment me procura une biographie épurée de mon idole dans un dessin réaliste qui jurait avec les canards en barboteuse coutumiers de la revue, où Joe Jackson était un guide attentif. J'y découvris la Motown, Diana Ross et tout un pan de l'histoire musicale qui, jusque-là, ne m'avait pas intéressée.
Cette passion me tint plusieurs années. Je me fis offrir successivement un lecteur CD, puis Bad, Thriller en version CD (reléguant notre bon vieux vinyle au grenier), et Off The Wall. Je perfectionnai mon anglais, compréhension écrite, orale, et prononciation, en écoutant et braillant Billie Jean dans ma chambre, au grand désespoir de mes parents qui ont néanmoins regretté cette époque quand j'ai commencé à écouter de la techno.
Les scandales ont finalement tempéré mon enthousiasme. Je soutins bec et ongles que, si les accusations pesant sur lui avaient été vraies, les parents n'auraient jamais fait marche arrière pour de l'argent. Les moqueries dont sont capables les adolescents m'obligèrent toutefois à taire mon fanatisme. J'achetai sans m'en vanter History qui ne m'a guère transportée, puis Blood on the Dance Floor. Je tentai vainement de convaincre mes parents, qui ne croyaient plus à mon objectivité en la matière, que ce dernier album contenait quelques excellentes chansons.
Je passai mon bac, me lançai dans les études, et détestai Invincible. Les scandales s'empilèrent et pour moi Michael Jackson n'avait plus rien d'un ange. Il n'était plus qu'un fou que je plaignais pour son enfance et la pression des médias. J'en devins indifférente, et laissai mes CD prendre la poussière.

En 2007, alors que j'attendais mon fils, l'envie de renouer avec les passions de mon enfance et de mon adolescence devint irrésistible. Je me remis à regarder du catch, et à écouter ces vieilles musiques poussiéreuses, Polnareff, Simply Red, Cock Robin, Genesis, et Michael Jackson. Je fus séduite de nouveau. L'énergumène ne faisait plus guère parler de lui, même les médias s'étaient lassés de ses frasques, et dans leur silence sa musique paraissait de nouveau belle. Il n'y eut plus de moqueries, et s'il y en avait eu, je ne les aurais pas écoutées. Il me paraissait plus important que mon fils découvre cette musique. Je me réconciliai avec moi-même, je n'avais plus honte d'être une fan.

Et puis il y a eu ce matin de juin 2009, où je me suis réveillée dans une chambre d'hôtel allemande fournissant gracieusement un radio-réveil au son de Man in the Mirror. Je me levai avec le sourire, montai le son et me dirigeai en dansant vers la douche où je ne chantai pas trop fort pour ne pas réveiller mon chef dans la chambre voisine. J'ignorai les commentaires en allemand que je ne comprenais pas et me rendis à la réunion de travail pour laquelle j'étais venue. Je repris l'avion pour Paris l'après-midi même. Les haut-parleurs de l'aéroport de Stuttgart diffusaient Rock with you et des images de Michael Jackson, sous-titrées en allemand, peuplaient les écrans plats. Je m'en étonnai ; mon chef me rappela que des concerts étaient prévus. Je désirai de tout mon cœur y croire, mais l'abondance l'images, commune aux décès, me fit douter. En rentrant chez moi, j'entendis des jeunes filles parler de moonwalk et tentai de me persuader d'une coïncidence.
A mon arrivée chez moi, la télévision était occupée par Bambi (le film, que mon fils regarde au moins une fois par semaine). Ce n'est que lorsque ce dernier devint roi de la forêt que Claire Chazal apparut pour présenter un reportage sur la carrière de Michael Jackson. Mon mari m'apprit alors la nouvelle. Je retins avec difficulté mes larmes pour ne pas effrayer Alexandre. Je chantai à tue-tête en riant pour ne pas pleurer, et mon cœur se serra d'émotion en entendant mon fils reprendre Bad, ravi.
Dans les jours qui ont suivi, j'ai pleuré sans honte. J'ai été outrée d'entendre les mêmes médias qui l'avaient traité de fou et de pervers saluer son génie. J'ai été ravie des flash mobs, des hommages des fans, et de voir le nombre de personnes qui avaient été touchés à un moment ou à un autre, par sa musique. J'ai maintenant le droit d'être fan, la mort lave tous les soupçons.

Alexandre a maintenant à peu près deux ans, l'âge que j'avais à la sortir de Thriller. Michael Jackson est le premier artiste dont il connait le nom. Il l'a si souvent entendu à la télévision... Sa nounou et moi, sans nous concerter, avons réécouté Thriller très souvent. Mon petit bout réclame souvent de la musique, il sautille sur Jam, sur Beat It, il rit avec Vincent Price comme je l'ai fait. Ses yeux brillent de plaisir quand retentissent les premières notes de Wanna be starting something, son regard devient rêveur sur Heal the World. Peut-être se borne-t-il, comme je l'ai fait, à imiter sa mère. Peut-être est-ce juste le génie du musicien.


vendredi 9 octobre 2009

Les IgNobels 2009 décernés !

Alors que le monde salue unanimement les prix Nobel, les prix IgNobels ont été décernés.
Il s'agit, comme on peut s'y attendre, d'une parodie des Nobel, où les prix sont décernés, au cours d'une vrai cérémonie, aux recherches improbables (du nom de l'organisme qui les décerne, Improbable Research), étonnantes, et amusantes. Le sloga : "For achievements that first make people LAUGH, then make them THINK" ("Pour les réussites qui font d'abord rire, avant de faire réfléchir").
Les lauréats ne sont pas forcément des branquignols ! L'un des lauréats passés, Andre Geim, a réçu un prix pour avoir fait léviter une grenouille. La chose était déjà une performance, même si la démonstration était cocasse. L'homme s'est ensuite fait connaître plus sérieusement en faisant partie des pionniers de la fabrication du matériau le plus à la mode dans la physique de la matière condensée : le graphène.

Andre Geim expliquant, lors de la cérémonie de remise de son prix IgNobel, comment faire léviter une grenouille.


Rappelons également les prix IgNobel français, un en 2008 pour une équipe de Toulouse ayant démontré que les puces des chiens sautaient plus haut que les puces des chats, une en 2006 à une équipe parisienne ayant démontré que les spaghetti se cassent toujours en plus de deux morceaux, un en 2005 pour un biologiste ayant catalogué les odeurs des grenouilles stressées, et surtout le prix IgNobel de la paix 1996 décerné à Jacques Chirac (que j'adore !) pour avoir testé une bombe atomique l'année de l'anniversaire d'Hiroshima (faut avouer, on peut en être fiers, de celui-là !).

Voici la liste des lauréats de cette année (traduction wikipedia) :

Médecine vétérinaire : à Catherine Douglas et Peter Rowlinson de l'Université de Newcastle, pour avoir démontré que les vaches portant un prénom produisent plus de lait que les autres.

Paix : à Stephan Bolliger, Steffen Ross, Lars Oesterhelweg, Michael Thali et Beat Kneubuehl de l'Université de Berne, pour avoir déterminé expérimentalement qu'il est préférable de recevoir sur la tête une bouteille pleine de bière qu'une bouteille vide.

Économie : aux administrateurs, dirigeants et commissaires aux comptes de quatre banques islandaises (Kaupthing, Landsbanki, Glitnir, et la Banque Centrale d'Islande) pour avoir démontré que les banques minuscules peuvent être rapidement transformées en banques énorme, et vice versa (et pour avoir démontré que des choses semblables peuvent être fait pour une économie nationale tout entière).

Chimie : à Javier Morales, Miguel Apátiga, et Victor M. Castaño de la Universidad Nacional Autónoma de México, pour avoir créé des diamants à partir de liquides, spécialement à partir de tequila.

Médecine : à Donald L. Unger, de Thousand Oaks, pour avoir enquêté sur une cause possible de l'arthrite des doigts, en faisant craquer les doigts de sa main gauche (mais jamais ceux de la droite) tous les jours pendant plus de soixante ans.

Physique : à Katherine K. Whitcome de l'Université de Cincinnati, Daniel E. Lieberman de l'Université Harvard et Liza J. Shapiro de l'Université du Texas, pour avoir déterminé par analyse pourquoi les femmes enceintes ne basculent pas.

Littérature : aux services de police irlandais (An Garda Siochana), pour avoir donné plus d'une cinquantaine de contraventions à Prawo Jazdy, dont le nom signifie en polonais « Permis de conduire ».

Santé publique : à Elena N. Bodnar, Raphael C. Lee, et Sandra Marijan de Chicago, pour avoir inventé un soutien-gorge qui, en cas d'urgence, peut être rapidement convertit en une paire de masques à gaz, l'un pour la porteuse, l'autre pour une personne qui en aurait besoin.

Mathématique : à Gideon Gono, gouverneur de la réserve bancaire du Zimbabwe, pour avoir donné aux gens un moyen simple et quotidien de faire face à une large gamme de nombres (des plus petits aux plus grands) en faisant imprimer des billets de banque de valeurs allant de un centime à cent mille milliards de dollars.

Biologie : à Fumiaki Taguchi, Song Guofu, et Zhang Guanglei de la Kitasato University Graduate School of Medical Sciences de Sagamihara, pour avoir démontré que l'on peut réduire la masse des déchets de cuisine de plus de 90 % en utilisant des bactéries extraites d'excréments de pandas géants.


dimanche 3 mai 2009

Mémoires d'une jeune fille rangée

Il n'y a rien d'étonnant à ce que Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir m'aie attiré, ni qu'il m'aie plu. Le récit autobiographique de Mme de Beauvoir ne pouvait être autre chose que l'histoire, forcément jouissive, d'une jeune fille refusant un absurde ordre établi. Il serait néanmoins stupide de réduire cet admirable ouvrage à cette simple dimension.

Je disais récemment au sujet d'Harvey Milk qu'avant de tenter de changer le monde, il fallait se changer soi-même. Ce premier tome des mémoires de Simone de Beauvoir ne montre pas les actions qu'elle a entreprises mais comment l'auteur s'est rendue compte de l'incohérence de la société dans laquelle elle vivait, comment elle a pu y échapper, et à quel prix.
Simone de Beauvoir est née dans une famille bourgeoise parisienne. La Première Guerre Mondiale lui a appris le patriotisme, sa mère la religion, son père l'amour de la littérature. Cependant, son père se ruine peu à peu, et finit par ne plus pouvoir doter ses filles : elles ne pourront être mariées, elles auront à apprendre un métier pour vivre. Les résultats exceptionnels de Simone à l'école sont à la fois une fierté et une déchéance pour sa famille ; décontenancée par le comportement de a famille, isolée des autres par cette situation singulière et désireuse, elle-même, de vivre la vie qu'elle a choisie, Simone de Beauvoir met en place dans la souffrance les bases de sa pensée. Evidemment, elle rencontrera Sartre, ce qui la fera beaucoup évoluer, mais ce ne sera pas avant d'avoir rejeté d'elle-même une bonne partie des idées reçues de son milieu d'origine.

Ayant quelque peu souffert à la lecture du Deuxième Sexe, je redoutais cette rencontre avec Mémoires d'une jeune fille rangée. J'ai été agréablement surprise par le style de Simone de Beauvoir qui se prête mieux au récit qu'à l'essai. La lourdeur de la démonstration nous étant épargnée, restent la poésie et la justesse du trait.
Lorsque Simone de Beauvoir regarde en arrière, elle ne tente pas de s'embellir. Elle reconnait sans honte qu'elle a été une petite fille difficile ; elle ne cache pas son intransigeance ni ses erreurs. Ce n'est pas un monument à sa gloire. La façon dont elle décrit son enfance et son comportement de petite fille puis d'adolescente est montre un recul extraordinaire. Les premières parties du livre sont à la fois touchantes, charmantes et épatantes de lucidité. La psychologie de la petite fille qu'elle était est révélée sans qu'on sente l'analyse auquel l'auteur s'est soumise, elle apparait naturellement, sans artifice.
Il ne s'agit pas, non plus, d'écrire un roman d'initiation. J'ai lu ça et là des analyses d'internautes voyant dans le destin de Zaza une opposition à celui de Simone de Beauvoir ; cette dernière aurait réussi à s'émanciper, Zaza aurait échoué et payé lourdement cet echec. Cette vision manichéenne ne me convient pas et me semble à rebours de la volonté de Simone de Beauvoir. Elle souhaitait "tout dire", montrer la Vérité. Opposer les deux amies requiert une interprétation artificielle, voire même un peu symbolique, que l'auteur refuse. Tout a une raison ; l'émancipation de Simone de Beauvoir est le résultat de la rencontre de son éducation avec le caractère particulier, intransigeant et sensible, de la jeune femme. Nul besoin d'artifice ou de fard pour souligner ou mettre en évidence ce cheminement.

Le plus amusant, c'est que, malgré le temps, les évolutions de la société, et les prises de conscience collectives, j'ai réussi à me retrouver dans ce récit. Les temps ont changé, les femmes ne sont plus confinées au foyer. Enfin, elle ne sont pas forcées d'y rester, mais tout autre choix reste moins valorisé. Les mentalités n'ont pas autant évolué qu'on veut nous le faire croire ; si la loi nous permet de vivre à peu près libre, nos esprits ne le sont pas ; la rencontre avec cette femme d'une autre époque mais de notre monde nous le démontre vigoureusement C'est ce qui rend ce livre non seulement beau et utile, mais aussi rigoureusement indispensable. La lucidité de Simone de Beauvoir nous met devant nos propres contradiction, son honnêteté nous oblige à les affronter de front. Reste à trouver le courage de garder les yeux ouverts lorsque le livre refermé est abandonné à la poussière dans une bibliothèque.



lundi 27 avril 2009

Milk


Amis militants des mêmes droits pour tous, ne ratez pas Milk, de Gus Van Sant. C'est un vrai beau film comme on en voit peu, servi par d'excellents acteurs, et basé sur l'histoire d'un homme d'exception - trop peu connu en France.
J'ai tenu à le voir à la fois pour apprécier la performance oscarisée de Sean Penn (il a battu Rourke qui avait déjà fait un excellent travail, il fallait que je voie ça) et pour découvrir l'histoire d'Harvey Milk, militant pour les droits des homosexuels, martyr de la cause. J'en suis ressortie bouleversée (sacré Gus ! il me fera chialer à chaque film, celui-là...).


Le film débute sur la nouvelle de l'assassinat de Milk. Pas de suspense donc, on connait déjà la fin. Ce pauvre Harvey a du être la cible d'un sniper homophobe déséquilibré. A moins que...
Le film se poursuit, jouant avec le temps, sur une scène dans la cuisine d'Harvey Milk. Il est seul et enregitre dans un magnétophone (antédiluvien, ce qui ajoute à l'ambiance) ses mémoires. La voix est triste, lasse, désabusée.
L'histoire d'Harvey Milk débute le jour de son quarantième anniversaire, avec sa rencontre avec Scott (l'adorable James Franco) dans le métro newyorkais. Gus Van Sant filme avec tendresse et grâce le coup de foudre des deux hommes qui décident de quitter la grande pomme où les homosexuels sont persécutés pour le Castro, un quartier de 6 pâtés de maisons à San Francisco. Les deux tourtereaux ouvrent un magasin de photographie qui devient rapidement le point de rencontre des militants pour les droits des gays.
Car ces droits sont menacés, dans le sweet land of freedom. Sous l'impulsion d'Anita Bryant, une ancienne chanteuse de pubs pour jus d'orange lobotomisée par les églises chrétiennes, les comtés américains abrogent un à un les loi garantissant l'égalité des droits entre homos et hétéros. Harvey Milk décide donc de se présenter au poste de superviseur à la mairie de San Francisco. Il deviendra le premier homosexuel élu dans une administration américaine.

La réalisation de Gus Van Sant est égale à elle-même, relatant froidement les faits jusqu'au climax plein de poésie et d'émotion. La marche du tueur dans la lumière crue fait penser à l'avancée des tueurs de Colombine dans Elephant. L'inéluctable dénouement approche, prévisible menaçant, implacable comme un rouleau compresseur piloté par un aveugle.
L'interprétation de Sean Penn est bluffante. Son Harvey est attachant, beau dans sa révolte, émouvant dans ses amours. Sensible, paternel, tendre, il se bat pour les siens plus que pour lui-même, encaisse les coups avec humour, combat la haine avec le sourire. Un Oscar, rien de moins.

A gauche, le vrai Harvey Milk, à droite, le vrai Sean Penn

Il ne faut pas oublier les seconds rôles. Outre James Franco pris à contre-emploi (on est loin du méchant fils-à-papa de Spiderman), campant le charmant compagnon de Milk avec sensibilité et délicatesse, toute la bande de militants entourant le politicien sonne juste. Le jeune Cleve Jones, joué par Emile Hirsch est particulièrement remarquable, ainsi qu'Anne Kronenberg, la directrice de campagne lesbienne interprétée par Alison Pill (d'ailleurs, vous avez remarqué comme, quand on parle d'homosexualité, on excepte les lesbiennes ? il y a matière à gueuler, là-dessus).

Le film se termine par une célèbre citation d'Harvey Milk, si émouvante, qui est inscrite place Harvey Milk à San Francisco :


Littéralement (désolée de ne pas l'enjoliver, j'ai peur de perdre le sens) : Si une balle devait entrer dans mon cerveau, qu'elle détruise toutes les portes de placard. Car ce qu'Harvey Milk pensait, et qui parait si évident quand on le dit, c'est que si tous les homosexuels sortaient du placard, les autres seraient forcés de reconnaitre qu'ils ne sont pas différents, et encore moins monstrueux.
Milk ne s'est pas battu que contre les homophobes, il a du se battre aussi contre les homosexuels qui refusaient de se montrer, soit par fatalisme (comme Cleve Jones au début du film), soit par peur de bousculer l'opinion publique qui, craignaient-on, le ferait payer aussitôt. Pour changer le monde, il faut commencer par se changer soi-même, il faut accepter de se battre et de prendre le risque de souffrir.
J'ai été surprise par cette citation, à vrai dire. Qu'un homme ou une femme passe ses nuits en compagnie d'un sexe, de l'autre, voire des deux, ça ne regarde personne. Le savoir n'a rien d'important, ni d'intéressant, à moins d'être voyeur. Il serait nécessaire d'en parler si quelqu'un en souffrait, mais il n'est question que de plaisir et d'amour. Je déteste qu'on parle de sortir du placard car c'est un effort qu'on ne devrait imposer à personne. Un monde idéal serait celui où on ne se poserait pas la question de savoir comment et qui on aime. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal. Il faut, hélas, que les homosexuels, les bisexuels, les transgenres, et tous ceux que les sans-cervelle culottés considèrent comme dégénérés se montrent, pour prouver (et c'est si moche qu'on aie besoin de le prouver !) qu'ils sont juste humains.

Regardez-le, ce Milk. Il avait l'air si sympathique. Si humain avec son sourire et ses pattes d'oie.

Harvey Milk, encourageant les gays à s'inscrire sur les listes électorales.

samedi 25 avril 2009

Oh, La Barbe !

Une militante accroche une barbe postiche à une statue place de la République, à Paris.

J'ai un gros, gros, gros coup de coeur pour l'association La Barbe, un groupe d'action féministe relativement récent. Cette association dénonce l'absence de femmes dans les milieux influents.
A chaque apparition de La Barbe, les militantes apparaissent affublées d'une barbe postiche pour interpeler le public. On dit souvent que les féministes ne s'épilent pas les jambes, celles-ci affichent fièrement leur pilosité ! Leur discours est une caricature de discours patriarcal, rappelant que les femmes n'ont rien à voir dans les sphères du pouvoir et que leur place est à la maison, félicitant les instances visées pour leur défense de l'ordre établi. On sourit en entendant de telles énormités, avant de réaliser que c'est hélas, représentatif de la façon de pense, consciente ou non, de pas mal de personnes.
Plusieurs actions ont récemment été relayée (anecdotiquement, mais bon, c'est toujours ça de gagné) par les médias. Une action contre l'Oréal a eu lieu lors d'une assemblée générale du groupe, au Carrousel du Louvre. Les femmes à barbe ont distribué des tracts aux passants et interpelé les dirigeants, rappelant que seuls des hommes pouvaient protéger ce que La Femme avait de plus précieux : sa beauté...




Autre action plus récente, une intervention devant Christine Albanel, dénonçant la phallocratie triomphante dans les milieux artistiques, lors du vernissage d'une exposition au Grand Palais :



J'aime beaucoup ce mode d'action. Les gens n'aiment pas remettre en cause leurs certitudes, et la pédagogie est inefficace contre ceux qui refusent de réfléchir. Bousculer le public n'a pour résultat que de le braquer. En revanche, l'incongruité des actions de La Barbe fait sourire, et rend leurs idées sympathiques. C'est peut-être la meilleure manière de faire avancer les choses en France.
J'espère voir le mouvement de pérenniser, et l'épidémie de barbe, souhaitée par le manifeste de La Barbe, se propager ! Je trouve la dernière phrase de ce manifeste tellement bien sentie...

"Quand les femmes auront du pouvoir, on verra bien ce qu’elles en feront.

En attendant, qu’elles le prennent."

mercredi 22 avril 2009

La Game Boy a 20 ans



En ces temps troublés de crise économique, songer à un succès commercial est, ma foi, bien agréable. Dans cette atmosphère morose, le nostalgie nous guette, et plutôt que de parler des choses sérieuses, je prefère revenir sur des souvenirs d'enfance...
La Game Boy de Nintendo fête aujourd'hui ses 20 ans. Je me rappelle comme, à sa sortie, tous mes copains de rêvaient que d'en recevoir une pour Noël... Ca ne nous rajeunit pas. J'en ai d'ailleurs reçu une, et je l'ai toujours, elle fonctionne encore. C'est increvable, ces vieux machins.
La Game Boy a connu de nombreuses évolutions (la Game Boy Color, la Game Boy Advance...) elle a changé de couleur (j'ai toujours adoré la version transparente, qui dévoile sans pudeur les puces de la machine) et d'apparence. Un adaptateur pour la Super NES a aussi existé. Mais tout ça, c'est de l'esbroufe. Ce qui reste en mémoire, c'est surtout les inoubliables jeux qui ont scotché toute une génération sur ce minuscule écran en noir et blanc habillé d'une lourde et encombrante coque grise.

Qui n'a jamais joué à Tetris ? Ce jeu, d'une simplicité bluffante était addictif au possible.
J'ai trouvé une petite vidéo d'un pro du Tetris (attention, c'est énervant) :


Autres hits incontournables, et c'est bien normal pour une console Nintendo : Super Mario Land 1 et 2. Je me souviens de heures de prise de tête et de frustration passées sur le premier opus, (j'y étais presque... mais je n'ai jamais réussi à abattre le boss) et de ma joie en finissant le second - un peu facile mais très amusant.

Super Mario Land 1

Deux jeux m'ont particulièrement marquée par leur difficulté : Paperboy et Batman. Dans les deux cas, je n'ai pas passé le second niveau (je sais, je ne suis pas douée). Pourtant, c'était des jeux sympas...

Batman (le joueur est d'ailleurs en train de louper deux bonus, en bas)

Paperboy n'était pas très moral, faisant gagner des points au joueur qui pétait des fenêtre ou renversait des pierres tombales, et par là même il était extrêmement jouissif.

Paperboy

Au contraire, je me rappelle avoir terminé avec fierté Duck Tales, ce qui m'a appris à ne jamais acheter un jeu destiné aux plus de 10 ans. Cinq mondes à visiter (les mines africaines, la transylvanie, l'Himalaya, l'Amazonie et la Lune) pour découvrir cinq trésors, et vaincre Miss Tick qui cherche à les voler. On retrouvait tout le petit monde de la Bande à Picsou qui était grave à la mode à ce moment-là.

Duck Tales

Il y avait aussi Castlevania, Kirby, Bubble Bobble, Dynablaster, Adventure Island, Gargoyle's quest, Megaman, Kick Off, Lemmings, (j'en oublie sans doute !), et bien sûr les incontournables Pokémon qui, bien qu'arrivés beaucoup plus tard, ont contribué à l'histoire de la petite console.

Voilà de bien beaux souvenirs... C'était le début de la popularisation des jeux vidéos (avec aussi la NES, la Super NES et la Mega Drive), et je suis contente d'avoir connu cette époque (si, si, je suis contente d'être pas trop jeune !). Les jeux vidéo font désormais partie intégrante de nos habitudes, et certains jeux s'intègrent à notre culture comme certains films à succès. La manipulation de jeux par les enfants les famililarise avec l'informatique et l'électronique, il paraîtrait même que ça suscite des vocations de carrière.
Quelques points, cependant, me chagrinent.
Le marketing des jeux vidéos, en premier lieu, est sexiste : il contribue à la lobotomisation des enfants en les confinant dans des rôles (baston et courses pour les garçons, chouchoutage d'animaux virtuels pour les filles) qui pèseront sur leurs choix ultérieurs, la façon dont ils se voient et dont ils voient le sexe opposé. C'est un phénomène assez général dans l'éducation, les livres et jouets classiques sont également dans ce cas, bien que les catalogues de jouet, pour se donner bonne conscience sans doute, font l'effort de placer une photo de garçon au milieu des dînettes et aspirateurs. La spécificité de ce problème, dans le cas des jeux vidéos, est que la grande majorité des jeux étant destinés aux garçons, les filles se persuadent que l'informatique et l'électronique ne sont pas pour elles et désertent les filières de formation concernées. Et après, j'entends les programmeurs se plaindre du manque de femmes parmi eux ! Comme on fait son lit, on se couche...
Le manque de surveillance de certains parents me choque également. Le temps passé par les enfants - et leurs parents quelquefois ! - devant les consoles serait mieux employé avec un livre ou un ballon, mais c'est tellement plus facile pour un parents feignant de laisser le môme devant sa console que de l'emmener au parc... C'est vrai, aussi, que certains jeux sont violents et que certains parents idiots ne font pas attention à ce que leurs (quelquefois très jeunes) enfants insèrent dans la console. Je n'irais pas accuser les jeux violents de tous les maux (faut pas exagérer non plus), mais chez des petits plus fragiles que d'autres, ça peut avoir des conséquences.

mardi 24 mars 2009

Même RSF peut déraper...

Reporters Sans Frontières est une association que tout le monde connait, et en qui on a plutôt confiance. Je pense que la plupart des gens, même non engagés, reconnaissent la nécessité de leur combat. Leurs campagnes, généreusement relayées par les médias, sont unanimement saluées. Sauf la dernière, qui a suscité de nombreuses réactions négatives (La Meute et les Chiennes de Garde, Encore Féministes, Association Mix-Cités, les Verts...) de la part des mouvements féministes. Réactions auxquelles, je préfère vous le dire tout de suite, je me joins sans réserves.

De quoi s'agit-il ?
On voit un buste de Marianne taché de sang, violemment rouge sur le marbre blanc, comme si elle avait reçu un coup. Et dessous, on peut lire, en lettres capitales "Franchement, elle l'a cherché". Ce que RSF veut dire, c'est que la France faisant peu d'efforts, il ne faut pas s'étonner qu'elle soit si mal classée par RSF pour la liberté de la presse. Ca choque, bien sûr. C'est sans doute fait pour. Se rappeler qu'en France, on entend encore cette phrase à propos de femmes violentées, violées et assassinées, ça fait mal.

Ce qui est intolérable, c'est l'utilisation, l'instrumentalisation de ce drame par Reporters Sans Frontières. Oui, la France a mérité d'être mal classée. C'est pas moi qui dirai le contraire, et si je pouvais botter les fesses de certains ministres pour leur inaction, je le ferais. Et comme, dans ce cas, la violence de RSF envers le gouvernement français est justifiée, le parallèle qui est tracé avec la violence sexiste est ignoble.

Qu'est-ce que Marianne ? Les littéraires vous diront une allégorie. On représente une notion abstraite (ici la Nation, un groupement de personnes) par un être humain. Et, Simone de Beauvoir l'a bien fait remarquer, les allégories, surtout celles représentant le foyer, sont majoritairement féminines. Les allégories telles que Marianne sont une manière parmi tant d'autres de limiter les femmes à un rôle de représentation, d'objet. Admirer Marianne, ce corps d'albâtre figé dans sa noblesse, est une manière d'être patriote. Et macho.
Il n'empêche que prétendre qu'une figure féminine, fût-elle aussi abstraite que Marianne, a "cherché" à être violentée renforce dans l'esprit des cons et des salauds leur croyance en leur droit supérieur à la violence.

Chez Reporters Sans Frontières, croit-on encore que la violence sexiste est un épiphénomène dont la responsabilité revient à une minorité d'enfoirés ? Les chiffres publiés par le gouvernement et par Amnesty International ne leur ont-ils pas suffi pour appréhender l'ampleur du phénomène ? Ces personnes, si justement engagées, si intelligemment créatives dans leurs revendications et leurs collectes de fond, ne savent-elles pas encore que la violence sexiste est un phénomène global, né, non pas de la perversion de quelques andouilles, mais de l'existence même des clichés sexistes, relayés, renforcés par les médias, et inculqués à nos enfants par l'ensemble de la société ? Que les violenteurs croient être dans leur bon droit, que les victimes croient avoir tort, et que ces certitudes sont nées du stéréotype sexiste de la femme-objet, stupide, agaçante et servile ?
Je veux croire que Reporters Sans Frontières va revenir à la raison et que cette campagne sera annulée. Je veux croire que c'est une erreur.

dimanche 15 mars 2009

Twilight


De manière générale, j'aime bien les histoires de vampires. Surtout quand ils sont aussi adorables que Gary Oldman (allez savoir pourquoi, Bela Lugosi me fait vachement moins d'effet). Devant le succès de la quadrilogie Twilight, j'ai décidé de m'y mettre. Et j'ai adoré. Ce n'est sans doute pas l'oeuvre du siècle, loin de là, mais ça vaut quand même le coup d'oeil.
Twilight a été écrit par une mère au foyer, Stephanie Meyer. C'est une novice en littérature, ce qui explique, comme pour Frankenstein, quelques maladresses dans le récit. Je l'ai d'ailleurs lu en anglais, et je ne me suis pas réellement rendue compte du style. Les quatre volumes relatent l'histoire d'amour d'une humaine, Bella, et d'un vampire, Edward, bénie par la famille de ce dernier (en particulier Alice, la frangine un peu fofolle), réprouvée par le meilleur ami de Bella, Jacob, issu d'une tribu indienne ennemie des vampires. Outre le fait qu'Edward a autant envie de bouffer que de câliner sa copine, l'ensemble du monde magique, vampires comme loup-garous, pose des problèmes à cet étrange couple.

Stoker, dans Dracula, tentait d'expliquer la fascination de certaines femmes pour les vampires en relevant que le sang est omniprésent dans nos vies. Je ne crois pas que les choses soient si simples. Il faut penser à ce que représente le vampire. Ce n'est pas qu'une question de sang. C'est surtout, et Stephenie Meyer, l'auteur de Twilight, l'a bien compris, une question de proie et de prédateur. Dans notre société, une femme est une proie à séduire et à posséder ; il faut être une catin pour être reconnue en tant que femme et en même temps il faut être sage pour être respectable. Nous vivons écartelées entre ces deux facettes de "l'éternel féminin", inconciliables et inévitables. Le vampire, fort de son éternelle jeunesse, est le tentateur attirant et redoutable à la fois, la quintescence du prédateur flétrissant l'innocence et la pureté de la femme jusque là respectable.
De gauche à droite : Alice, Emmet, Bella, Edward, Rosalie et Jasper

Beaucoup de critiques ont reconnu dans le film Twilight une image de la frustration sexuelle des ados américains. Cette interprétation est assez vraie, c'est une des raisons du succès de la série. Mais il y a, je pense, plusieurs autres raisons.
Bella, l'héroïne, est une ado moyenne, à laquelle la lectrice-type s'identifie assez facilement. Pas trop mauvaise à l'école, Bella est une incorrigible gaffeuse, nulle en sport, dévoreuse de livre romantiques, communiquant peu avec ses parents (sa mère étant proche de l'irresponsabilité et son père introvertit). Elle est timide, se trouve physiquement commune, rougit facilement et a la peau très pâle ; elle se sent déplacée, différente des autres. Une ado, quoi. Personnemment, le fait qu'elle soit nulle en sport me l'a rendue immédiatement sympathique.
L'écriture des livres, aussi, expliquent en partie leur succès. Le style est limpide, clair, direct. Sans fioritures inutiles, Meyer va droit à l'essentiel. Elle dose parfaitement les descriptions fastidieuses, les réflexions internes, les dialogues et l'action pour que le lecteur ne s'ennuie pas. On voit le récit se dérouler aussi clairement que si l'on regardait un film. C'est très agréable, et addictif.

Cette simplicité de style est une des raisons du mépris dont beaucoup de lecteurs font preuve à l'égard de la série. De la simplicité au simpliste il n'y a qu'un pas que Stephenie Meyer franchit allègrement de temps en temps. Le fait est que son écriture n'admet aucune subtilité.
Les parallèles qu'elle tente de tracer sont scolaires. Tout au long du second tome, New Moon, des références transparentes à Roméo et Juliette sont faites, si crument que ça en devient lourd. De la même manière, le second tome, Eclipse, est pesamment mis en parallèle des Hauts de Hurlevent, sur une bête histoire de jalousie. Au point qu'on se demande si Meyer a lu plus que ces deux livres et si elle a vraiment cherché à aller au-delà de l'histoire. L'ambiance, la signification, l'état d'esprit des auteurs de ces oeuvres doivent lui être inconnus. Seuls les grands axes sont exploités pour tracer des comparaisons dignes d'un élève de quatrième.
Outre les références littéraires outrancieusement puériles, des parallèles et de comparaisons sont tracés entre les personnages sans aucune subtilité. Jacob a la peau chaude, Edward a la peau froide, rien n'est tiède. Bref, Stephenie Meyer est à la littérature ce que Dolph Lundgren est au cinéma. N'empêche que Lundgren peut être réjouissant à sa manière.

Un autre reproche à faire concerne la tentative ratée de suspense. Twilight est comparé à Harry Potter, qui vise à peu près le même public. JK Rowling construisait ses histoires avec plus de soin. Parmi la profusion de détails, seuls quelques-uns servaient au dénouement final. Chez Meyer, tout sert. Le dénouement est largement prévisible, il y a peu de surprise. Mais on ne lit pas Twilight pour avoir des surprises !
Malheureusement, Meyer s'acharne à tenter d'installer un suspense. Un événement, dont les causes et conséquences de cet événement sont transparents, a lieu, mais l'héroïne les interprète de travers, elle qui est censée être assez intelligente. Evidemment, Bella comprend à la fin du volume ce qui se passe réellement, et elle est toute étonnée. L'ensemble est artificiel, l'héroïne perd toute crédibilité. Tout se passe comme si Meyer déformait ses personnages pour les faire coller à son histoire, au lieu de faire évoluer son histoire autour des personnages.

Même sans suspense artificiel, l'histoire est prenante. Le romantisme est quelquefois lourdigue, mais il fait mouche. J'ai particulièrement apprécié les dialogues, très naturels la plupart du temps (je suis jalouse, là), et pleins d'humour. Les scènes tendres font soupirer et frissonner.
C'est dingue, quand même, dès qu'un livre ou un film est romantique, une majorité du public ricane. Le romantisme ne peut-il être différencié de la guimauve ? Twilight est une friandise, certes, mais elle n'est ni trop grasse, ni trop sucrée. C'est le genre de livre qu'il faut aborder sans a priori, dont il faut profiter sans réfléchir, juste pour passer un bon moment. Ca vaut le coup de tenter. Après tout, il ne sont pas mignons, tous les deux ?


lundi 23 février 2009

The Wrestler


Bien que Mickey Rourke n'aie pas eu l'oscar du meilleur acteur cette nuit, The Wrestler a reçu de nombreuses récompenses qui mettent en confiance avant de débourser le prix d'une séance de cinéma. Le sujet m'a bien sûr attirée comme un aimant, et je me suis précipitée pour le voir ce week-end. J'en suis ressortie conquise.

Imaginez une mélodie qui vous touche, qui vous émeut, qui vous rappelle de merveilleux souvenirs et qui a été reprise de nombreuses fois sans jamais vous satisfaire. La plupart des interprètes que vous avez entendus auparavant tentaient de la rendre plus séduisante en la déformant quelque peu, et vous l'avez entendue en l'état à la télévision et à la radio, bancale et fausse. Et puis un jour arrive un homme qui la joue parfaitement, respectueusement.
The Wrestler est comme une mélodie enfin jouée juste. Ce film montre la réalité du catch, sa beauté comme les mauvais côté cachés en coulisses, sans complaisance, sans voyeurisme, sans apitoiement.

Nous sommes allés le voir dans un petit cinéma d'art et d'essai, pour le voir en VO. Nous nous sommes retrouvés dans une toute petite salle qui paraissait quand même grande, vu qu'il n'y avait qu'une dizaine de personnes. La salle, bien que peu remplie, a très bien réagi au film. Je ne sais pas s'il y avait beaucoup de fans de catch ce jour-là, mais tout le monde a vibré de la même manière devant l'histoire de Randy "The Ram" Robinson.

Randy "The Ram" Robinson est une star du catch des années 80. Il catche toujours, pour gagner péniblement de quoi payer son loyer, mais surtout par passion. Il vit seul ; il ne voit plus sa fille unique et cultive une amitié teintée de désir et de tendresse pour une strip-teaseuse, Cassidy, travaillant pour un club auquel il se rend souvent.
Et puis un jour, tout se brise, une crise cardiaque le rend incapable de catcher. Il lui faut se reconstruire une vie, sans le ring, sans les paillettes, loin du monde auquel il appartient et auquel il était prêt à tout donner.


Le film est tourné caméra à l'épaule ; ceci donne une impression de perpétuel mouvement, de dynamisme mais aussi d'instabilité. La vie de Randy est fragile, incertaine, mais l'homme est énergique et enthousiaste. Cette manière de filmer donne aussi au film une dimension réaliste, comme dans un documentaire : le regard de la caméra est neutre, sans idée préconçue, objectif (sans vouloir faire de jeu de mot, loin de moi cette idée) ; on ne s'identifie pas à Randy, on ne s'attache pas à lui, il est trop étrange. C'est un film très froid, et le choix des couleurs, comme de la saison au cours de laquelle l'action se déroule, renforcent cette impression. Le réalisateur nous montre un personnage crûment, sans jugement, sans l'embellir, sans l'enlaidir. On ne l'aime pas, on ne le déteste pas, il est juste là, étrange, incongru, beau quelquefois, affreux par moments, mais jamais pitoyable.
L'impression de réalisme est encore renforcée par le fait que le film a été tourné au milieu de shows donnés par des fédérations réelles dont les logos étaient bien visibles (la CZW et la ROH) avec de vrais catcheurs (le plus connu étant Ron "R-Truth" Killings).
Randy est souvent filmé de dos. Ne pas montrer son visage permet d'insister sur son humanité. C'est une histoire qui touche tout le monde, tous ceux qui ont une passion pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier. Le visage de Rourke, qui est si abîmé, donne tout de suite une individualité au personnage.

The Ram n'est pas un personnage réel. Il appartient au monde du catch. Le personnage qu'il joue est pourtant devenu la véritable identité de l'homme que l'on observe. Comme certains catcheurs qui ont changé leur identité pour porter leur nom de scène (les exemples les plus connus étant Hulk Hogan, Ultimate Warrior - si, si ! - et Steve Austin), notre catcheur demande à être appelé Randy autour de lui. S'entendre appeler Robin semble lui faire mal. A aucun moment on n'a l'impression qu'il fuit la réalité. Etre catcheur est sa nature et son personnage le rattrappe même quand la vie réelle s'impose à lui, comme lorsque les enfants lui sautent dessus en riant alors qu'il tente de récupérer ses clés.
Pourtant, lorsque les médecins le lui imposent, Randy essaie de revenir à une vie normale. Il en souffre, mais il se résigne ; il tente vainement de s'intégrer dans ce monde qui n'est pas le sien, où il est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, incongru et maladroit. Les règles, la pudeur, la morale, la loi sont des notions abstraites avec lesquelles Randy triche, croyant innocemment qu'il suffit que l'arbitre regarde ailleurs pour que ça passe.
Cassidy se débat pareillement entre une identité fantasmée, irréelle bien que lucrative, et son identité officielle. C'est sans doute pour ça qu'elle s'est attachée à lui, elle le comprend, et il le sent. Mais contrairement à Randy, la réalité ne lui pèse pas et elle appartient bien à notre monde. Elle ne lutte pas contre une vie qui l'enchaîne loin de son personnage porteur de rêves pour des spectateurs qui font semblant d'y croire, elle est bien trop ancrée dans le quotidien pour s'évader.


Attention, ce qui suit dévoile la fin du film...




La différence entre eux, l'ancre qui sauve Cassidy et à laquelle Randy tente de s'accrocher, c'est leurs enfants. Cassidy a un fils qu'elle aime et qui l'aime : elle est mère avant d'être strip-teaseuse ; son fils la sauve. Randy, le coeur fragilisé, tente sous son impulsion de se rapprocher de Stephanie, la fille qu'il a abandonnée.
Ce lien reconstruit dans la douleur lui permet de reprendre un semblant de vie, de trouver un job dans lequel il est toujours incongru, mais qu'il assume. Il reprend lentement pied, reprend contact avec le monde du catch où il n'est plus que spectateur. Il passe dans les coulisses, fier retraité, prodiguant conseils en encouragements. Le bonheur n'est pas loin.
Hélas, la relative célébrité et les maigres avantages qui l'accompagnent le rattrapent et le lien se brise brusquement. Robin disparait alors, dévoré par Randy. Il sombre, le sourire aux lèvres, se laisse aller à sa vraie nature, retourne à sa vraie famille. Son foyer, c'est le ring. Il est normal qu'il y vive, il est normal qu'il y meure. Innocent et glorieux, il largue les amarre et fait joyeusement le grand saut. Ce n'est pas un suicide, ce n'est pas une fuite. Il rentre juste chez lui, là où est sa place : dans nos souvenirs, dans nos rêves.


jeudi 22 janvier 2009

Sumo, le bichon dépressif

Ca y est, Bush est parti, ses gaffes font désormais partie de l'histoire. Obama a pris sa place dans une atmosphère chargée d'émotion, et a déjà commencé le boulot.
Ce qu'il y avait de bien, avec Bush, c'est qu'on avait moins honte de nos gaffeurs hexagonaux. Maintenant, on a l'air fins avec notre Ségolène nationale qui ose dire qu'elle a inspiré Obama avant de tenter pathétiquement de se raccrocher aux branches en prétendant avoir voulu faire de l'humour. C'est tellement navrant qu'on ne peut même pas se moquer.
Mais Ségo a encore du chemin à faire, avant d'atteindre la cheville du meilleur de tous : Jacques Chirac.


Son air débonnaire de bon vivant attaché à la terre fait tout passer. Vulgaire ("Ca m'en touche une sans faire bouger l'autre"), assumant son dégoût pour la culture classique ("Moi, vous savez, je n'aime que deux choses : la trompette de cavalerie et les romans policiers"), macho, ("Buvons à nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent", "Pour moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s'assied jamais avec eux et ne parle pas"), il arrive toujours à nous surprendre par l'incongruité de ses propos ("Bien sûr que je suis de gauche ! Je mange de la choucroute et je bois de la bière", "J'apprécie beaucoup plus le pain, le pâté, le saucisson, que les limitations de vitesse"). Les Guignols l'ont caricaturé avec brio, mais le personnage réel a toujours dépassé les imitations. Se balader à poil au fort de Brégançon, personne n'y avait pensé avant lui.
Pourquoi est-ce que je parle de lui aujourd'hui ? Pas seulement par association d'idées après avoir parlé de président retraité. Ce matin, j'ai lu que notre ami Jacques a été violemment mordu par Sumo, son bichon maltais. Le pauvre Sumo, manifestant depuis quelque temps un comportement agité, est sous anti-dépresseurs. On croirait un sketche, mais non, c'est bien la vérité, et Bernadette est toute chamboulée par cette histoire.
On ne méfie jamais assez d'un bichon... Surtout un bichon dépressif.


vendredi 16 janvier 2009

Bye bye Bush


Hier, Georges W. Bush a fait ses adieux télévisés à ses chers compatriotes. Ca y est, c'est fait, nous sommes enfin sortis de ces 8 années de bushisme. Je me revois, le jour de sa première élection, craignant que ses bêtises ne fichent un bazar pas possible sur la planète ; je me revois quatre ans plus tard, incrédule devant les résultats de sa seconde élection. Je me revois hilare devant les photos de lui avec des jumelles obturées, dévorant les sites web recensant les bushismes, dubitative devant ceux le comparant à un chimpanzé. Comme le fait remarquer Rosa Brooks dans le Los Angeles Times, Bush a été unanimement salué pour son incompétence et peut-être même qu'il va nous manquer : "Après W, de qui va-t-on se moquer ? [...] Bush parti, qui va-t-on détester ?"

Une petite phrase prononcée au cours de ce discours relevée par Le Monde qui résume bien sa pensée sonne comme un bushisme de plus, et prêterait à sourire si elle n'avait pas coûté la vie à tant d'innocents de par le monde : "Le Bien et le Mal sont présents en ce monde et entre les deux, il ne peut pas y avoir de compromis". Tout est dit. L'alliance du manichéisme et de l'intransigeance, typiques d'un religieux, appliquée à la gestion d'une armée, a fait ses preuves.


Pointant que Bush est "un des présidents les plus impopulaires des temps modernes", le New York Times rappelle que "Mr. Bush laisse derrière lui deux guerres inachevées, et une économie dans la tourmente", avant de citer une petite phrase qui de Bush : "Vous pouvez ne pas être d'accord avec quelques-unes des décisions difficiles que j'ai prises, mais j'espère que vous pourvez accepter de dire que j'étais prêt à prendre des décisions difficiles" (traduction maison). Elu pour le courage et l'obstination dont il paraissait capable en ces temps troublés, Bush sait que sa seule chance de ne pas rester dans les annales comme un abruti obstiné est de se présenter comme la force de la nature dont l'Amérique rêvait.
Le journal présente aussi quelques chiffres résumant l'état du pays avant et après Bush. La chute vertigineuse du nombre d'adultes masculins avec un emploi (pour les femmes, c'est stable à 50%, celles qui ne gardent pas les gosses, quoi) est évidente. Le nombre de personnes protégées par une assurance maladie a baissé (ça doit venir du nombre croissant de chômeurs, puisque les employeurs paient souvent l'assurance) tandis que le coût moyen d'un traitement a augmenté. Avoir quasiment doublé le nombre de garde-frontière n'a pas empêché l'augmentation du nombre de non-anglophones. Quelle ironie !
Même Fox News (cité ici par le Monde, je ne lis pas les articles issus de ce torchon) a du mal à trouver quelque chose de positif à dire à propos de son chouchou sortant : "Bush ne peut pas être évalué selon l'esprit actuel [...], il faut attendre 50 ans pour pouvoir réellement juger historiquement". Mouarf !
C'est vrai, dans 50 ans, on verra peut-être d'un autre oeil les gaffes de Bush et de son administration (résumées par le site Mother Jones). On en rigolera, on n'arrivera pas à y croire, mais ça ne nous fera peut-être moins mal au coeur. Peut-être qu'on ne le verra plus comme le président des deux guerres, le président de la crise économique, mais seulement comme le président qui a pris le plus de vacances depuis le début de son mandant (950 jours sur 8 ans !).

En fin de compte, c'est certainement Rosa Brooks qui a raison : "Mais nous devons beaucoup à Bush aussi. Finalement, c'est Bush qui nous a apporté Obama". Ce dernier a été élu car il promet le changement, et que, manifestement, il n'a rien à voir avec son prédécesseur. Il ne fait pas pleurer les mômes, en tout cas. Pour le reste, on verra...


jeudi 15 janvier 2009

Entropa

Ce matin, j'ai découvert dans ma revue de presse électronique quotidienne un article du Monde sur le scandale provoqué par Entropa, une sculpture exposée dans le grand hall du conseil européen à Bruxelles.


C'est pas très joli, c'est vrai, mais c'est pas fait pour, donc c'est pas grave.
Cette sculpture est constituée de représentations caricaturales des différents pays européens. Chaque pays, identifié par sa forme, se voit affublé d'un cliché. La France est barrée d'une banderole "Grève !" (hihi !), l'Italie n'est qu'un terrain de foot, l'Allemagne est barrée d'autoroutes que l'on devine gratuites (le Monde dit qu'elles sont placées en croix gammée, mais il a dû fumer la moquette), le Roumanie est le pays de Dracula, la Belgique une boîte de chocolats...
Certains pays, comme la Bulgarie que l'artiste, David Cerny a représentée comme recouverte de toilettes à la turque (beuh...), se sont plaints. Cerny s'est tout récemment dit prêt à retirer certaines parties de l'œuvre. Cette capitulation vient de ce que cette oeuvre n'est pas conçue pour blesser mais pour faire réfléchir ; elle se veut ironique, pas agressive. Ce dont on se moque, ce n'est pas du pays subissant le cliché, mais du quidam qui ne perçoit ses comparses européens qu'à travers eux.

Evidemment, j'adore ce genre d'oeuvre. J'apprécie toujours qu'on nous rappelle (je me mets dans le lot) à quel point on peut être réducteurs dans notre façon de percevoir les autres.
J'ai également été un peu effrayée de ne même pas comprendre certains stéréotypes. Dracula, le chocolat Belge, d'accord, je connais, mais vous saviez, vous, pour la Bulgarie et les toilettes à la turque (re-beuh...) ? Le problème n'est pas tant qu'on ne connaisse pas tout les stéréotypes mis en avant par l'oeuvre (l'Espagne entièrement bétonnée, je ne vois pas pourquoi, mais des clichés sur le pays, on en connait, olé !), mais que pour certains pays, on ne connaisse aucun cliché.
La plupart des pays européens, on ne les connait pas. Je doute même qu'une grande partie de la population française soit capable de citer les vingt-quelque chose pays qui composent l'Union. Ou de situer, ne serait-ce qu'approximativement, Talinn ou Ljubjana. Est-ce typiquement français ? Pourquoi n'avons-nous pas cette curiosité ? Est-ce la peur d'être englobés dans un tout qui ferait disparaître cette culture qui nous est chère ? Peut-être que si la télévision (surtout celle qui est maintenant sans publicité et donc sans argent) multipliait les émissions nous présentant nos concitoyens européens de manière ludique, nous les connaîtrions mieux et cesserions de nous méfier. La curiosité engendre la curiosité, mais rien ne donne naissance à cette saine cascade.
Qu'on soit pour ou qu'on soit contre, l'Europe est là. Faut avouer que c'est quand même un joli rêve... Alors puisqu'on ne pourra pas y couper, il vaut mieux la connaître pour contribuer à la construire, pour qu'elle ressemble à celle dont on rêve... Au moins un peu.