mardi 24 mars 2009

Même RSF peut déraper...

Reporters Sans Frontières est une association que tout le monde connait, et en qui on a plutôt confiance. Je pense que la plupart des gens, même non engagés, reconnaissent la nécessité de leur combat. Leurs campagnes, généreusement relayées par les médias, sont unanimement saluées. Sauf la dernière, qui a suscité de nombreuses réactions négatives (La Meute et les Chiennes de Garde, Encore Féministes, Association Mix-Cités, les Verts...) de la part des mouvements féministes. Réactions auxquelles, je préfère vous le dire tout de suite, je me joins sans réserves.

De quoi s'agit-il ?
On voit un buste de Marianne taché de sang, violemment rouge sur le marbre blanc, comme si elle avait reçu un coup. Et dessous, on peut lire, en lettres capitales "Franchement, elle l'a cherché". Ce que RSF veut dire, c'est que la France faisant peu d'efforts, il ne faut pas s'étonner qu'elle soit si mal classée par RSF pour la liberté de la presse. Ca choque, bien sûr. C'est sans doute fait pour. Se rappeler qu'en France, on entend encore cette phrase à propos de femmes violentées, violées et assassinées, ça fait mal.

Ce qui est intolérable, c'est l'utilisation, l'instrumentalisation de ce drame par Reporters Sans Frontières. Oui, la France a mérité d'être mal classée. C'est pas moi qui dirai le contraire, et si je pouvais botter les fesses de certains ministres pour leur inaction, je le ferais. Et comme, dans ce cas, la violence de RSF envers le gouvernement français est justifiée, le parallèle qui est tracé avec la violence sexiste est ignoble.

Qu'est-ce que Marianne ? Les littéraires vous diront une allégorie. On représente une notion abstraite (ici la Nation, un groupement de personnes) par un être humain. Et, Simone de Beauvoir l'a bien fait remarquer, les allégories, surtout celles représentant le foyer, sont majoritairement féminines. Les allégories telles que Marianne sont une manière parmi tant d'autres de limiter les femmes à un rôle de représentation, d'objet. Admirer Marianne, ce corps d'albâtre figé dans sa noblesse, est une manière d'être patriote. Et macho.
Il n'empêche que prétendre qu'une figure féminine, fût-elle aussi abstraite que Marianne, a "cherché" à être violentée renforce dans l'esprit des cons et des salauds leur croyance en leur droit supérieur à la violence.

Chez Reporters Sans Frontières, croit-on encore que la violence sexiste est un épiphénomène dont la responsabilité revient à une minorité d'enfoirés ? Les chiffres publiés par le gouvernement et par Amnesty International ne leur ont-ils pas suffi pour appréhender l'ampleur du phénomène ? Ces personnes, si justement engagées, si intelligemment créatives dans leurs revendications et leurs collectes de fond, ne savent-elles pas encore que la violence sexiste est un phénomène global, né, non pas de la perversion de quelques andouilles, mais de l'existence même des clichés sexistes, relayés, renforcés par les médias, et inculqués à nos enfants par l'ensemble de la société ? Que les violenteurs croient être dans leur bon droit, que les victimes croient avoir tort, et que ces certitudes sont nées du stéréotype sexiste de la femme-objet, stupide, agaçante et servile ?
Je veux croire que Reporters Sans Frontières va revenir à la raison et que cette campagne sera annulée. Je veux croire que c'est une erreur.

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