lundi 18 octobre 2010

Super Eva et les super-directives


J'ai appris par le site Marianne2 que l'Union Européenne avait publié une série de vidéos visant à défendre l'égalité entre les sexes. Le ton employé par Marianne m'a semblé violent et j'ai tout de suite pensé qu'ils exagéraient : "L'égalité entre les hommes et les femmes est un vrai sujet. " (merci de le souligner) "A condition de ne pas prendre les gens pour des enfants. C'est exactement le travers de cette vidéo de la Commission européenne."


Evidemment, je suis immédiatement allée consulter l'objet du délit. Il s'agit de 5 vidéos présentant Super Eva (pourquoi ce prénom, d'ailleurs ? une référence à Eve la pécheresse ?), petit personnage de jeu vidéo du plus pur style nippon, évoluant dans un jeu de plateforme. Le scénario est sensiblement toujours le même : Eva débute son niveau en ayant repéré son objectif (un job, un poste de manager, sa pension de retraite...), mais son avancée est contrecarrée par la présence du mâle, visible ou non. Au moment où tout semble perdu, Eva reçoit la Super-Directive de la Commission Européenne et devient Super Eva. Elle atteint alors comme par magie son objectif.
La vidéo ci-dessous reprend les autres :



Infantilisant ? Un peu. Les vidéos ne présentent pas de faits, ne s'adressent pas à notre intelligence, mais à... euh... à quoi en fait ?
La discrimination est présentée dès le départ comme un état des choses anormal. Pourtant, ceux qui reproduisent ces discriminations en sont soit inconscients (et là, il faut les convaincre faits à l'appui), soit conscients et satisfaits (et là, il faut les menacer de sanctions). Là, pas d'explication, pas d'analyse, pas de pourquoi, pas de comment. Sommes-nous trop bêtes pour comprendre ?
L'arrivée de la Super-Directive est également critiquable. La directive européenne apparait comme un champignon magique. Or, si c'était si simple, l'égalité serait établie et le cul des poules calibré. Après avoir vu ces vidéos, je ne sais toujours pas ce qu'est une directive européenne, qui la crée, à quoi ça sert, ni quel est son effet. Je reste frustrée, car la Super Directive n'a pas agi pour moi, et j'ai l'impression qu'on me ment.
Ce qui m'a le plus choquée dans ces vidéos est la fin de certaines séquences. Je trouve violent de voir Super Eva obtient le job qu'elle convoitait aux dépends de l'homme (qui l'avait spoliée au départ, mais quand même), quand elle fait renvoyer son patron, quand elle pique les sous du retraité homme. On reste avec l'impression qu'Eva n'obtient pas un dû mais le confisque, s'arrogeant par violence le bien d'un autre. J'entends déjà les anti-féministes grincer des dents et le serpent de mer de l'hystérique frustrée cherchant à prendre la place des hommes, à les castrer, et à devenir pire qu'eux, rôder autour de Bruxelles. Nous voulons l'égalité, pas l'exclusivité du pouvoir, et il faut toujours prendre garde de ne pas donner du grain à moudre aux propagateurs de clichés. Sinon l'effet est inverse.

Bref, non seulement ces vidéos sont infantilisantes voire blessantes mais en plus je doute fortement de leur efficacité. J'espère qu'elles n'ont pas coûté trop cher à nos copains de Bruxelles.
C'est vrai que ces vidéos ont le mérite d'exister, mais il existe tellement d'initiatives intelligentes et efficaces dont personne ne parle , tellement de moyens d'action et de personnes motivées que ces vidéos me font l'effet d'un gâchis de temps et d'argent.

Ajoutez à ça la campagne pour le dépistage du cancer du sein pointée du doigt par Anaïs... A quand une campagne qui ne prend pas les gens pour des imbéciles ?

dimanche 10 octobre 2010

Les gender studies au programme de Sciences Po


Si les élites de demain sortent de Sciences Po, peut-être seront-elles conscientes de problèmes aujourd'hui ignorés par nos politiques et motivées pour faire avancer les choses. L'établissement vient, en effet, d'intégrer à son programme un enseignement des gender studies - la branche des sciences sociales étudiant les différences de genre.
Sur le sujet, deux articles passionnants ont été publiés sur le site du Monde :
[1] Sciences Po pense sexes
[2] Faut-il imposer un enseignement sur les inégalités entre les sexes en France ?, compte-rendu d'un chat entre les internautes et Hélène Périvier, économiste.
Tous deux soulignent l'importance de telles études, dans un pays où "les femmes touchent aujourd'hui des pensions de 30% à 35% inférieures à celles des hommes". [1] Paradoxalement, si les réflexions sur l'identité de genre ont été initiées en France par Simone de Beauvoir, un retard important a été pris depuis. La question passe-t-elle pour secondaire auprès de ceux qui financent les recherches et auprès des chercheurs ? Pourtant, "il ne faut pas perdre de vue que les femmes représentent plus de la moitié de la population, et donc les rapports de pouvoir et de répartition de ce pouvoir entre les sexes est une question structurante de nos sociétés" [2].
Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut garder à l'esprit la phrase de Simone de Beauvoir "on ne naît pas femme, on le devient". Le sexe est à différencier du genre au sens où toutes les caractéristiques identifiant un individu comme "femme" ou"homme" ne sont pas intrinsèques au sexe (terme à prendre au sens anatomique) mais une construction sociale, nommée "genre" (gender en anglais). Ainsi, une femme ne se conforme à un comportement dit "féminin" que puisque la société, qui l'a formatée au cours de son éducation, le lui impose. Les gender studies permettent d'identifier ces caractéristiques, de comprendre leur origine et d'en cerner les conséquences.
L'influence religieuse a, pendant des siècles, imposé une vision essentialiste des sexes : femmes et hommes étaient créés différents par essence, et s'éloigner de comportements spécifiques était contre nature. L'existentialisme a montré que nos caractéristiques étaient issues d'une éducation différenciée. Le féminisme moderne est né de cette réflexion et s'est nourri depuis des conclusions des gender studies. Le féminisme n'est donc pas un délire de moches frustrées, mais une véritable réflexion de fond nourrie de philosophie et d'études sérieuses.
Ces idées concernent absolument tout le monde, et les stéréotypes imprégnant tout le monde transforment notre vision des individus. La démarche transversale proposée par Sciences Po est particulièrement pertinente. L'intérêt massif des étudiants pour la discipline, relayé par Hélène Périvier ("Ces cours étaient toujours pleins, ce qui témoigne d'une véritable demande d'enseignement de la part des étudiants") est une excellente nouvelle et présage d'une implication saine de la part de nos futurs dirigeants.

mercredi 6 octobre 2010

Revue de web

Quelques articles et billets intéressants que j'ai trouvés ces derniers jours.

- D'après Le Monde, la délinquance des filles est en hausse. Malgré cette déclaration tonitruante qui laisse craindre l'invasion d'hystériques dénaturées (bah oui, les filles, c'est gentil de nature, c'est bien connu), le quotidien refuse qu'on parle d'explosion : d'après Sébastian Roché, interrogé par le journal, "La frontière entre les genres est moins imperméable, l'égalisation des conditions et des styles de vie adolescents pouvant aider les filles à faire 'comme les garçons' car s'identifiant à leurs modèles de rôle". En gros, les filles veulent imiter les mecs ? J'aurais plutôt pensé qu'elles se lâchent, car rien ne prouve qu'elles soient naturellement moins violentes que les garçons. La société leur accordant peu à peu le droit d'être elles-mêmes, le grand public réalise avec effroi que les filles sont aussi bêtes et méchantes que les garçons. Ben oui, c'est ça aussi l'égalité !
Coline Tardi, sociologue interrogée par Le Monde pour apporter quelques précisions sur les chiffres, relativise l'augmentation, le chiffre global restant faible. C'est la tolérance à la violence, en particulier des femmes, qui baisse. Les policiers, la reconnaissant enfin, arrêtent les femmes plus volontiers (tant mieux, il faut que justice soit faite pour tout le monde) et les médias montent les affaires en épingle.

- Le retour de Bertrand Cantat sur scène ne cesse de faire couler l'encre. A chaque article, les réactions des lecteurs sont d'une virulence peu commune. D'un côté, nous avons les fans qui réclament l'oubli, croyant dur comme fer à la thèse de l'accident, et veulent que leur idole puisse bosser tranquille, de l'autre côté ceux qui l'appellent meurtrier et voudraient bien qu'il passe sa vie fouetté en prison (qu'il paye pour tous les autres !). Evidemment, Cantat, c'est du pain bénit pour les médias qui sont sûrs, étant donné l'émotion que suscite l'affaire, de faire de l'audience.
Tout le problème est le traitement de cette affaire. La justice a reconnu que l'homicide était involontaire : de là, certains (les fans d'une part, les machos qui refusent de considérer l'ampleur des violences conjugales) souhaitent faire croire à un simple accident, un truc banal qui peut arriver à tout le monde. L'étape suivante dans la mauvaise foi est de dénoncer l'acharnement médiatique dont il a été victime et d'encenser son courage quand il remonte la pente. Un bon article des Nouvelles News (site indispensable, à bookmarquer d'urgence !), et un billet paru sur Rue89 résument très bien cette situation.
Cantat a purgé sa peine, justice a été faite, il a le droit de recommencer à vivre, c'est comme ça. Personne n'a le droit de dire quoi que ce soit. On peut cependant reconnaître que, moralement (justice et morale sont deux choses différentes), il devrait se faire discret par respect pour la famille de sa victime, par respect pour toutes les victimes de violence conjugale et pour ne pas banaliser son acte. Il a le droit de travailler, mais les métiers du spectacle ne sont pas des métiers comme les autres, ils impliquent une visibilité qui leur permet d'atteindre une grand nombre de personnes : il a choisi ce métier, qu'il en assume les conséquences. Rien ne l'y oblige légalement, néanmoins, et s'il refuse de comprendre ce que signifie le mot respect, c'est aux médias de faire preuve de modération et au public de le traiter comme il le mérite, sans en faire un héros, ni un martyr, ni un punching-ball. Je comprends que les fans l'aiment, mais il a tué, c'est un fait, et s'il a payé légalement, rien ne peut effacer son acte. D'un autre côté, s'acharner contre lui ne fera pas revenir Marie Trintignant.

- Les viols de lesbiennes en Afrique du Sud sont dénoncés par ce blog. Il s'agirait de les remettre dans le "droit chemin" à coup de bite. Combien, en France, blaguent sur ce principe ? Combien d'hommes se croient détenteurs d'une baguette magique générant automatiquement des gémissements de plaisir (sauf chez les frigides) et garante de l'ordre social ?

- Le sexe pas si libéré des Américains fait l'objet d'un court article dans Le Monde. Les USA ont la chance d'avoir vu paraître le rapport Kinsey par le passé pour étudier leur sexualité. Une nouvelle étude montre que les temps ont changé. Cependant, si l'on croyait les femmes enfin maîtresses de leur corps, on se trompait : "Ainsi, 85 % des hommes affirment que leur partenaire a eu un orgasme lors du dernier acte sexuel, contre seulement 64 % des femmes. Par ailleurs, un tiers des femmes, mais seulement 5 % des hommes, assurent avoir subi des douleurs génitales la dernière fois qu’elles ont fait l’amour". Notre jouissance reste rare, et la douleur n'appartient pas au passé. Ben oui, un vagin n'est pas en béton armé, on n'y rentre pas comme dans le couloir du métro !

- La campagne de publicité de Canal+ pour sa nouvelle série Maison Close fait scandale chez les féministes. Les Nouvelles News citent le Mouvement du Nid (dont le site web est ici), et la Meute réagit. C+ utilise l'iconographie trash de la prostitution pour vendre : elles sont belles, et désespérées. Cosette est à vendre !
Si je suis tout à fait d'accord avec les arguments des sites que je viens de citer, j'aimerais tout de même voir la série avant de crier au loup. La pub est dégueu, certes, comme plein d'autres, il suffit de consulter le site de la Meute. Cependant, le peu que j'ai lu sur la série me donne l'espoir de voir enfin les Maisons Closes traitées non pas comme les lieux classe où tout le monde s'éclate dans un décor enchanteur, mais la prison que c'était, où l'on pratiquait une activité d'une atroce barbarie. Si quelqu'un-e l'a vu, merci de me laisser un commentaire !!!