dimanche 10 octobre 2010

Les gender studies au programme de Sciences Po


Si les élites de demain sortent de Sciences Po, peut-être seront-elles conscientes de problèmes aujourd'hui ignorés par nos politiques et motivées pour faire avancer les choses. L'établissement vient, en effet, d'intégrer à son programme un enseignement des gender studies - la branche des sciences sociales étudiant les différences de genre.
Sur le sujet, deux articles passionnants ont été publiés sur le site du Monde :
[1] Sciences Po pense sexes
[2] Faut-il imposer un enseignement sur les inégalités entre les sexes en France ?, compte-rendu d'un chat entre les internautes et Hélène Périvier, économiste.
Tous deux soulignent l'importance de telles études, dans un pays où "les femmes touchent aujourd'hui des pensions de 30% à 35% inférieures à celles des hommes". [1] Paradoxalement, si les réflexions sur l'identité de genre ont été initiées en France par Simone de Beauvoir, un retard important a été pris depuis. La question passe-t-elle pour secondaire auprès de ceux qui financent les recherches et auprès des chercheurs ? Pourtant, "il ne faut pas perdre de vue que les femmes représentent plus de la moitié de la population, et donc les rapports de pouvoir et de répartition de ce pouvoir entre les sexes est une question structurante de nos sociétés" [2].
Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut garder à l'esprit la phrase de Simone de Beauvoir "on ne naît pas femme, on le devient". Le sexe est à différencier du genre au sens où toutes les caractéristiques identifiant un individu comme "femme" ou"homme" ne sont pas intrinsèques au sexe (terme à prendre au sens anatomique) mais une construction sociale, nommée "genre" (gender en anglais). Ainsi, une femme ne se conforme à un comportement dit "féminin" que puisque la société, qui l'a formatée au cours de son éducation, le lui impose. Les gender studies permettent d'identifier ces caractéristiques, de comprendre leur origine et d'en cerner les conséquences.
L'influence religieuse a, pendant des siècles, imposé une vision essentialiste des sexes : femmes et hommes étaient créés différents par essence, et s'éloigner de comportements spécifiques était contre nature. L'existentialisme a montré que nos caractéristiques étaient issues d'une éducation différenciée. Le féminisme moderne est né de cette réflexion et s'est nourri depuis des conclusions des gender studies. Le féminisme n'est donc pas un délire de moches frustrées, mais une véritable réflexion de fond nourrie de philosophie et d'études sérieuses.
Ces idées concernent absolument tout le monde, et les stéréotypes imprégnant tout le monde transforment notre vision des individus. La démarche transversale proposée par Sciences Po est particulièrement pertinente. L'intérêt massif des étudiants pour la discipline, relayé par Hélène Périvier ("Ces cours étaient toujours pleins, ce qui témoigne d'une véritable demande d'enseignement de la part des étudiants") est une excellente nouvelle et présage d'une implication saine de la part de nos futurs dirigeants.

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