Bien que Mickey Rourke n'aie pas eu l'oscar du meilleur acteur cette nuit, The Wrestler a reçu de nombreuses récompenses qui mettent en confiance avant de débourser le prix d'une séance de cinéma. Le sujet m'a bien sûr attirée comme un aimant, et je me suis précipitée pour le voir ce week-end. J'en suis ressortie conquise.
Imaginez une mélodie qui vous touche, qui vous émeut, qui vous rappelle de merveilleux souvenirs et qui a été reprise de nombreuses fois sans jamais vous satisfaire. La plupart des interprètes que vous avez entendus auparavant tentaient de la rendre plus séduisante en la déformant quelque peu, et vous l'avez entendue en l'état à la télévision et à la radio, bancale et fausse. Et puis un jour arrive un homme qui la joue parfaitement, respectueusement.
The Wrestler est comme une mélodie enfin jouée juste. Ce film montre la réalité du catch, sa beauté comme les mauvais côté cachés en coulisses, sans complaisance, sans voyeurisme, sans apitoiement.
Nous sommes allés le voir dans un petit cinéma d'art et d'essai, pour le voir en VO. Nous nous sommes retrouvés dans une toute petite salle qui paraissait quand même grande, vu qu'il n'y avait qu'une dizaine de personnes. La salle, bien que peu remplie, a très bien réagi au film. Je ne sais pas s'il y avait beaucoup de fans de catch ce jour-là, mais tout le monde a vibré de la même manière devant l'histoire de Randy "The Ram" Robinson.
Randy "The Ram" Robinson est une star du catch des années 80. Il catche toujours, pour gagner péniblement de quoi payer son loyer, mais surtout par passion. Il vit seul ; il ne voit plus sa fille unique et cultive une amitié teintée de désir et de tendresse pour une strip-teaseuse, Cassidy, travaillant pour un club auquel il se rend souvent.
Et puis un jour, tout se brise, une crise cardiaque le rend incapable de catcher. Il lui faut se reconstruire une vie, sans le ring, sans les paillettes, loin du monde auquel il appartient et auquel il était prêt à tout donner.
Le film est tourné caméra à l'épaule ; ceci donne une impression de perpétuel mouvement, de dynamisme mais aussi d'instabilité. La vie de Randy est fragile, incertaine, mais l'homme est énergique et enthousiaste. Cette manière de filmer donne aussi au film une dimension réaliste, comme dans un documentaire : le regard de la caméra est neutre, sans idée préconçue, objectif (sans vouloir faire de jeu de mot, loin de moi cette idée) ; on ne s'identifie pas à Randy, on ne s'attache pas à lui, il est trop étrange. C'est un film très froid, et le choix des couleurs, comme de la saison au cours de laquelle l'action se déroule, renforcent cette impression. Le réalisateur nous montre un personnage crûment, sans jugement, sans l'embellir, sans l'enlaidir. On ne l'aime pas, on ne le déteste pas, il est juste là, étrange, incongru, beau quelquefois, affreux par moments, mais jamais pitoyable.
L'impression de réalisme est encore renforcée par le fait que le film a été tourné au milieu de shows donnés par des fédérations réelles dont les logos étaient bien visibles (la CZW et la ROH) avec de vrais catcheurs (le plus connu étant Ron "R-Truth" Killings).
Randy est souvent filmé de dos. Ne pas montrer son visage permet d'insister sur son humanité. C'est une histoire qui touche tout le monde, tous ceux qui ont une passion pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier. Le visage de Rourke, qui est si abîmé, donne tout de suite une individualité au personnage.
The Ram n'est pas un personnage réel. Il appartient au monde du catch. Le personnage qu'il joue est pourtant devenu la véritable identité de l'homme que l'on observe. Comme certains catcheurs qui ont changé leur identité pour porter leur nom de scène (les exemples les plus connus étant Hulk Hogan, Ultimate Warrior - si, si ! - et Steve Austin), notre catcheur demande à être appelé Randy autour de lui. S'entendre appeler Robin semble lui faire mal. A aucun moment on n'a l'impression qu'il fuit la réalité. Etre catcheur est sa nature et son personnage le rattrappe même quand la vie réelle s'impose à lui, comme lorsque les enfants lui sautent dessus en riant alors qu'il tente de récupérer ses clés.
Pourtant, lorsque les médecins le lui imposent, Randy essaie de revenir à une vie normale. Il en souffre, mais il se résigne ; il tente vainement de s'intégrer dans ce monde qui n'est pas le sien, où il est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, incongru et maladroit. Les règles, la pudeur, la morale, la loi sont des notions abstraites avec lesquelles Randy triche, croyant innocemment qu'il suffit que l'arbitre regarde ailleurs pour que ça passe.
Cassidy se débat pareillement entre une identité fantasmée, irréelle bien que lucrative, et son identité officielle. C'est sans doute pour ça qu'elle s'est attachée à lui, elle le comprend, et il le sent. Mais contrairement à Randy, la réalité ne lui pèse pas et elle appartient bien à notre monde. Elle ne lutte pas contre une vie qui l'enchaîne loin de son personnage porteur de rêves pour des spectateurs qui font semblant d'y croire, elle est bien trop ancrée dans le quotidien pour s'évader.
La différence entre eux, l'ancre qui sauve Cassidy et à laquelle Randy tente de s'accrocher, c'est leurs enfants. Cassidy a un fils qu'elle aime et qui l'aime : elle est mère avant d'être strip-teaseuse ; son fils la sauve. Randy, le coeur fragilisé, tente sous son impulsion de se rapprocher de Stephanie, la fille qu'il a abandonnée.
Ce lien reconstruit dans la douleur lui permet de reprendre un semblant de vie, de trouver un job dans lequel il est toujours incongru, mais qu'il assume. Il reprend lentement pied, reprend contact avec le monde du catch où il n'est plus que spectateur. Il passe dans les coulisses, fier retraité, prodiguant conseils en encouragements. Le bonheur n'est pas loin.
Hélas, la relative célébrité et les maigres avantages qui l'accompagnent le rattrapent et le lien se brise brusquement. Robin disparait alors, dévoré par Randy. Il sombre, le sourire aux lèvres, se laisse aller à sa vraie nature, retourne à sa vraie famille. Son foyer, c'est le ring. Il est normal qu'il y vive, il est normal qu'il y meure. Innocent et glorieux, il largue les amarre et fait joyeusement le grand saut. Ce n'est pas un suicide, ce n'est pas une fuite. Il rentre juste chez lui, là où est sa place : dans nos souvenirs, dans nos rêves.
Imaginez une mélodie qui vous touche, qui vous émeut, qui vous rappelle de merveilleux souvenirs et qui a été reprise de nombreuses fois sans jamais vous satisfaire. La plupart des interprètes que vous avez entendus auparavant tentaient de la rendre plus séduisante en la déformant quelque peu, et vous l'avez entendue en l'état à la télévision et à la radio, bancale et fausse. Et puis un jour arrive un homme qui la joue parfaitement, respectueusement.
The Wrestler est comme une mélodie enfin jouée juste. Ce film montre la réalité du catch, sa beauté comme les mauvais côté cachés en coulisses, sans complaisance, sans voyeurisme, sans apitoiement.
Nous sommes allés le voir dans un petit cinéma d'art et d'essai, pour le voir en VO. Nous nous sommes retrouvés dans une toute petite salle qui paraissait quand même grande, vu qu'il n'y avait qu'une dizaine de personnes. La salle, bien que peu remplie, a très bien réagi au film. Je ne sais pas s'il y avait beaucoup de fans de catch ce jour-là, mais tout le monde a vibré de la même manière devant l'histoire de Randy "The Ram" Robinson.
Randy "The Ram" Robinson est une star du catch des années 80. Il catche toujours, pour gagner péniblement de quoi payer son loyer, mais surtout par passion. Il vit seul ; il ne voit plus sa fille unique et cultive une amitié teintée de désir et de tendresse pour une strip-teaseuse, Cassidy, travaillant pour un club auquel il se rend souvent.
Et puis un jour, tout se brise, une crise cardiaque le rend incapable de catcher. Il lui faut se reconstruire une vie, sans le ring, sans les paillettes, loin du monde auquel il appartient et auquel il était prêt à tout donner.
Le film est tourné caméra à l'épaule ; ceci donne une impression de perpétuel mouvement, de dynamisme mais aussi d'instabilité. La vie de Randy est fragile, incertaine, mais l'homme est énergique et enthousiaste. Cette manière de filmer donne aussi au film une dimension réaliste, comme dans un documentaire : le regard de la caméra est neutre, sans idée préconçue, objectif (sans vouloir faire de jeu de mot, loin de moi cette idée) ; on ne s'identifie pas à Randy, on ne s'attache pas à lui, il est trop étrange. C'est un film très froid, et le choix des couleurs, comme de la saison au cours de laquelle l'action se déroule, renforcent cette impression. Le réalisateur nous montre un personnage crûment, sans jugement, sans l'embellir, sans l'enlaidir. On ne l'aime pas, on ne le déteste pas, il est juste là, étrange, incongru, beau quelquefois, affreux par moments, mais jamais pitoyable.
L'impression de réalisme est encore renforcée par le fait que le film a été tourné au milieu de shows donnés par des fédérations réelles dont les logos étaient bien visibles (la CZW et la ROH) avec de vrais catcheurs (le plus connu étant Ron "R-Truth" Killings).
Randy est souvent filmé de dos. Ne pas montrer son visage permet d'insister sur son humanité. C'est une histoire qui touche tout le monde, tous ceux qui ont une passion pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier. Le visage de Rourke, qui est si abîmé, donne tout de suite une individualité au personnage.
The Ram n'est pas un personnage réel. Il appartient au monde du catch. Le personnage qu'il joue est pourtant devenu la véritable identité de l'homme que l'on observe. Comme certains catcheurs qui ont changé leur identité pour porter leur nom de scène (les exemples les plus connus étant Hulk Hogan, Ultimate Warrior - si, si ! - et Steve Austin), notre catcheur demande à être appelé Randy autour de lui. S'entendre appeler Robin semble lui faire mal. A aucun moment on n'a l'impression qu'il fuit la réalité. Etre catcheur est sa nature et son personnage le rattrappe même quand la vie réelle s'impose à lui, comme lorsque les enfants lui sautent dessus en riant alors qu'il tente de récupérer ses clés.
Pourtant, lorsque les médecins le lui imposent, Randy essaie de revenir à une vie normale. Il en souffre, mais il se résigne ; il tente vainement de s'intégrer dans ce monde qui n'est pas le sien, où il est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, incongru et maladroit. Les règles, la pudeur, la morale, la loi sont des notions abstraites avec lesquelles Randy triche, croyant innocemment qu'il suffit que l'arbitre regarde ailleurs pour que ça passe.
Cassidy se débat pareillement entre une identité fantasmée, irréelle bien que lucrative, et son identité officielle. C'est sans doute pour ça qu'elle s'est attachée à lui, elle le comprend, et il le sent. Mais contrairement à Randy, la réalité ne lui pèse pas et elle appartient bien à notre monde. Elle ne lutte pas contre une vie qui l'enchaîne loin de son personnage porteur de rêves pour des spectateurs qui font semblant d'y croire, elle est bien trop ancrée dans le quotidien pour s'évader.
Attention, ce qui suit dévoile la fin du film...
La différence entre eux, l'ancre qui sauve Cassidy et à laquelle Randy tente de s'accrocher, c'est leurs enfants. Cassidy a un fils qu'elle aime et qui l'aime : elle est mère avant d'être strip-teaseuse ; son fils la sauve. Randy, le coeur fragilisé, tente sous son impulsion de se rapprocher de Stephanie, la fille qu'il a abandonnée.
Ce lien reconstruit dans la douleur lui permet de reprendre un semblant de vie, de trouver un job dans lequel il est toujours incongru, mais qu'il assume. Il reprend lentement pied, reprend contact avec le monde du catch où il n'est plus que spectateur. Il passe dans les coulisses, fier retraité, prodiguant conseils en encouragements. Le bonheur n'est pas loin.
Hélas, la relative célébrité et les maigres avantages qui l'accompagnent le rattrapent et le lien se brise brusquement. Robin disparait alors, dévoré par Randy. Il sombre, le sourire aux lèvres, se laisse aller à sa vraie nature, retourne à sa vraie famille. Son foyer, c'est le ring. Il est normal qu'il y vive, il est normal qu'il y meure. Innocent et glorieux, il largue les amarre et fait joyeusement le grand saut. Ce n'est pas un suicide, ce n'est pas une fuite. Il rentre juste chez lui, là où est sa place : dans nos souvenirs, dans nos rêves.
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