dimanche 3 avril 2011

Les nouvelles salopes


Hier, en une de Libé on pouvait lire "Le retour des 343 salopes".
Ce titre tapageur annonçait en fait un nouveau manifeste, rédigé à l'initiative de l'association Osez le Féminisme !, signé par 343 femmes et réclamant "l'égalité maintenant".
On en parle chez Sandrine Goldschmidt, sur push(s), sur les Nouvelles News... Si elles reconnaissent que le contenu du manifeste est incontestablement pertinent, Sandrine Goldschmidt et Isabelle Germain émettent des réserves quant cette action. Et je partage totalement ces réserves.

Le manifeste rappelle l'état des lieux accablant de l'égalité hommes-femmes en France : "Nous touchons des salaires ou des retraites largement inférieurs à ceux des hommes. Nous assumons l’immense majorité des tâches ménagères. Nous sommes continuellement renvoyées à la sphère privée : notre corps, notre apparence, notre fonction éventuelle de mère. Beaucoup d'entre nous, parce qu'elles vivent en milieu rural, dans des quartiers défavorisés ou parce que les hôpitaux ferment, n'ont toujours pas accès à la contraception ou à l'avortement, libres et gratuits. Les portes des responsabilités politiques, économiques ou culturelles nous sont pour la plupart fermées. 75 000 d’entre nous sont violées chaque année en France et une d’entre nous meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon." C'est toujours bon de le rappeler, même si je pense qu'utiliser les termes "largement inférieurs", "immense majorité", "beaucoup", et "pour la plupart" à la place de chiffres factuels n'est pas convainquant : pour déboulonner les idées reçues, seule une logique irréprochable basée sur des faits établis de manière incontestable peut être efficace. Quant aux chiffres qui sont cités, ils le sont sans source... Comment répondre à ceux qui prétendraient qu'ils sont inventés ou que les études ont été réalisées de manière contestable ? Je suis certaine que les masculinistes ne vont pas se gêner pour tacler les féministes là-dessus.
Il expose ensuite les revendications des signataires : "Nous voulons atteindre l'égalité femmes - hommes dans les têtes et dans les faits. Nous exigeons aujourd’hui que nos droits fondamentaux deviennent réalité. Des mesures doivent être prises rapidement pour garantir l’égalité dans l’emploi, en faisant reculer la précarité du travail des femmes et en imposant l’égalité salariale. Il est temps de prévoir une éducation dès le plus jeune âge pour comprendre et remettre en cause les mécanismes de domination. Nous demandons que chaque femme puisse accéder à une contraception libre et gratuite, puisse avorter dans de bonnes conditions, être mère si elle en fait le choix. Il faut en finir avec les violences sexistes qui pèsent sur chacune d’entre nous." D'accord avec tout ça. Mais concrètement, comment on fait ? Pourtant, les idées et les projets concrets, c'est pas ça qui manque...

Mais ce qui me dérange le plus, c'est l'utilisation du manifeste des 343 (précisons que le terme "salopes", bien qu'assumé par OLF, semble être l'initiative de Libé). De la même manière que j'ai reproché à Ni Putes Ni Soumises de ne pas s'inscrire dans l'histoire du féminisme, je reproche à OLF de trop s'en servir.
Le contexte n'est absolument pas le même qu'en 1971. A l'époque, il fallait lutter contre une loi injuste. On avait besoin d'une transgression violente pour faire réaliser au grand public comme aux autorités et au législateur que les choses devaient bouger. Il fallait lutter contre le pouvoir autant que contre les stéréotypes.
Aujourd'hui la loi est plutôt de notre côté. Elle est perfectible et elle doit être perfectionnée (ne serait-ce qu'en ce qui concerne la prostitution), mais nous avons des droits. L'objet de la lutte de 2011 est de détruire les stéréotypes, pour que les lois soient appliquées : pour que les femmes victimes cessent d'être culpabilisées et puissent porter plainte, pour que les magistrats les entendent, pour que les agresseurs réalisent la gravité de leurs actes, pour que les blagueurs comprennent et assument les conséquences de leurs vannes sexistes. Contre des croyances, la violence verbale et la transgression sont, à mon avis, contre-productifs ; la cible de ce discours a plus de chances de se braquer et de se fermer au message porté. Nous devons lutter contre la persuasion par la conviction, et c'est la pédagogie qui sera la plus efficace. J'admets que c'est frustrant : il n'est pas normal qu'il incombe toujours aux victimes de devoir faire des efforts pour convaincre, au lieu de pouvoir imposer à ceux qui profitent ou reproduisent bêtement le système sexiste de prendre leurs responsabilités, mais l'opinion publique n'est pas encore assez mûre pour qu'une action choc puisse déclencher une évolution spontanée.

Bon, c'est facile de râler contre les actions effectuées quand on reste les fesses bien calées dans son fauteuil avec son pécé sur les genoux. Il vaut mieux une action imparfaite que l'inaction ! Donc, finalement, je me réjouis que cette action aie été menée et j'attends avec impatience la suivante (surtout qu'elle va toucher un sujet qui m'est cher, a priori...).

1 commentaire:

  1. Un autre groupe de femmes se réclame des 343, sur la question de l'IVG, et propose une pétition intitulée "Je vais bien, merci":

    http://jevaisbienmerci.net/index.php

    Leur texte a déjà réuni 1500 signatures.

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