mercredi 17 août 2011

Voyage au Vietnam - 5. Expériences gustatives


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Nous sommes arrivés à Hanoi dimanche 7 août en milieu d'après-midi. Mon Hobbit a été ravi de retrouver Viet à l'aéroport. Nous aussi d'ailleurs.
Viet nous avait réservé deux surprises. Mamie lui avait téléphoné pour lui demander d'organiser un repas au cours duquel nous mangerions du serpent : mon mari et Tonton avaient parlé plusieurs fois d'en manger à l'occasion. Le repas avait été prévu pour le soir même. La seconde surprise concernait notre dernier jour à Hanoi : Viet nous a proposé de venir chez lui, d'y manger un tiet canh (plat que je ne connaissais pas mais dont j'avais beaucoup entendu parler) et de là, d'aller visiter la baie d'Halong terrestre qui était tout près. Ca ne se refuse pas !

Nous avons donc retrouvé Mamie, expédié nos derniers achats ce dimanche après-midi avant de partir pour un restaurant dans un village de la périphérie de Hanoi.
J'ai une furieuse phobie des serpents. En manger, d'accord, à condition que ça ne ressemble pas trop à ce que c'est, et qu'on ne me le montre pas avant. Heureusement pour moi, je n'étais pas la seule du groupe, une des petites partageant mon effroi.
Le restaurant est magnifiquement décoré, avec à l'entrée un salon de meubles traditionnels en bois massif sculpté et incrusté de nacre. Pour accéder à la salle à manger, on traverse une boutique proposant des bouteilles d'alcool où flottent des serpents (ma cousine et moi nous sommes serrées l'une contre l'autre pour passer sans regarder). Dans le couloir suivant s'alignent de grosses jarres fermées par de la toile (ne pas penser à ce qu'il peut y avoir dedans...). Nous sommes arrivés sur une terrasse où se trouvait déjà un groupe de Vietnamiens qui nous ont regardés d'un air moqueur (ah ! les touristes ! ils font flipper leur race !). Nous nous sommes attablés en rigolant gentiment de ma frousse.
J'ai appris qu'effectivement, on nous montrerait la bête vivante, et le groupe m'a proposé d'aller me planquer aux toilettes en attendant qu'elle soit tuée. J'ai refusé, pas par bravoure, mais parce que j'ai retenu du visionnage de Scream que s'enfermer, c'est pas bien malin quand on est en danger mortel : je voulais pouvoir saisir mon fils et m'enfuir.
Les serveurs sont arrivés avec deux sacs, l'un contenant le serpent que nous allions manger (un long et fin serpent noir qui ne m'a pas paru suffisant pour nourrir 11 personnes) et un cobra, histoire de nous faire flipper. Ils les ont posés sur le sol en les tenant pas la queue ; les bêtes ondulaient avec grâce sur le sol, tête dressée, et nous les regardions (enfin, les enfants et moi, on regardait de loin) avec une fascination glacée. Le cobra était particulièrement agressif : le serveur qui le tenait a failli se faire mordre. Il s'est amusé à le lâcher pour le reprendre, faisant crier une serveuse qui passait (là, les gosses et moi, on est montés sur les chaises, on ne sait jamais). Le manège a duré longtemps, et j'ai fini par penser à ma mère qui m'avait appris qu'on ne joue pas avec la nourriture. Franchement, ça commençait à être cruel.
Cruel, l'exhibition des serpents ? Ce n'était rien en comparaison de la suite. Ils ont rangé le cobra (trop cher pour nous !) et ont saisi le serpent noir pour le préparer. Amis des animaux, abstenez-vous de lire ce paragraphe, reprenez au prochain saut de ligne. Ils ont d'abord pratiqué une incision sur le serpent et ont laissé couler son sang dans un bouteille d'alcool. (ci-contre, un verre de sang de serpent mélangé à de l'alcool) Une seconde incision a permis de lui arracher un organe (me demandez pas lequel) et de récolter de la bile dans une seconde bouteille d'alcool (ci-dessous, le liquide verdâtre). Là, mon Hobbit m'a demandé pourquoi le serpent bougeait encore, et je lui ai joué du pipeau : "c'est une sorte de réflexe, mon chéri, bien sûr qu'ils l'ont tué avant !". Le coup de grâce n'a cependant été donné qu'après, lorsqu'ils lui ont arraché le coeur et l'ont glissé, encore palpitant (si, si !) dans un verre qu'ils ont rempli d'alcool.
Je ne sais pas ce que boire cet alcool en gobant le coeur du serpent est censé apporter, mais ils nous l'ont proposé. Et c'est tombé sur Sam. Il l'a bravement avalé malgré les supplication du Hobbit qui croyait que le breuvage allait le transformer en serpent. La bête, enfin morte, a finalement été emmenée en cuisine. J'avoue que ce n'était pas la peur mais la pitié pour l'animal qui me serrait la gorge. J'ai beau haïr les serpents, je n'ai pas pris de plaisir à contempler la torture d'un représentant de l'espèce.

Nous avons repris place à table pendant qu'on nous servait l'alcool mélangé au sang et à la bile de serpent. Ne me demandez pas le goût que ça avait, je suis restée au Coca, prétendant que je ne supporterais pas de boire par cette chaleur (personne n'a été dupe). On nous avait amené des concombre pour l'apéritif, mais les assiettes avaient été vidées en douce par le Hobbit pendant que les adultes étaient occupés à contempler le serpent. La suite du repas a été arrosée par les bouteilles alcool contenant un serpent provenant de la boutique (photo ci-contre).
Le génie de la cuisine vietnamienne, c'est de pouvoir proposer 5 plats pour 11 personnes à partir d'un serpent de taille respectable mais pas énorme quand même. On a commencé par une soupe délicieuse où flottaient des morceaux de serpent. La chair est d'une saveur délicate, mais je n'ai pas pu manger la peau, trop caoutchouteuse. Du serpent réduit en poudre et grillé a suivi : on le mange sur des espèces de crackers de riz, c'est succulent. Nous avons eu ensuite du serpent sauté à la citronnelle, du serpent haché grillé dans des feuilles aromatiques, et une soupe de serpent aux herbes médicinales. C'était très bon, quoique les morceaux de serpent soient restés un peu coincés dans ma gorge à la pensée de ce qu'on avait fait subir à la bête.
Certains ont acheté une bouteille en repartant. J'ai catégoriquement refusé d'en ramener une : pas de serpent chez moi, même mort !

Nous avons retrouvé sans enthousiasme notre hôtel tout pourri de Hanoi. Nous y avons passé une bonne demi-douzaine de nuits, et ce soir-là, pour la première fois, j'ai pu y prendre une douche chaude. La climatisation fonctionnait convenablement, mais nous avons bien sûr eu droit à quatre coupures de courant pendant la nuit, histoire de réchauffer l'ambiance.

Au matin, nous avons été accueillis par Viet accompagné de sa femme (guide et parfaitement francophone, comme son époux) et de son fils qui a le même âge que mon Hobbit. Nous sommes partis tous ensemble en minibus pour rejoindre la maison familiale de Viet, où vivent encore ses parents et son frère. Les routes du Vietnam ne sont généralement pas dans un état formidable, mais celle que nous avons empruntée était particulièrement cabossée, signe que nous avions quitté les grands axes touristiques pour rejoindre une zone plus authentique.
La maison de famille de Viet est une bâtisse de bois vieille de 200 ans, ornée de poutres superbes. Comme chez mon grand-oncle, la cuisine et les sanitaires sont situés dans une annexe. La maison bénéficie en outre d'un jardin où poussent des jacquiers, d'un poulailler et d'une mare poissonneuse.
Nous avons été reçus comme des rois par cette famille chaleureuse. Ils nous ont emmenés pêcher dans la mare. L'attente a été longue, sous le soleil, jusqu'à ce que mon mari pêche un poisson de... 5 cm. L'aînée des petites a pris la suite pour attrapper immédiatement un gros poisson, nananère. Pendant ce temps, les femmes de la famille cuisinaient de nombreux plats et les petits tentaient de jouer en dépassant la barrière de la langue.
Viet nous avait promis un tiet canh, c'est-à-dire un canard au sang. Le sang, ça ne me fait pas peur, j'adore le boudin. Nous sommes allés suivre la préparation du plat, et j'ai un peu déchanté : le canard est cuit, et servi dans le sang du canard assaisonné et... cru ! Là, je me suis demandé si j'allais pouvoir y goûter.
Nous sommes passés à table. Le tiet canh nous a été servi dans des bols et nous y avons ajouté, à notre convenance, des cacahuètes et du citron. Le sang fraîchement coagulé avait l'aspect d'une gelée ; j'y ai ajouté beaucoup de citron pour couvrir l'odeur du sang, trop selon Mamie qui a porté avec gourmandise une énorme cuillère de tiet canh à sa bouche. Honnêtement, les enfants, Sam et moi n'avons pas pu manger nos bols. C'est dommage, ils avaient préparé trois canards pour nous tous, mais quand on ne peut pas...
On nous a servi également du poisson grillé, de la salade de méduse (c'est exquis !), des buns et un plat de viande et boudin qu'on nous a présenté comme étant du porc. Ce dernier plat avait une apparence étrange, j'ai songé qu'il devait s'agir d'abats ; on nous a indiqué de tremper la viande dans une sauce de mam tom (chose que ma Mamie m'a appris à utiliser dans ma cuisine et que j'adore). La viande était fade, mais pas mauvaise, et le mélange avec le mam tom donne un heureux résultat ; j'ai surtout aimé le boudin. J'aurais dû me douter que ce n'était pas du porc : il a fallu un lapsus de Mamie pour que je comprenne que je mangeais de la viande de chien. Viet nous avait piégés, surtout Sam qui refusait d'y toucher (ça ne posait aucun problème au reste du groupe). Il a tout de même goûté, mais n'a pu apprécier le plat sachant ce que c'était. Il en aura goûté, des trucs pas très catholiques !
Le repas s'est terminer par une dégustation de jacques du jardin. Les enfants ont plus apprécié le fruit que les adultes.

Edit : Il y a peut-être des choses zarbi dans la cuisine vietnamienne, mais il faut que je souligne que les repas que nous avons pris n'étaient par très gras et étaient équilibrés. Ajoutez à ça qu'on a pas mal bougé et qu'on n'a pas pris de cochonneries entre les repas vu qu'on était bien nourris. J'ai perdu mes derniers kilos de grossesse ! Le Vietnam, mieux qu'un régime Dukon !
 

Après avoir remercié chaleureusement la famille pour sa généreuse hospitalité, nous sommes partis pour la baie d'Halong terrestre.
Cet ensemble rocheux prend des formes proches de celles de la baie d'Halong, mais les pics de calcaire sont situés sur terre, d'où le nom de la formation. Une rivière traverse le site, et nous nous sommes embarqués sur trois barques, en laissant Mamie aux bons soins de Viet dans le minibus climatisé.
Notre barque était mue par un couple de rameurs, une dame qui parlait quelques mots de français, et un homme qui ramait avec ses pieds à l'arrière. Ramer avec les pieds est une technique que je n'avais jamais vue auparavant mais qui est très répandue sur cette rivière.
Les paysages de la baie d'Halong terrestre sont enchanteurs. La rivière couverte de lotus sert de support à des élevages de canards immaculés (oh ! du tiet canh ! s'est écrié mon mari qui, lui, avait fini son bol) qui fuyaient notre barque en cancanant, pour la plus grande joie de mon Hobbit. Quelques gouttes de pluie ridaient la surface de l'eau, attiédissant l'atmosphère jusque-là étouffante. Nous nous avancions entre les roches immenses comme dans un labyrinthe grandiose.
Au bout de quelques minutes, nous avons cru atteindre un cul-de-sac. La rivière s'engageait dans une grotte basse et obscure dans laquelle nous nous sommes engagés, incrédules. Nous avons tenté de conserver un air dégagé pour ne pas effrayer le Hobbit, mais nous n'en menions pas large. L'obscurité était totale, et je me répétais que les rameurs y passaient par dizaines tous les jours et que tout allait bien. Enfin, l'autre extrémité de la grotte est apparue après un virage ; l'apparition des rochers couronnés de nuages gris et bas à l'issue du tunnel obscur était époustouflante.
Alors que nous continuions notre avancée entre les rochers, passant sous des grottes avec une confiance croissante, la pluie s'est intensifiée. Les rameurs ont sorti des parapluies qui se sont vite révélés insuffisants à nous protéger de la pluie battante qui ruisselait le long des baleines et du manche et qui, tombant sur la rivière, éclaboussait nos jambes. La rameuse a même dû écoper à mi-parcours. Sur les autres bateaux, des ponchos à l'imperméabilité fragile ont été fournis au reste du groupe. Des passants ont donné des feuilles de lotus aux enfants pour compléter leur abri. Nous avons croisé des marchands de fruits qui s'abritaient sous les grottes.
Nous avons fait demi-tour. J'ai tenté de profiter malgré tout des paysages, tout en protégeant le plus possible mon petit bonhomme qui râlait sous la pluie. Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout : le minibus nous attendait sur un chemin longeant la rivière et les barques ont accosté tant bien que mal sur la berge boueuse. Nous nous sommes mis à l'abri, avons débarrassé les enfants de leurs vêtements trempés malgré nos soins et avons effectué le dernier geste que je m'attendais à faire dans ce bus : nous avons coupé la climatisation ! Nous sommes repartis pour Hanoi en riant.
Et bien sûr, a peine avions-nous démarré que la pluie s'arrêtait.

De retour à Hanoi, nous nous sommes séchés et nous avons commencé nos bagages. Nous avons pris notre dernier repas de pho et des bahn cuon dans le hall de l'hôtel de Mamie, sous le regard attentif de la louve. Et puis nous nous sommes dit au revoir : Mamie, Tonton, Tata et leurs filles sont restées une semaine de plus à Hanoi, pendant que nous rentrions, Sam, mes hommes et moi, à Paris.
Le retour s'est bien passé. Nous sommes repassés par Moscou et nos bagages ont bien suivi malgré le peu de temps dont nous disposions d'un avion à l'autre (la faute à un retard pris lors des enregistrements poussifs à l'aéroport d'Hanoi).
J'ai retrouvé mon Lutin dès le lendemain de notre retour. Tata m'avait prévenue qu'il me ferait sans doute la tête, et je me suis dit que, mon bébé ayant un excellent caractère, il ne bouderait peut-être pas. J'avais raison. Il a mis une heure ou deux à se réhabituer à moi, je lui ai laissé le temps, et depuis il me fait des sourires, des câlins et des bisous comme si je n'était jamais partie. Le reste du groupe est retourné voir la baie d'Halong, mais je ne regrette pas d'être rentrée, j'ai mon bébé dans les bras, et mon Hobbit a gardé plein de bons souvenirs.


Nous avons fait un beau voyage et nous sommes rentrés, pleins d'usage et de raison, vivre avec nos enfants le reste de l'année.



2 commentaires:

  1. Ce voyage avait l'air magnifique, mais vraiment pas de tout repos. Le fait de retrouver une partie de ses racines doit être fascinant et émouvant, surtout quand ça se passe, comme pour toi, en famille!
    Dommage que ce séjour ait été entâché par tes soucis de santé et la perte de doudou.
    (Le coup du cobra, je crois que j'aurais fait une crise de nerfs, j'ai la phobie des serpents! )

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  2. C'était émouvant de voir ma Mamie dans son élément et de voir dans leur contexte les éléments culturels qu'elle nous avait transmis. A part ça, je me suis vraiment sentie française : la culture ne se transmet pas aussi bien que les gènes !
    Partir en voyage en famille, c'est bien, parce qu'on est avec des gens qu'on aime et qu'on est sûrs de ne pas hériter d'un touriste beauf dans le groupe. Faut quand même faire gaffe à l'organisation : j'ai pas mis mon grain de sel, pensant que ce qui leur plairait me plairait aussi, et je l'ai parfois regretté... Ce sera pour la prochaine fois, dans 5-6 ans, avec le Lutin !
    Mon Hobbit pleure encore son doudou de temps en temps. Ca me serre le coeur à chaque fois. Mais il s'en sort très bien !
    Il faut que j'avoue un truc : je n'ai pas vu quand le cobra a été lâché. J'étais derrière tout le monde, j'ai entendu crier et je n'ai su qu'après pourquoi !

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