mercredi 30 juin 2010

Le silence des poupées

Ca y est, c'est fait, le Parlement a adopté la loi de lutte contre les violences conjugales. Une bien bonne chose de faite !
Ces messieurs les députés ne se sont pas déplacés en masse pour voter, mais bon, on a l'habitude. Ce sont les quelques femmes de l'assemblée qui sont venues, et les termes "violence de genre" ont eu le mérite d'être prononcés, à défaut d'être intégrés dans la loi. Ceci dit, même si les hommes victimes de violences conjugales sont minoritaires, il ne faut pas les oublier juridiquement, ne serait-ce qu'en vertu du principe d'égalité ; il y a bien d'autres moyen d'ancrer dans la loi le bannissement de la violence de genre (par exemple comme circonstance aggravante ? - enfin, moi et le juridique, ça fait 2...).
Ce grand combat ayant enfin porté ses fruits, je vois venir les commentaires acerbes des masculinistes triomphants du type "vous, les femmes, vous avez tous les droits, arrêtez de vous plaindre". Pardonnez mon cynisme, mais il me parait logique (j'ai pô dit que c'était normal ou justifiable ;-) ) qu'un homme manquant un peu de confiance en lui s'accroche à son idée de sa supériorité et aux privilèges que la société lui octroie généreusement. Ce qui me hérisse monstrueusement, par contre, c'est la complicité enthousiaste et bêlante de certaines femmes. J'ai de plus en plus la sensation que le combat féministe ne devrait plus viser en premier lieu à imposer des limites aux hommes mais surtout à botter les fesses des femmes pour qu'elles prennent leur destin en main et arrêtent de se comporter comme des objets fragiles.

Isabelle Alonso (qui a écrit plein de choses bien, si, si, je vous jure !) a pour ce genre de femmes une dénomination que je trouve fort juste : celles qui scient la branche sur laquelle elles sont assises.
Ce sont celles qui jurent qu'elles ne sont pas féministes sans même savoir ce que c'est (et prennent la pilule comme si ça allait de soi), rient bêtement aux blagues macho ("ouais mais elle est bonne, quand même"), ne réagissent pas aux insultes sexistes ("ben quoi ? c'est pas méchant..."), et croient dur comme fer que les violences envers les femmes sont des violences parmi tant d'autres, assez exceptionnelles et perpétrées exclusivement par des déséquilibrés dans des parkings obscur ("mais qu'est-ce qu'elle est allée faire dans ce parking, cette gourde !"). Elles ont bien un petit dégoût pour la prostitution, mais cela leur parait un mal nécessaire pour satisfaire les hommes qui en ont besoin ; en plus c'est censé diminuer le nombre de viols (t'as qu'à croire !) et leur procurer la sécurité que les faits divers dont les journaux les gavent leur parait urgente.
Puisqu'il leur parait indispensable d'être belle, ou tout du moins désirables, elles se torturent les pieds et le dos avec des talons aiguille, souffrent du froid en mini-jupe en hiver, perdent un quart d'heure à se peindre la figure le matin et autant pour tout enlever le soir, souffrent stoïquement et fièrement des épilations quasi-intégrales. Elles râlent que leur compagnon ne fait rien à la maison sans se douter qu'il n'a rien à faire, car elles prennent les devants.


Au cours de leur scolarité (oui, elles ont fait des études, puisque Papa a dit qu'il le fallait), elles ont choisi avec enthousiasme une orientation où leurs qualités féminines intrinsèques pouvaient s'exprimer. Une femme dans un métier technique leur parait toujours bizarre et elles aiment bien s'en moquer. Au travail, elles adoptent un comportement tout maternel avec leurs collaborateurs. Elles sont gentilles, jamais vulgaires et savent rougir avec charme des blagues salaces qu'on peut faire devant eux. Elles ne demandent pas d'augmentations trop élevées, ne postulent pas à des postes prestigieux, évitent soigneusement de se cogner au plafond de verre en visant toujours en-dessous de leurs possibilités. Le manque de respect qu'elles subissent ne les choque pas, tous les hommes sont les mêmes, on ne les changera pas, alors pourquoi se plaindre ? D'ailleurs, se plaindre, c'est passer pour une chieuse.
Moins solides physiquement (le sport, c'est pas féminin, et c'est pas le fitness qui va leur apprendre à coller une bonne torgnole), elles se placent sous la protection des hommes. Et tant qu'à faire, elles se font tenir la porte et porter les paquets. Elle seraient choquées de payer l'addition au restau et écartent volontiers les jambes après le dessert, envie ou pas. Leurs compagnons gèrent l'argent du ménage, les assurances, la paperasserie, et il ne leur viendrait pas à l'idée de remplir la déclaration d'impôts. Monsieur les dispense de prendre des décisions délicates (il donne son avis et elle acquiesce, ça s'appelle "en discuter"), et leur donne une plaisante sensation de sécurité financière et physique. Ca vaut bien une petite pipe de temps en temps.
Elles élèvent leurs enfants en les préparant à leur manière à leur vie future. Les garçons ont des voitures et des épées, les filles des dînettes et des poupées. Il parait qu'habiller sa Barbie est excellent pour le développement de la motricité ! Et qu'il est flatteur de voir sa petite fille imiter Maman ! On vend même des petits sacs à main avec tous les accessoires. "Elle tient son sac à main comme une dame, comme quoi c'est inné" ai-je entendu un jour.


Certaines ont réussi à intégrer les chiffres des violences conjugales, des inégalités salariales, de la disparité de temps consacré aux tâches ménagères, mais ne voient vraiment pas le rapport avec leur quotidien de poupée. De toute manière, elles préfèrent se taire qu'en parler, pas question de passer pour une féministe mal baisée ! Se rendre compte qu'un autre monde est possible, qu'il n'est pas normal de se faire insulter au travail par des machos qui croient être drôles, que tous les hommes ne sont pas des porcs, ça voudrait dire qu'elles doivent remettre en cause tout leur monde, abandonner leurs amis, quitter leur mec et la sécurité qu'il leur procure. Qui plus est, la contestation risque de les mettre au ban de la société, de les priver de l'amour et de l'admiration qu'elles crèvent d'envie de susciter, elles qui n'existent pas pour elles-mêmes mais pour les regards qu'on leur accorde. Etre une chieuse est plus douloureux qu'être stupide et jamais elles n'imagineraient que la protection paternelle qu'elles font tout pour susciter est la source du danger qu'elles courent.

Si vous ou unes de vos copines rentrez dans la majorité de ces critères, pas de doute, vous êtes des scieuses, et il est temps de lire Simone de Beauvoir ou même Christine Ockrent. Sinon jetez un œil sur les pages associations qui font du bruit en ce moment, Osez le féminisme, Encore féministes !, la Marche Mondiale des Femmes, et bien sûr la Barbe (dont j'ai déjà parlé sur ce blog), histoire de voir leurs arguments.
Sinon, ben, lisez tout ça quand même, ça fait du bien. ;-)


4 commentaires:

  1. Excellent ! Bravo et merci !

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  2. ben c'est pas si maladroit que ce que vous en dites dans votre dernier poste sur la porte en fer...
    moi je trouve ça très perspicace cette observation des "poupées" qui sont complices reproductrices du système machiste.
    on pourrait rajouté à cette description leur participation à l'exclusion / sélection des hommes qui ne sont pas conforme au modèle de ceux avec qui elles s'associent en toute occasion : elles sont souvent plus méchantes encore que leurs hommes à l'égard du gars qui n'est pas "un homme"... genre à pas aller au restaurant parce qu'il n'a pas du tout envie de payer l'addition, et qui leur propose en revanche d'aller faire un pic nic dans un square ou simplement de bavarder n'importe où, qui va pas répondre quand elle font mine d'écarter les jambes, qui va pas en boite de nuit parce que y'a trop de bruit, qui bois pas d'alcool, qui regarde pas la télé et encore moins du foot, etc... etc... bref le sagouin moyen hein qui s'aperçoit qu'en plus... ce sont souvent des cageots ou des boudins mimétiques de personnages entièrement artificiels sur papier glacé... et le pire, c'est quand elles s'aperçoivent que le genre gars pas comme il faut a quand même des amies toutes caractérisées par un engagement intellectuel très actif et orienté idéologiquement de façon non conforme...
    leur réponse c'est que comme par hasard le mec est aussi un mal baisé et que ça c'est essentiel : dans ce monde, avant toute chose, faut être bien baisé.

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  3. en plus, y'a le symétrique des poupées en poupés : qui sont tout aussi des cageots et des boudins mimétique de personnages médiatisés.
    je sais pas si vous avez observé les modèles de corps masculins qui s'associent avec ce genre de femme. moi je les trouve encore plus écoeurant, de laisser-aller ou au contraire de stéréotypie artificielle, bedaine dès la trentaine au au contraire musculature fabriquées en salle, coupe de cheveux dépersonnalisée parce que purement soumises aux caprices de la mode grand public, vêtements coupés de sorte que le corps ne parle jamais et soit strictement réduit à sa fonction de support au modèle institutionnel donc l'individu est une incarnation robotisé
    etc...
    y'a exactement la même chose en terme de processus et d'habitus chez les hommes que chez les femmes, voir en pire puisque personne ne remet jamais en cause les stéréotypies masculines obligatoires auxquelles les hommes se soumettent en masse proportionnellement plus grande que les femmes... ce qui les rend encore plus insipides, inintéressants ET insupportables.

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  4. @ Paul : je n'aime ni le titre, ni le dernier paragraphe de ce texte. Le milieu me satisfait assez. Le ton est un peu trop virulent à mon goût, mais je me rappelle bien dans quel état d'exaspération je l'ai écrit.

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