mardi 18 janvier 2011

L'Echange

Il y a des films qu'il faut éviter de voir quand on est une maman poule. L'Echange en fait partie. J'en ai fait l'expérience hier soir, avant une longue nuit d'insomnie.
Ca faisait longtemps que j'avais envie de le voir, l'idée de départ m'intéressait beaucoup : comment peut-on ramener à une femme un enfant qui n'est pas le sien, comment réagira-t-elle, comment peut-elle s'en sortir ? Finalement, quand on visionne le film, toutes ces questions sont secondaires et s'inscrivent dans des perspectives beaucoup plus vastes. A condition d'avoir les yeux en face des trous.
Je ne m'étendrai pas sur la mise en scène (je n'y connais rien), ni sur la performance d'actrice d'Angelina Jolie (je ne suis pas objective avec les sex-symbols siliconés). C'est le scénario qui m'a scotchée. J'ai lu un critique dire que l'histoire était trop grosse pour passer. Pourtant le scénario est basé sur un fait réel et le scénariste a utilisé de nombreuses archives d'époque.
Ne vous laissez pas convaincre par les médias qui essaieront de vous vendre un film présentant "une fâââme forte" ou "le combat d'une mêêêre". Ces bêlements traduisent la croyance en une essence féminine intrinsèquement faible et en une maternité toute-puissante, deux absolus contradictoires qui ont condamné Christine Collins. Ces perspectives du film sont donc absurdes et vont à rebours de ce qu'il démontre.

C'est donc l'histoire d'une mère célibataire, Christine Collins, qui vit à Los Angeles dans les années 20. Elle occupe un poste de manager dans un central téléphonique, chose qui, à l'époque, ne va pas de soi : son patron se félicite de l'avoir nommée malgré l'opposition générale qui considérait qu'une femme ne pouvait occuper ce poste. Christine Collins a un fils de 9 ans, Walter, qui disparait au début du film. La police attend 48h avant de se lancer à sa recherche, croyant que, dans la plupart des cas, les mômes reviennent tout seul. Quand on pense à ce qui a justifié l'instauration des alertes enlèvement d'aujourd'hui, ça fait froid dans le dos.
Au bout de 5 mois, on ramène à Christine Collins un enfant qu'elle ne reconnait pas. La police lui dit qu'elle est sous le choc, et qu'en 5 mois un enfant change. Le petit prétend s'appeler Walter Collins et connait son adresse. Christine le ramène chez elle, trop bouleversée pour remettre en cause les dires de la police. Mais l'enfant est 5cm plus petit que Walter et, au contraire de ce dernier, il est circoncis. La police fait alors appel à un médecin qui assure que l'enfant, sous le choc de l'enlèvement, a subi un tassement vertébral (de 5cm, bien sûr...) et que son ravisseur a dû le circoncire (je m'attendais sérieusement à ce qu'il lui dise que c'était tombé tout seul tant ce toubib transpire la mauvaise foi). Il finit par reprocher à Christine son rejet de l'enfant et l'accuse de lui infliger des dommages psychiques (on nie votre discernement et on vous culpabilise... classique !).
Christine s'obstine : elle a bien compris que la police voulait pouvoir dire aux médias que l'affaire était résolue, et veut que l'enquête reprenne pour ramener Walter. Le dentiste et l'institutrice de de Walter témoignent que l'enfant n'est pas celui qu'il prétend être. Christine est alors contactée par un prêcheur médiatique qui lui propose de passer à la radio pour exposer son cas. La police tente alors de l'intimider, l'accusant de ne plus vouloir être mère après 5 mois sans enfant, puis, ne pouvant la convaincre, la fait interner. A l'hôpital, Christine rencontre des femmes tout à fait saines d'esprit qui ont été internées car elles gênaient la police. Leur rébellion supposée contre l'autorité est prise par les médecins comme signes de folie et comme prétexte à des traitements relevant plus de la torture que de la médecine.
Je m'arrête là pour ne pas dévoiler les développements les plus surprenants du film. Attention tout de même, il y a des scènes très difficiles !

Parce que l'on croit que les émotions des femmes obèrent leur discernement, médecins et policiers se sont arrogé le droit de chercher à briser Christine Collins, sous prétexte de la protéger d'elle-même, et de protéger les autres de ses méfaits supposés. La critique de Prairie Miller (en anglais) souligne la véracité des événements relatés et rappelle leur contexte.
Les violences ne sont pas seulement exercées par la police envers les femmes : les enfants aussi en sont victimes. Eux non plus ne sont pas compris, ni écoutés, ni respectés ; on leur fait dire ce qui arrange l'autorité, on les rudoie pour les remettre à leur place. La violence imposée au nom de la justice est crûment montrée, cette vision culminant avec une scène d'exécution particulièrement réaliste.

On ne peut que remercier Clint Eastwood d'avoir contribué à faire connaître cette histoire, qui a été exhumée par chance par un employé de mairie chargé de faire un nettoyage de printemps.

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