mardi 3 mai 2011

Sur la pression à allaiter son bébé

Avant la naissance de mon petit lutin, je me suis demandé, comme toutes les futures mamans, si j'allais le nourrir au sein ou au biberon. Vu comme je me prenais la tête à me demander si j'allais réussir à allaiter, vu mon rapport à mon propre corps, vu mon histoire personnelle et familiale, j'ai résolument opté pour le biberon. C'était un choix fait en ayant bien pesé le pour et le contre, et sans influence extérieure autre que celle du papa. Je m'attendais à des pressions, à des critiques, et je me suis blindée en les attendant.

Mon choix étant fait, j'ai lu pas mal de témoignages de mères allaitantes en galère : peu ou pas d'explications, plein d'idées reçues, une pression de l'extérieur jugeant que l'allaitement est un esclavage... On dirait qu'on vous pousse à allaiter tout en faisant tout pour que ça foire, pour mieux vous culpabiliser après. Je crois me connaître plutôt bien, et je sais que tout ça m'aurait désespérée.
Quoi de plus naturel que mettre son enfant au sein ? Pourquoi emmerde-t-on autant les allaitantes ? Est-ce l'aspect naturel de la chose qui répugne ?

A la fin de ma grossesse, j'ai rencontré les sage-femmes de la maternité où j'allais accoucher. L'une d'elles, complétant mon dossier, m'a posé la question fatidique : "alors, il sera nourri au sein ou au biberon, ce bébé ?". J'ai pris ma voix la plus assurée pour répondre, et je me suis préparée à subir un discours moralisateur et/ou culpabilisant. Mais non, rien n'est venu. Pas un mot, pas de moue, pas de regard méprisant, elle est passée à la question suivante, tout naturellement.
Le jour J est (enfin !) arrivé et avec lui le premier biberon. Encore une fois, pas de jugement, pas de critique, pas même d'argumentaire, de la part de l'équipe géniale qui m'a aidée à accoucher. Je me suis donc détendue et j'ai baissé ma garde.
C'est justement à ce moment-là que j'ai eu la seule réaction négative que j'ai dûe affronter. Une sage-femme est venue m'examiner et m'a posé des questions sur l'état de mes seins. Je lui ai dit que j'avais des épanchements de colostrum depuis le début du second trimestre de ma grossesse, et j'ai eu droit à un "et avec ça, vous ne voulez pas allaiter ?" dit sur un ton bien méprisant et un regard accusateur. Je ne sais plus ce que je lui ai répondu mais j'ai dû avoir l'air peu commode, car elle n'est pas revenue à la charge. Elle a juste oublié de me donner mes petites pilules pour stopper la montée de lait (mais mon gynéco est intervenu avec exaspération).

A part cette unique fois, je ne me suis donc jamais sentie jugée. La pression à allaiter dont tout le monde parle, je l'ai à peine sentie. A peine car il semble que, pour les professionnels que j'ai vus, l'allaitement aille de soi.

J'ai opté pour l'hospitalisation à domicile. Après la visite de sortie du gynéco, des sage-femmes (toutes adorables) sont passées nous voir, bébé et moi, à la maison. Et à chaque visite, le gynéco comme les sage-femmes m'ont posé la même question :
- Avez-vous plus de contractions quand vous allaitez ?
- Bah euh, non, j'allaite pô.
- Ah bon."
Pas de discours moralisateur ni culpabilisant, pas de moue, pas de regard méprisant, juste un blanc pouvant signifier "pourquoi j'ai pas lu son dossier bordel". Et les professionnels ont enchaîné avec naturel et gentillesse sur l'inconfort lié aux montées de lait en me proposant des solution.
Rien de bien méchant, mais j'ai été très étonnée qu'on ne me demande pas si j'allaitais, mais comment ça se passait. Pourtant, j'ai jeté en lousdé un oeil sur les listings de la maternité quand j'y étais, une femme sur deux était au biberon. Je ne suis donc pas un cas unique. D'ailleurs, je n'ai pas pu trouver de statistiques à ce sujet, mais des messages glanés sur les forums prétendent que les bébés français sont majoritairement au biberon...

Quelques semaines plus tard, j'ai invité à la maison une jeune maman dont le fils aîné est dans la même classe que mon hobbit et dont le cadet de neuf mois porte le même nom que mon lutin. Son petit ayant visiblement faim, elle l'a mis au sein, tout en m'expliquant qu'elle avait allaité son premier jusqu'à un an et comptait en faire autant avec les second. Son regard était timide et elle avait l'air de s'excuser, comme si elle s'attendait à ce que je lui fasse la morale. Chose qui ne me serait même pas venue à l'esprit.

Je suis très contente de ne pas avoir subi de pression significative, et je tenais à dire que, dans mon cas du moins, je me suis sentie tout à fait libre de choisir et de nourir mon fils comme bon me semble. Finalement, j'ai l'impression que la pression qu'on dénonce n'est pas la bonne...


Illustrations :
Biberon cornet médiéval, constitué d'une corne de vache percée (source). Il y a plein de biberons marrants à voir sur la page wikipedia.
Elisabeth Taylor donnant le biberon à son bébé Liza Todd sous les yeux de ses fils Christopher et Michael H. Wilding, et son mari Michael Todd, photo de Toni Frissel, 1957 (source). Glamour !
La Charité Romaine, Rubens, 1612 (source). C'est l'histoire d'une fille qui donnait discrètement le sein à son père condamné à mourir de faim en prison. Cette générosité a ému le geôlier au point que le papa a été libéré.


11 commentaires:

  1. Tu sais quoi ? Moi j'ai allaité mais j'ai eu droit à la reflexion de l'anesthesiste "pour un 3eme on peut se passer de péridurale", et puis d'une sage-femme en voyant la tétine dans la bouche de ma puce "pourquoi vous lui avez mis un bouchon ?" et ben là je lui ai envoyé qu'après 2 nuits passées avec mon petit doigt dans sa bouche je trouvais que la tétine n'avait rien d'incongru.
    Y'a toujours quelqu'un pour critiquer ou juger...

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  2. Ca c'est tout à fait vrai ! Quoi qu'on fasse, il y a toujours des critiques.
    Ton gosse crie et tu le câlines ? Tu te laisses manipuler. Il crie et tu ne le prends pas ? Tu es un monstre d'insensibilité.
    On peut trouver des tas d'exemples comme ça...

    J'ai filé la tétine à mon gamin alors qu'il avait 2 jours aussi. Personne ne m'a rien dit, heureusement, j'aurais mordu : comme toi j'avais passé 2 mauvaises nuits.

    Je reste sur un mot que m'a dit le pédiatre qui a vu mon aîné à la sortie de la maternité et mon deuxième après sa naissance : il a coupé court à mes multiples questions sur le biberon, le lait, les quantités... en me disant "ce dont il a vraiment besoin, c'est de vos bras".
    Faut pas se prendre la tête, ils ont besoin de l'amour de leurs parents, le reste, on se débrouille... Du coup, les critiques, ben ils peuvent se les carrer bien profond, je m'en fous.

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  3. Bonjour :-)

    Je découvre ton blog avec cet excellent article. Pour ma part je ne suis pas encore maman mais je m'y prépare, et c'est vrai qu'on entend tellement de choses sur ces questions là...de quoi devenir chèvre bien souvent.

    Je vais continuer à lire un peu parce que c'est bien, par ici :-)

    Bonne journée!

    Julie.

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  4. Je n'ai eu que des relations professionnelles (15 ans durant) avec les sages-femmes et c'est un de mes meilleurs souvenirs professionnels ; elles ont la tête bien faite et bien pleine, elles sont plutôt solidaires des femmes, plus que certains obstétriciens en tous cas, et je ne les ai, pour ma part, jamais entendues porter de jugements à l'emporte-pièce.

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  5. @ Working Mama : Ca a l'air sympa chez toi aussi !

    @ Hypathie : je ne remettrais jamais en cause les compétences professionnelles et intellectuelles de personnes qui pratiquent une profession à laquelle je ne connais rien. On peut cependant avoir des doutes sur les compétences humaines de certaines personnes, dans tous les corps de métier.
    Ma première grossesse m'avais laissé une mauvaise opinion des sage-femmes. Celles que j'avais rencontrées n'étaient pas vraiment à l'écoute, voire méprisantes. Le boulot a été fait, et bien fait, mais je me suis sentie considérée comme une abrutie. Et puis celles que j'ai rencontrées pour ma seconde grossesse (dans le même établissement) ont été super (un peu alarmistes des fois mais bon). Il y avait en particulier un homme très attachant et rassurant, et celle qui m'a fait accoucher qui était géniale (elle a su gérer ma panique, c'était pas rien !). Seule celle dont j'ai parlé dans ce billet a été vacharde, et je crois que c'est la même qui m'a fait chier pour le premier.
    Faut pas faire de généralités, quoi. Dans tous les métiers, on rencontre des cons et des gens super.

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  6. Coucou,

    C'est rigolo, j'ai découvert ton blog il y a plusieurs mois maintenant, via cet article, et aujourd'hui que je suis enceinte, les liens relatifs sur les pages hellocoton me ramènent encore par hasard sur cet article. Les coïncidences^^.

    Pour ma part, je n'envisage pas autre chose que l'allaitement mais c'est mon seul modèle maternel aussi, toutes les femmes ont donné le sein dans ma famille, et longtemps qui plus est. Ca m'a toujours paru être une évidence, loin de toutes considération de perte de liberté (au contraire)...j'ai toujours eu envie d'allaiter, j'allaiterai autant que possible. Mais je n'ai aucun a priori sur le fait de donner un biberon a la place du sein. En revanche j'aimerais que, comme toi, les femmes faisant le choix du biberon fasse un choix éclairé. Qu'elles ne choisissent pas le biberon "parce que c'est pareil que le sein" (c'est faux, et scientifiquement démontré depuis des années maintenant), "parce que c'est moins fatiguant que le sein "(encore faux), "parce le lait peut ne pas être assez nourrissant (archi-faux, il suffit juste de guetter les pics de croissance. Les cas de lait "altéré" sont rarissimes, j'insiste lourdement sur ce mot), etc etc etc...tant d'arguments justifiant un non-allaitement mais qui au final sont tout à fait hors-sujet et souvent le fruit de la désinformation massive menée tambours battants par les industriels.

    Voilà, j'aimerais juste que chaque femme puisse faire un choix éclairé, et pas conditionné. Et alors, tout serait parfait.

    Enfin pour répondre à ta question, les statistiques c'est 60% de bébés allaités au sein en France. Mais on est loin des pays scandinaves, qui frôlent les 97% (mais leur politique de repos maternel est très différente...congés d'allaitement, facilités sur le lieu de travail...le taux d'allaitement est largement le résultat d'une politique de santé publique. Si c'était si aliénant, je ne suis pas sûre que les Scandinaves s'y adonneraient autant! On leur donne juste les moyens de le faire confortablement alors que chez nous, c'est quand même loin d'être le cas).

    Bises!

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  7. Re-coucou Working-Mama ! :-)
    J'ai souvent envie d'en recauser avec toi, vu que maintenant tu es en plein dedans, mais comme j'imagine que pas mal de personne tentent de t'expliquer la vie, je préfère la fermer ! :-D
    Je pense souvent à toi et à ton Working-Minus en vous souhaitant tout le bonheur du monde.
    Un choix éclairé ? C'est aussi ce que je souhaite, sur ce sujet comme sur les autres. J'ai été heureuse de pouvoir faire comme je l'entendais et que personne ne me fasse chier : je ne vois pas pourquoi je ferais chier les autres. Chacune sa famille, chacune ses nichons, on n'a pas à juger ce qui se passe chez les autres.
    Le contexte actuel fait qu'il est utile de rappeler que l'allaitement est naturel et de militer pour permettre aux allaitantes de le faire dans des conditions optimales. Il n'y a qu'un argument avec lequel je ne suis pas d'accord, c'est sur la place du père. Nourrir l'enfant a une forte signification symbolique, ça crée un lien et génère une émotion irremplaçable. Si le père ressent le besoin d'accomplir ce geste (ce qui était le cas chez nous), je trouve un peu égoïste de l'en empêcher sous prétexte qu'il n'a qu'à changer les couches s'il veut pouponner. On peut le laisser donner un bib' de temps en temps, et en profiter pour roupiller un peu, non ?

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  8. Héhé, merci de penser à nous :) On essaye de m'expliquer la vie oui c'est vrai, mais comme je viens d'une grande famille, je ne débarque pas non plus dans le monde de la maternité comme si je n'avais jamais vu un enfant de ma vie, ni comme si je n'avais jamais été confrontée avant aujourd'hui à des questions d'éducation. Donc je fais la part des choses entre ce que les gens me disent, ce que je garde, ce que je sais déjà...et je crois que je me fais assez confiance. J'ai un modèle maternel que je crois assez accompli, sage et juste. Qui m'apporte des réponses éclairées quand questions il y a (5 enfants, ça te construit une mère hein, lol^^)...je suis plutôt sereine et le papa aussi :)

    Je reviens juste sur cette question de la place du père, qui est effectivement délicate et c'est souvent elle qui crée les tensions d'ailleurs dans les discussions sur l'allaitement. Je fais partie de celles qui sont, justement, convaincues que le geste nourricier "pour tous" est trop souvent mis en avant comme argument justifiant le choix du biberon. Et je crois sincèrement que le père peut trouver sa place autrement, sans pour autant qu'elle soit moindre. Là encore c'est mon modèle familial qui parle, je comprends tout à fait l'envie de partager ce moment entre les deux parents, mais il me semble que l'expérience des familles "allaitantes" (du moins celles que j'ai dans mon entourage et avec qui j'ai pu discuter de ça)démontre bien que c'est tout à fait gérable et que cette question de la place du père est surtout émise du côté des "biberonnants" (j'ai horreir de ces mots mais je ne sais pas comment dire autrement :/ ) car il n'y a justement pas eu cette expérience et cette "nécessité" de trouver comment faire pour que le père ait lui aussi sa place pleine et entière. Je ne sais pas si je suis très claire dans ce que je dis?

    Quand j'écoute mon beau-père par exemple (papa de mes trois petits frères, tous allaités au moins un an, 21/18/16 ans aujourd'hui), il n'a absolument pas souffert de la mise au sein car il s'impliquait dans tout un tas d'autres choses, et ma mère respectait beaucoup son besoin de proximité avec ses garçons. Et effectivement, pas que changer la couche^^. Mais des moments d'intimité comme le bain, des jeux et des ballades "juste avec papa"...enfin bref il ne s'est pas du tout senti lésé, sur aucun des trois allaitements, car il a eu droit à son intimité pleine et entière avec ses enfants.Ma mère avait la sienne à travers son sein, lui en avait une autre, mais je crois qu'il l'a vécue tout aussi intensément. Et je crois qu'en fait, ce n'est pas le geste nourricier qui importe, mais bien la relation intime qu'il crée.L'impression d'apporter quelque chose d'essentiel à l'enfant.

    Après, attention, je ne dis pas que le père "n'a pas à réclamer de donner le biberon". Je dis juste qu'il peut être dommage, comme je le lis parfois ici et là, d'utiliser l'argument de la place du père comme justification d'un nom-allaitement, c'est très différent hein^^. Je veux dire, si il y a bien un acte qui ne peut pas être égoïste, c'est l'allaitement. C'est un don de soi, un prolongement de la grossesse...on ne peut pas allaiter égoïstement, il me semble que c'est tout à fait incompatible.

    Et juste pour corroborer ta dernière phrase, il est arrivé plusieurs fois que ma mère tire son lait, pour X raisons (notamment quand vraiment elle était épuisée de se lever la nuit), et que ce soit mon beau-père qui nourrisse les petits. Ou que ce soit moi, ou mon grand-frère. Mais disons que cela n'arrivait que quand vraiment elle ne pouvait pas faire autrement.

    Pfff, voilà, j'ai encore pondu un roman, décidément ^^.

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  9. Et j'ai fait de jolies fautes aussi...

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  10. J'ai pas vu tes fautes !

    Sur l'image maternelle, je pense que ta mère a dû te le dire : le voir et le vivre, c'est différent. Ma mère a gardé intensivement sa petite soeur, elle a eu un excellent modèle maternel, et elle a été désemparée avec moi, justement parce qu'elle croyait qu'elle saurait. Donc bon, je suis sûre que tu t'en sortiras, pas de souci, mais c'est pas parce que tu as des connaissances de la chose, c'est plutôt parce que tu as un cerveau et que tu sais prendre du recul.
    A mon avis, tant que l'enfant est désiré et qu'on n'a pas de difficultés matérielles majeures, il n'y a pas à s'inquiéter. S'occuper d'un enfant n'est pas si compliqué (sauf cas exceptionnel rare...).

    Quant à la place du père, je ne dis pas qu'il faut abandonner ou foirer son allaitement pour faire plaisir à monsieur, juste qu'il faut penser à lui demander si c'est important pour lui et si oui, le laisser biberonner une fois de temps en temps. Je dis ça uniquement parce que la rhétorique de certaines allaitantes ne laisse pas la place à cette possibilité.
    'fin je pense qu'on se comprend. ;-)

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  11. Oui effectivement, me suis mal exprimée^^ C'est plus le recul que j'ai pris sur certaines choses vues, les réflexions que m'ont amenés les choix éducatifs de ma mère qui font que je me fais assez confiance. Mais je ne crois pas "savoir": je crois que dans ce domaine on ne sait jamais, ce serait trop facile sinon^^.

    Et sinon oui, pour le papa, on est d'accord ;)

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