samedi 7 mai 2011

La langue, reflet de la société française

J'ai reçu pas mal d'appels à signer la pétition pour la réforme de la grammaire française intitulée "Que les hommes et les femmes soient belles !". Elle propose de remplacer la règle d'accord actuelle par la règle de proximité et elle est relayée entre autres chez Héloïse, chez Emelire, et sur Egalité. Je l'ai signée.

Le texte de la pétition rappelle que, dans la grammaire française, "Le masculin l'emporte sur le féminin". Et qu'on ne me parle pas de cette ânerie de "masculin neutre" qui sert à justifier cette règle avec une mauvaise foi effrayante : "En 1676, le père Bouhours, l'un des grammairiens qui a œuvré à ce que cette règle devienne exclusive de toute autre, la justifiait ainsi : «  lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte. »"

Cette règle n'est pas sans effet dans notre société : "Cette règle de grammaire apprise dès l'enfance sur les bancs de l'école façonne un monde de représentations dans lequel le masculin est considéré comme supérieur au féminin". C'est à mon avis la raison la plus importante pour signer cette pétition. La société forme le langage : notre langue est le reflet de notre société, et la règle d'accord est un symptôme du patriarcat. Mais les jeunes esprits intègrent ces règles. Le langage contribue, avec bien d'autres choses, à donner une vision sexiste du monde aux enfants. Changer les règles du langage ne permettra pas de briser le patriarcat qui a des causes bien plus profondes, mais cela permettrait de poser un obstacle à sa reproduction. A un moment ou à un autre, il faut bien briser le cercle vicieux. On pourrait tirer la même conclusion du problème de la publicité sexiste, du faible nombre de femmes parmi les dirigeants...

Malgré cela, ma première réaction à cette pétition a été négative.
La langue fait partie de notre culture, de notre patrimoine, qu'elle nous plaise ou non.  Cette règle est un héritage de notre culture et notre culture est patriarcale. Si nous souhaitions expurger de notre culture tout ce qui est hérité du patriarcat, il faudrait brûler tous nos livres, détruire tous nos films... Je préfère largement éduquer les jeunes en expliquant d'où vient cette règle et ce que ça a d'injuste que remplacer la règle par une autre en faisant table rase du passé, comme si de rien n'était.
De plus, je crains la résistance de nos concitoyens qui tiennent à leurs repères culturels sans les remettre en question. Un réforme de la règle grammaticale rencontrerait trop de résistance et serait vécue comme arbitraire. Je pense qu'il est plus sage d'agir sur la langue par petites touches, en féminisant les noms de métiers en priorité. Puis, si la société parvenait enfin à se débarrasser du sexisme, la langue suivrait.

J'ai finalement signé quand j'ai relevé que la pétition ne demandait pas le remplacement de la règle actuelle mais l'ajout de la règle de proximité. Nous serions libres d'utiliser les deux. C'est une solution élégante. Même si personne n'utilise à l'avenir la règle de proximité, au moins la question du genre dans la langue, de son origine et de son effet sur les jeunes esprits aura été posée. Et si la société évolue dans le sens de l'égalité, la possibilité d'utiliser la langue de manière non sexiste existera.

2 commentaires:

  1. Ben non ce n'est pas parce que l'on transforme une convention que tout ce qu'il y avait avant doit être supprimé.
    Une réforme n'est pas rétroactive.
    Mais si on s'interdit de changer quelque chose parce que ce qui venait avant était différent on ne ferait jamais bouger les choses.
    Et puis je pense que si tu avais une boutd'choute au lieu d'un boutd'chou tu aurais écrit un billet tout différent sur la question. :)

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  2. Comme si l'on n'avait pas encore assez de règles et de cas particuliers et exceptions comme ça.
    Primitivement, on n’avait qu’une opposition binaire : animés vs. inanimés.
    Ils s’opposaient par un trait manifeste dans leur déclinaison : l’inanimé était moins sensible à la flexion.
    Mais au départ, il n’y avait pas de féminin, on utilisait la forme générique de l’animé. Ce ne sont pas des catégories strictement séparées, on ne peut pas dire que tous les noms de personnes sont masculin/féminin et l’inanimé neutre en latin.
    il faut savoir qu’au départ on rangeait dans l’animé les éléments considérés comme une force agissante. (feu, eau, parties du corps)
    Des mots neutres désignent des personnes (considérées comme objets, qui n'avaient pas de personnalités juridiques à part entière.)
    Le genre de l'animé s'est ensuite subdivisé suite à la création de mots féminin sur racine des mots masculins, et ce dans la plupart des langues romanes.
    C'est pour ça que l'accord en est resté là, parce qu'on accorde comme l'animé, ce n'est pas une question de sexisme.

    (Puis franchement, si tu dis "Paul et Virginie étaient essoufflées après leur course", même si par proximité, le nom propre féminin devrait "l'emporter" avec ta règle, je trouve ça illogique. Parce qu'on peut dire que Paul et Virginie sont des êtres humains --> nom masculin.
    De plus, je trouve que la règle de proximité est boiteuse puisqu'à la base, dans l'histoire de la langue, elle concerne le nombre et non le genre ! )

    Cela dit, je suis entièrement d'accord avec l'idée de féminiser les noms de métiers. Et je suis complètement pour quelques réformes de l'orthographe et de la grammaire française, donc tu vois, ce n'est même pas une question de te tenir au patrimoine culturel! (Et c'est une future prof de français qui te le dit !)

    PS : Merci pour ton commentaire sur mon blog :)

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