samedi 11 décembre 2010

Comment fabriquer une femme ? - Manuel à l'usage des mères - Introduction

J'ai décidé de m'amuser à écrire une espèce de manuel qui expliquerait aux mères comment reproduire les clichés dans l'éducation de leurs filles. Je l'ai écrit de manière caricaturale pour montrer l'absurdité du bourrage de crâne que subissent nos enfants.


Madame, vous allez mettre au monde une fille, et nous vous en félicitons. Il est possible que votre entourage, en particulier le père de votre enfant, soient déçus de ne pas voir naître un garçon, et il est vrai que, malgré les lois outrageusement progressistes et heureusement ignorées du commun de la population, elle ne pourra transmettre le nom, et par conséquent l'héritage culturel, de votre famille. Cependant, si votre éducation est bien menée, elle prendra soin de vous jusqu'à votre dernier souffle, au contraire de vos fils qui, eux, devront assurer la subsistance de leur famille et suivre leur voie (ce fait est prouvé statistiquement).
L'objet de ce manuel n'est pas de vous donner des conseils de puériculture, mais de vous aider à élever votre fille de manière à ce qu'elle puisse s'insérer aisément dans notre société. Rappelez-vous que l'avenir de vos enfants est votre responsabilité bien plus que celle du père qui, lui, fournit l'essentiel de la subsistance de votre famille et contribue au bon fonctionnement du pays par son rude labeur. C'est bien pour cela que les femmes assument encore 80 % des tâches domestiques en France malgré leur important taux d'emploi.

Si la féminité est l'essence de votre fille, cette féminité peut être aisément ignorée, voire dévoyée. Il vous appartient de révéler à votre fille ses propres potentialités, par l'exemple principalement, mais aussi en aiguillant soigneusement ses activités. Votre comportement à son égard et vos exigences contribueront à lui faire comprendre son rôle social et à le lui rendre naturel. Il importe également de lui éviter de tomber dans les pièges de sa propre condition et de devenir une femme de mauvaise vie : bien que ces dernières soient nécessaires au bon fonctionnement du corpus social, la honte s'attache à elles. La société dans son ensemble, par le biais de la publicité, de l'art et de la culture, vous soutiendra dans votre œuvre.
Hommes et femmes sont différents ; la nature leur a accordé des rôles différenciés dans le groupe humain, et ce depuis la nuit des temps (même les paléontologues vous le diront). L'homme produit, la femme reproduit. La femme est garante de la reproduction de l'espèce et doit veiller sur sa progéniture. Votre fille doit donc être en mesure de maîtriser les méthodes lui permettant de :
  • trouver un mari, car pour constituer sa famille, votre fille doit trouver un époux qui puisse subvenir à ses besoins et lui donner des enfants,
  • garder son mari, pour que sa famille reste intègre, que ses enfants puissent être élevés dans de bonnes conditions et qu'elle ne se retrouve pas sans ressources,
  • prendre soin de ses enfants, car c'est le seul moyen pour une femme de s'épanouir parfaitement.
Ce manuel se compose de trois parties :
  1. la petite enfance, qui est l'étape cruciale de l'éducation sexuée, au cours de laquelle vous lui donnerez ses repères,
  2. l'enfance, qui est une période au cours de laquelle les enfants s'identifient à leurs parents,
  3. l'adolescence, qui est l'âge de la mise en pratique des leçons de l'enfance et de la petite enfance.
Rien de ce que nous décrirons pas la suite n'est nouveau, nous ne ferons que mettre en lumière les mécanismes utilisés par les parents pour façonner leurs enfants, en espérant que ces outils étant connus seront utilisés à meilleur escient.

A suivre !

lundi 6 décembre 2010

La Princesse et la Grenouille



Pour Noël, Canalsat soigne sa grille et nous a proposé, à grand renfort de publicité, La Princesse et la Grenouille. J'avais un bon a priori sur ce film, car j'ai beaucoup apprécié de voir Disney choisir une héroïne noire. Le pari n'était pas aisé : il fallait insérer un brin de culture noire-américaine dans un conte classique pour que les petites filles puissent s'identifier à l'héroïne sans que cela soit exagéré et caricatural ni détruire le conte. Le choix de la Nouvelle Orléans des années folles pour situer l'histoire permet de gagner ce pari avec classe. Pas trop de transgression tout de même, le prince est noir aussi, Disney n'est pas moderne au point de montrer un couple mixte.

J'ai beau adorer les films Disney, je râle toujours quand je vois un de leurs longs-métrages pour la première fois car ils ne respectent pas les contes. Quand il s'agit de Cendrillon, je ne peux rien dire, tout le monde comprendra bien qu'on ne peut pas montrer les demi-sœurs se découper le pied pour rentrer dans la pantoufle. Dans le cas de la Petite Sirène, j'accepte parfaitement la création d'un happy ending à la place de la fin sadique mise en place par Andersen. Là, je n'ai rien dit non plus, car si Disney n'avait pas un peu brodé (enfin... plus qu'un peu !) le film aurait duré 20 minutes. D'après ce que j'ai lu sur Raiponce, par contre, je me prépare à péter une durite.
Bref, du conte original, il ne reste que l'idée d'un prince transformé en grenouille et qui doit rouler une pelle à une princesse. Les lecteurs de Garulfo apprécieront. Seulement, allez chercher une princesse à la Nouvelle Orléans...

Mon petit bonhomme de trois ans et demi est resté scotché à la télévision du début à la fin, il a donc bien aimé. Personnellement, j'ai aussi passé un très bon moment, il y a pas mal de petites blagues destinées aux parents. C'est une jolie histoire, avec de l'action et un brin de romantisme. Le dessin et l'ambiance jazzy sont très sympas.

La vraie surprise du film, c'est le message qui passe. Tiana, l'héroïne, n'est pas une princesse qui fait le ménage comme Blanche-Neige ou Cendrillon, elle n'est pas passive comme Aurore, ni naïve comme Jasmine et Ariel. Elle a un rêve et bosse comme une forcenée pour le réaliser (bon, OK, elle est cuisinière et serveuse, c'est un peu stéréotypé, mais bon...). Quant à Naveem, le prince, c'est un feignant qui passe son temps à faire la fête et vit aux crochets de sa famille, et il se retrouve transformé en grenouille. Moralité : si tu veux un truc, ne compte pas sur ton physique ni ta naissance, bouge-toi les fesses ! Ca fait plaisir.
Un bémol tout de même : j'ai été déçue de la voir se demander à quoi sert la réussite si on n'a pas l'amour. Ce n'est pas faux, mais dans une société où on encourage les filles à chercher avant tout un mari, ce n'était pas la peine d'insister là-dessus. Et je ne parle pas du personnage de la copine richissime et hystérique, je vais être vulgaire.


Enfin, je retiens surtout le progrès dans la vision sociale proposée par Disney, il est tellement énorme... Espérons que Raiponce ne constitue pas un retour en arrière trop violent !

vendredi 3 décembre 2010

Merci les filles !... d'hier et d'aujourd'hui

Grâce à la page Facebook de l'association La Barbe, j'ai appris que le documentaire "Encore elles !", qui a été diffusé sur France 3 et que j'ai honteusement raté, est peut être visionné en ligne sur le site de la chaîne. Le documentaire revient sur la lutte féministe des années 70, ce qui fait toujours du bien, et donne quelques clés sur les aspects les plus noirs de la situation des femmes aujourd'hui. Les Chiennes de Garde, Osez le féminisme, la Barbe et Ni Putes Ni Soumises sont citées pour montrer que le féminisme est de retour, et rappelle qu'on en a bien besoin. Hé oui, encore elles !
Pour mes lecteurs et lectrices qui s'intéressent à l'histoire du féminisme, je recommande au passage le brillant Merci les Filles ! de Virginie Berthemet, Juliette Joste, et Valérie Ganne sorti il y a quelques mois.

Curieuse coïncidence, juste après avoir vu le documentaire où l'on voyait le magazine Elle fustigé par le MLF, j'ai appris, par le blog de Sandrine, que les résultats du prix des blogueuses Elle étaient tombés. Pas de catégorie "féminisme", évidemment, mais tous les blogs ne parlant pas de godasses ou de cuisine étaient répertoriés sous "société". Et dans cette catégorie, c'est un blog féministe qui l'emporte : Olympe et le plafond de verre. Félicitations à elle ! A dire d'elle était aussi sélectionné, et si je l'avais découvert plus tôt, j'aurais été bien en peine de choisir entre elles.
C'est un beau pied de nez, n'empêche, de voir un blog féministe sacré par un magazine aussi cliché. Et si ça faisait réfléchir la rédaction ? Ou au moins les lectrices...

En parlant de documentaires, les abonné-e-s de Canal + auront le plaisir de découvrir La Domination Masculine de Patric Jean ce mois-ci. J'en au entendu beaucoup de bien et il sera diffusé le 14 décembre en seconde partie de soirée. On y parle, entre autres, de la tuerie de l'école Polytechnique de Montréal, événement totalement inconnu en France et pourtant si dramatique, dont on "fêtera" les 21 ans le 6 décembre prochain.