samedi 19 février 2011

Craignez le Grand Méchant Loup !

J'ai relevé il y a deux jours dans ma revue de web le billet de Crêpe Georgette sur les réactions à la disparition de la joggeuse. D'après certains, elle est sortie seule à 4h du matin, faut pas s'étonner qu'il lui soit arrivé des bricoles...
Une journaliste a été agressée sexuellement en Egypte, on répond qu'elle n'avait qu'à pas y aller. Journaliste en Egypte, c'est un métier dangereux, pour une femme, surtout si elle est jolie...
Il y a donc des heures et des endroits où on a le droit de sortir. Nous ne sommes pas libres de nos mouvements. On nous l'avait bien dit, pourtant, que le Grand Méchant Loup guettait les jeunes filles dans les bois ! Il existe des monstres prêts à nous dévorer, et c'est à nous de veiller à notre sécurité...
Il n'y a vraiment que dans le cas des violences faites aux femmes qu'on peut lire ce genre d'âneries. Quand un homme se fait casser la figure, il ne viendrait à l'esprit de personne de lui reprocher d'être sorti de chez lui à une heure indue. Mais quand on se fait cambrioler parce qu'on a oublié de fermer la porte, on condamne le cambrioleur quand on le retrouve, mais tout le monde admettra que la responsabilité incombe aussi à l'étourdi. Une agression sur une femme est traitée comme un simple cambriolage... Agresser, violer une femme, c'est considéré comme entrer par effraction chez autrui ; la gravité de l'acte et le traumatisme infligé sont négligés. En ramenant la femme-victime au rang d'objet qu'on abîme, le viol devient violation.

Dans certains cas, la victime de viol devient héroïne, parce qu'elle s'est suffisamment défendue : c'est le cas de Jenny, la jeune femme qui a survécu en faisant la morte. Son cas (dramatique, je ne le nie pas), est abordé par les médias avec emphase. Je n'ai pas encore vu d'appels à la peine de mort pour son agresseur présumé dans les commentaires et sur les forums (je n'ai pas trop cherché...), mais je m'y attends...
Dans le cas de la journaliste en Egypte, par contre, certains sous-entendent que ce n'était pas un "vrai viol"... Une fois encore, il y a le vrai viol et le reste. Celui où la victime est clairement victime et celui où, quand même, elle l'a un peu cherché, elle ne s'est pas assez défendue et puis finalement ce qu'on lui a fait n'est pas si grave, elle chouine pour un rien, c'est la faute des féministes qui victimisent à tout va...

Le Petit Chaperon Rouge n'avait qu'à pas causer avec un inconnu, surtout s'il a l'air louche comme le Grand Méchant Loup. C'est de sa faute, si elle se fait bouffer !
Et puis finalement, le chasseur l'a sortie de la panade en deux coups de ciseaux, c'était pas si grave, il n'y a pas de quoi se plaindre...


Illustration : Le Petit Chaperon Rouge par Gustave Doré (1883)

2 commentaires:

  1. L'espace public appartient toujours aux hommes. Certains ont pour mission de nous le rappeler ... avec la complicité des médias.

    Il n'y a rien là-dedans qui relève du fait-divers. Il faut plutôt aller chercher du politique, de la construction sociale de victimEs et d'agresseurs (proies/prédateurs).

    Très juste ton billet et le parallèle avec le Petit Chaperon Rouge. Il y aurait tant à dire sur ces contes aliénants ...

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  2. Je suis toute nouvelle ici, et j'apprécie ce que je lis :)

    Par contre: en réponse @Héloïse: considérer les contes comme "aliénants", ce que je n'ai pas compris dans l'article initial d'ailleurs, me révolte!

    Si certaines lectures de ceux-ci peuvent fâcher les féministes, on peut tout à fait en faire une lecture beaucoup plus émancipatrice pour les femmes (je pense par exemple au travail sur la question de Clarissa Pinkola-Estes, notemment dans "femmes qui courent avec les loups")

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