samedi 18 décembre 2010

Prostitution et handicap

J'avais cité dans ma revue de presse il y a 2 semaines un billet publié par Emelire sur la proposition que font certaines personnes d'offrir des services sexuels aux handicapés. Sur le même sujet, un article est paru jeudi sur les Nouvelles News. Et Emelire vient de récidiver avec un billet qui propose plein de liens intéressants et un très bon dessin.
La sexualité des handicapés est certes taboue. Un corps abîmé, ça ne fait pas envie, et on n'a pas envie de l'imaginer en activité sexuelle. Ce qui parait laid, on préfère le cacher avec honte, dédain, voire agressivité. Comme pour la sexualité des personnes âgées. Il faudrait clairement lancer une réflexion sur le sujet.
Les articles en question ont le mérite de tenter de lancer le débat. Mais ils ne vont pas très loin : on se borne à proposer, comme solution à la misère sexuelle des hommes handicapés et à la détresse de leurs proches qui se chargent de les branler, de payer des femmes pour le faire. On ne parle pas de prostitution (ouh, le vilain mot !), mais de "service sexuel". Je ne vois pas vraiment la différence, d'autant plus qu'il est proposé de faire évoluer la loi sur le proxénétisme.

Cette rhétorique est un pur exemple d'androcentrisme. On pense au bien-être des hommes, et pas un mot n'est dit au sujet de celui des femmes.
Même en restant dans le discours androcentré, on peut très bien opposer un argument à l'emploi de ces services : devoir recourir à une professionnelle pour se faire éjaculer et ramener les désirs et plaisirs intimes à un simple acte d'hygiène doit être humiliant. Etre considéré comme un encombrant générateur de foutre qu'il faut traire de temps en temps, au prix de l'utilisation d'un corps humain, même sans scrupules chrétiens, ça ne doit pas être valorisant du tout. Le corps des handicapés est déjà bien assez méprisé comme ça. Les défenseurs de cette pratique parlent de sexualité, mais cette idée de la sexualité occultant l'affectif, déshumanise des corps qui souffrent déjà des regards détournés des bien-portants.

Mais quittons cette rhétorique de borgne.
Quid des femmes handicapées ? N'ont-elles pas de besoins sexuels ? Ces besoins sont-ils moins importants ? Nous voguons ici en plein cliché : les hommes auraient des pulsions souveraines, tandis que les femmes rêvent d'amour.
Mais surtout, quid des femmes (personne ne parle de confier cette tâche à ces hommes, pourtant ils sont les plus compétents pour l'accomplir) qui devraient monnayer leurs services pour soulager ces hommes ? On nous parle de "droit à la sexualité", et je ne nie pas que la frustration sexuelle est difficile à vivre. Mais cette gêne ne justifie en rien qu'on impose un rapport sexuel non consenti à quelqu'un, même en échange d'argent. Car il s'agit bien d'un rapport sexuel non consenti : le consentement ne s'achète pas ! Les témoignages d'anciennes prostituées et d'anciennes actrices porno (, , et là en anglais - mais je vous déconseille de lire ça sans sac à vomi) ne manquent pas pour dire que le "service sexuel" est humiliant et douloureux à pratiquer. Ce n'est pas un métier pénible comme tant d'autres mais une activité profondément déshumanisante qui peut vite devenir atrocement douloureuse. Et ne me dites pas que si on encadre bien la pratique, les prostituées ne risquent rien, ce serait d'une part occulter la nature même du rapport tarifé qui ne peut être pratiqué sans douleur (ben quand on ne mouille pas...) ni sans rapport de force (l'argent, c'est le pouvoir, sauf chez les Bisounours).
Au fait, z'avez remarqué que si vous enlevez une lettre à "services sexuels", ça fait "sévices sexuels" ?

D'ailleurs, plutôt que de parler de "service sexuel", j'aimerais qu'on appelle un chat un chat. Il s'agit de payer quelqu'un pour dégorger les couilles d'hommes handicapés. C'est vulgaire, dit comme ça ? Hé bien, je préfère une phrase vulgaire qu'une formulation polie pour une idée minable, c'est moins hypocrite.


=> Pour aller plus loin sur le sujet, lire le dossier très complet publié sur le site de la revue "Prostitution et Société" du Mouvement du Nid.

3 commentaires:

  1. Je trouve très juste la réflexion sur la déshumanisation de la sexualité des handicapés à travers l'idée de service sexuel.

    La sexualité n'est pas un acte d'hygiène comme beaucoup le croient. C'est un échange relationnel.

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  2. Je suis d'accord. Cependant l'instigateur de toute cette polémique, le député Chossy cite à qui veut l'entendre l'exemple d'une femme à qui ces services sexuels ont été très profitables. Tu as raison, cette déshumanisation de la sexualité des handicapés me choque.J'ai eu un échange "houleux" mais intéressant sur mon blog avec une partisane de la dépénalisation pour les handicapés. http://anaismisfits.canalblog.com/archives/2010/12/23/19951204.html Je serais ravie d'avoir ton avis ! Bonne soirée ! Anaïs Misfits

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  3. Oui, j'ai lu l'échange. J'ai aussi lu avec attention ses interventions dans les commentaires sur l'article des Nouvelles News.
    Je suis ravie qu'elle ait pu s'exprimer sur le sujet, ça la concerne après tout. Je ne trouve pas ses arguments très percutants et elle a dit des choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord. Elle est également souvent en contradiction avec toutes les études que j'ai lues. Elle gagnerait aussi à adopter un ton plus posé, mais bon, je ne suis pas sûre que j'y arriverais à sa place ! ;-)
    En tout cas, ce sont des avis comme le sien qui me font hésiter à me définir comme abolitionniste. La consommation d'êtres humains, je dis non, mais s'il existait une autre voie ? Jusqu'à maintenant je dirais que c'est impossible, mais je ne détiens pas la vérite universelle.

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